Stade Rennais
veut passer un cap |
Depuis quelques jours, les agitations
autour du Stade Rennais rassurent les supporters. Si rien ne permet de
déterminer que les dernières recrues seront performantes,
au moins les fidèles du stade de la route de Lorient savent que
la nouvelle équipe dirigeante ne veut pas faire du neuf avec du
vieux. Analyse de la situation.
Aux abords de la Piverdière,
le centre d’entraînement du Stade Rennais, les vieux grognards faisaient
la moue la semaine dernière. Scrutant les joueurs de retour de stage,
nombreux étaient ceux qui regrettaient de ne pas voir de nouvelles
têtes. Il faut dire que les années précédentes,
et plus particulièrement il y a deux ans, les dirigeants rennais
les avaient fait saliver en recrutant à grands coups de millions
de francs des joueurs dont on attend toujours le retour sur investissement…
Seul changement notable, la présence d’une nouvelle équipe
technique avec à sa tête, Philippe Bergeroo. Le Basque, après
quelques mois sabbatiques suite à son renvoi du Paris-Saint-Germain,
retrouve donc un banc bien qu’il ait « pigé » pour Philippe
Troussier, alors sélectionneur du Japon, en suivant des matches
de sélections étrangères. Si ce travail lui a permis
de garder contact avec le terrain et de peaufiner ses schémas tactiques,
l’odeur des vestiaires lui manquait.
Après le renvoi de Christian
Gourcuff, un an seulement après son arrivée, Bergeroo prend
donc en main les destinées rennaises et retrouve par la même
occasion son ancien complice du temps où il jouait à Lille,
Pierre Dréossi devenu directeur sportif. En trois saisons, les Rouge
et Noir ont donc connu trois entraîneurs alors que le souci premier
des actionnaires, François Pinault en tête, était d’accéder
et de s’installer au sein des hautes sphères européennes.
Les errements du recrutement sous Paul Le Guen puis le divorce entre Gourcuff
et les joueurs l’an passé ont calmé les ardeurs des uns et
des autres. Cette année, la pudeur des dirigeants sied parfaitement
à la morosité du marché des transferts et aucun objectif
n’a été assigné, pour l’instant ( !), à Philippe
Bergeroo.
Les nouvelles têtes, il fallait
donc dans un premier temps les chercher aux bords ou en dehors des terrains.
Outre le staff, la branche administrative du club a connu des évolutions.
Si René Ruello, président-délégué, et
Hubert Guidal, vice-président du club, avaient ébauché
un plan qui consistait à associer Alain Perrin (manager à
l’anglaise) et Christian Gourcuff, François Pinault, déçu
des résultats de l’an passé (12è avec le maintien
assuré lors de l’avant-dernière journée), a repris
les choses en main en laissant sa holding Artémis décider
d’une nouvelle stratégie sportive et financière. «
Le Stade Rennais sera présidé de Paris mais gouverné
à Rennes » avait au début du mois de mai déclaré
François-Henir Pinault, fils de François et numéro
3 d’Artémis. Exit Gourcuff, oublié l’option Perrin, réduction
des dépenses liées aux transferts et nomination de Bergeroo,
Dréossi et d’Emmanuel Cueff, ce dernier prenant la place de René
Ruello. Voilà du côté des coulisses.
Les recrues arrivent tout doucement…
Pendant quelques semaines, Arnaud
Le Lan a du se sentir bien seul dans la colonne des arrivées. Ce
jeune défenseur (24 ans), transfuge de Lorient, avait été
rapidement engagé à l’issue du championnat sur les conseils
de… Gourcuff. Celui-ci débarqué, Le Lan est arrivé
sur les bords de la Vilaine un peu circonspect quant au jeu des chaises
musicales qui se déroulait sous ses yeux. La Coupe du monde et donc
la mise en parenthèse du marché des transferts ne lui ont
pas permis de se confronter à de nouvelles recrues. Au contraire,
il a vu peu à peu des joueurs quitter le bateau breton : Severino
Lucas a été prêté au club brésilien Cruzeiro,
Luis Fabiano en a fait de même à Sao Paolo tandis que Christophe
Le Roux et Gaël Danic rejoignaient le voisin de Guingamp. Christian
Bassila à Strasbourg et Jean-Félix Dorothée (un des
grands espoirs français pourtant !) à Valence (Espagne) n’ont
pas manqué de monnayer leur talent ailleurs. Même Jocelyn
Gourvennec a décidé de plier bagage et de filer vers Bastia
!
A l’issue du Mondial, c’était
toujours le calme plat et le Stade Rennais semblait être reparti
avec le même effectif. Jusqu’à la semaine dernière
et surtout jusqu’au mercredi 10 juillet. Pierre Dréossi l’avait
promis, il y aurait des signatures au Stade Rennais. L’ancien directeur
sportif de Lille, qui a fait des miracles dans le Nord avec trois fois
rien, a tenu parole. Dans un premier temps, ce sont l’Uruguayen Andres
Fleurquin et l’Argentin Gabriel Loeschbor qui venaient grossir les rangs
stadistes. Le premier (27 ans) est annoncé comme un bon milieu de
terrain qui évoluait l’an passé à Sturm Graz en Autriche.
