Si
souvent citée comme étant le meilleur championnat du monde,
la Série A italienne pâtit maintenant de l'ascension des clubs
anglais et espagnols. Une réalité que les acteurs eux-mêmes
sont en train de mesurer, qu'ils soient encore impliqués, ou qu'ils
disposent d'un point de vue désormais extérieur.
Cas de dopages répétés,
allant du plus anonyme des joueurs aux stars les plus exposées.
Violence dans les stades, hors des stades, sur les terrains professionnels
également. Fiasco sportif avéré avec l'absence totale
de clubs transalpins en quarts de finale des deux compétitions européennes.
Le football italien a vécu une saison 2000/1 difficile, et les défaites
des deux équipes engagées au troisième et dernier
tour préliminaire de la Ligue des Champions - l'AS Rome sur le terrain
du FC Copenhague (2-1), Parme sur sa pelouse devant Lille (0-2) - amènent
à penser que la tendance est lourde.
Crespo n'est pas dupe
Dans de telles conditions,
il peut sembler facile de sortir l'artillerie verbale. Mais lorsque le
point de vue d'un joueur aussi concerné que le meilleur buteur du
championnat italien, l'attaquant international argentin de la Lazio de
Rome Hernan Crespo, rejoint ou soutient les remarques des observateurs,
il y a lieu de s'y attarder. Pour celui-ci, il n'y a rien d'étonnant
à ce que deux des meilleurs joueurs de la Série A, de surcroît
deux des plus créatifs (son coéquipier de sélection
et la saison passée à la Lazio Juan Sebastian Veron, le meneur
de jeu international français Zinédine Zidane qui sort de
cinq ans à la Juventus de Turin), aient décidé de
la quitter respectivement pour Manchester United et le Real Madrid.
Crespo parle franc : "Les
Italiens doivent comprendre qu'ils filent un mauvais coton. Ils ne doivent
pas s'étonner que Veron et Zidane soient partis. Ne se concentrer
que sur le résultat est inutile. Il suffit de jeter un oeil aux
deux dernières saisons, où les équipes italiennes
ont échoué au niveau européen. En 1996, j'ai pris
la décision de faire partie du meilleur championnat du monde, et
j'ai réussi. Je n'envie personne, mais les Italiens doivent comprendre
que le football, ce n'est pas que le résultat. Moi aussi, j'aime
gagner. Mais avant tout, j'aime jouer un football offensif." Critique
esthétique, tactique, quasiment philosophique, c'est aussi celle
d'un joueur dont la sélection a, au printemps dernier, donné
une leçon de football à l'Italie en match amical.
Ranieri voit mieux ailleurs
Deuxième élément
de ce bref état des lieux, l'opinion du manager italien de Chelsea,
Claudio Ranieri. Cela fait un lustre qu'il travaille hors de son pays,
et cette expérience internationale lui a ouvert les yeux : "Nous,
les Italiens, sommes élevés dans la croyance qu'hors de nos
frontières, le monde du football s'arrête. Mais après
avoir travaillé cinq ans dans des championnats étrangers,
je peux affirmer le contraire. Les footballs espagnol et anglais sont à
un niveau de performance supérieur à l'italien, comme Figo
l'a dit. Dans les deux pays où j'ai été en fonction,
le football reste un sport et un spectacle. En Italie, ce n'est plus ça
depuis longtemps. En Angleterre, l'atmosphère est différente.
Lorsque nous évoluons à Stamford Bridge, le terrain est ouvert
à dix heures du matin, et se remplit de familles. Il y a une mascotte
qui blague avec les joueurs et les supporters. C'est une fête. Mais
en Italie, c'est un drame."
Drame. Un mot qui peut renvoyer,
étymologiquement, à certaines tendances à simuler
des fautes de l'autre côté des Alpes, quelque chose que le
stoppeur international néerlandais de Manchester United, Jaap Stam,
a évidemment constaté de son côté et n'approuve
pas vraiment [lire par ailleurs]. Un mot qui renvoie surtout aux violences
vécues chaque semaine dans le foot en Italie, du racisme affiché
de certains extrémistes en passant par un hooliganisme de masse.
La situation est loin d'être
parfaite, où que ce soit. Mais aujourd'hui, le championnat italien
n'est pas le plus grand du monde. Et comme l'a dit Crespo, cela ne tient
pas qu'à des résultats défavorables depuis 1999...
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à cet article - Par Yann Peltier