Le second, âgé de 24 ans, jouait l’an passé en Argentine,
au Racing Club Avellaneda. Inconnus du grand public, ils remplissent néanmoins
la condition de ne pas coûter trop cher (4,5 millions d’euros à
eux-deux) même si on peut s’interroger sur leurs réelles qualités.
Ce type de recrutement (un peu exotique alors qu’à son arrivée,
Pinault voulait une équipe composée de Bretons !) rappelle
en effet celui réalisé il y a quelques saisons avec les Di
Costanzo, Hobsch et autres Weiser… Là-encore, une catastrophe.
Un gardien d’avenir
Le recrutement, mercredi 10 juillet,
du gardien Petr Cech est quant à lui une vraie garantie. Gardien
du Sparta Prague et de la sélection Espoirs de la République
Tchèque, il était convoité ni plus ni moins par la
Juventus, la Lazio, Arsenal, Fulham, Everton et Lens… Brillant lors du
dernier championnat d’Europe Espoirs, puisqu’il est à l’origine
de la victoire finale de sa sélection face à la France, ce
jeune gardien (20 ans) a en outre la particularité d’avoir déjà
disputé six matches de Ligue des Champions l’an passé. Echaudés
par les atermoiements de Richard Dutruel et le refus de Penneteau, les
dirigeants rennais ne sont pas peu fiers d’avoir soufflé ce très
grand espoir (1, 97 m pour 87 kg) aux plus grandes formations européennes.
« Il a un énorme abattage et, malgré son jeune âge,
il a une grosse expérience et une grosse maturité »
confiait Philippe Bergeroo au quotidien Ouest France. Avec un gardien,
un défenseur et un milieu de terrain, il ne manquait plus que la
signature d’un attaquant, enfin, efficace !
Si celle-ci n’est pas encore apposée
au bas d’un contrat, tout pense à croire qu’elle sera de la main
du Bulgare Georgui Ivanov. Auteur de 14 buts (en 21 matches) l’an passé
sous les couleurs du Levski Sofia, Ivanov semble offrir également
de bonnes garanties puisqu’il a remporté trois championnats nationaux,
deux coupes de Bulgarie, et a été élu meilleur joueur
de l’année 2000 et 2001. Âgé de 26 ans, Ivanov (1,
84 m et 78 kg) aura la lourde tâche d’être le buteur attitré
du Stade Rennais après de longues années de vaches maigres.
Depuis le départ de Shabani Nonda, les supporters n’ont plus vraiment
vibré pour un joueur en particulier.
Bergeroo, portrait du Basque heureux
Bien qu’ils partagent le même
attachement à leurs racines, le Basque et le Breton ne seraient
pas fait du même bois. C’est en tout cas ce qu’ont en déduit
les dirigeants rennais. Exit l’ombrageux et peu communicatif Christian
Gourcuff et bienvenue au sympathique et détendu Philippe Bergeroo.
Ce dernier, arrivé en mai,
a du pain sur la planche pour renouer le dialogue et remobiliser un groupe
divisé. Les dirigeants ne se s’en sont d’ailleurs pas caché,
« Philippe Bergeroo devra privilégier l’aspect humain dans
son travail » selon François-Henri Pinault. Néanmoins,
le nouvel entraîneur rennais ne sera pas un simple GO chargé
de la bonne ambiance et il tient à le préciser : «
Je veux être le patron au niveau du groupe mais je serai toujours
à l’écoute ».
Âgé de 47 ans, le Basque
a déjà roulé sa bosse et il connaît le métier
bien le métier. Sa victoire à l’Euro 84, sa participation
au Mondial 86 et surtout son expérience accumulée en 1998
aux côtés d’Aimé Jacquet lors du sacre de l’équipe
de France sont autant d’éléments à mettre à
son crédit. « J’ai été séduit par le
discours de M. Pinault. Ce club a un potentiel exceptionnel. Pour moi,
c’est une nouvelle aventure ».
Une aventure qu’il compte bien mener
à sa manière avec autorité mais aussi avec chaleur
et humilité. Arrivé au Paris-Saint-Germain comme bras droit
d’Alain Giresse, il a travaillé ensuite auprès d’Artur Jorge
avant de prendre la tête de l’équipe première en mars
1999. Il sauve le club parisien de la relégation et lui offre même
une seconde place la saison suivante, synonyme de Ligue des Champions.
Si celle-ci débute idéalement et si le PSG enfile les buts
au Parc des Princes, l’hiver lui est fatal et Bergeroo est renvoyé
après une calamiteuse défaite à Sedan en décembre
2000.
Souhaitant « mettre en place
un projet de jeu » au Stade Rennais, l’ancien gardien de l’équipe
de France devrait s’appuyer sur un schéma en 3-5-2 modulable en
cas de perte de balle en 5-3-2. C’est ce qu’il ressort en tout cas des
confrontations amicales du club bien que l’arrivée de nouveaux joueurs
puisse changer la donne. Mais son credo reste le même, « développer
un certain état d’esprit. Quand on a la possibilité d’exercer
un travail aussi exceptionnel, il faut savoir apprécier son bonheur
». Les joueurs sont prévenus.
Cette année, le Stade Rennais
doit répondre aux attentes de supporters frustrés depuis
des années mais également à celles de son actionnaire
principal, François Pinault. Faute de quoi, ce dernier pourrait
ne plus soutenir à perte une équipe rennaise qu’il supporte
pourtant depuis sa tendre jeunesse.
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à cet article - Yohann Hautbois
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