Privées de plusieurs de leurs éléments, Hollandais et Français n'ont pas livré une partie de grande classe mais ont prouvé une solidité à toute épreuve qui doit rassurer leurs sélectionneurs respectifs. Ce match nul et vierge stoppe la belle série des Bleus mais sera riche d'enseignements pour le futur.

Les données de la rencontre

C'était il y a presque 4 ans... Un soir de juillet 2000, dans ce même stade de Kuip, les Bleus réalisaient un des plus incroyables come-back de l'histoire du football, en remportant l'Euro après avoir été mené 1-0 jusqu'à la 93e minute par l'Italie. Depuis, les temps (et pas mal de joueurs) ont changé, et un mois et demi après sa rentrée en Belgique (2-0), l'équipe de France continuait mercredi sa préparation pour l'Euro 2004, sans pression inutile, mais avec, comme toujours, une profonde envie de gagner un 15e match consécutif. Car avec les forfaits au milieu de terrain (Zidane, Pires et Vieira), leurs remplaçants avaient l'occasion (unique ?) de prouver au sélectionneur qu'ils doivent avoir leur chance pour disputer le Championnat d'Europe. Jacques Santini l'avait d'ailleurs rappelé mardi : «Par rapport au match contre la Belgique, ce groupe est plus fatigué. Pour cette raison certains joueurs auront un temps de jeu plus important que prévu.» Pas de doute, ce match à Rotterdam était la dernière chance pour les Govou, Giuly, Pedretti, Micoud et consorts de se faire une place au soleil du Portugal. En effet, le prochain rendez-vous des Bleus est prévu pour le 20 mai prochain face au Brésil. Les essais seront donc bel et bien terminés. D'autre part, et même si tout le monde a tenu a le placer au second plan, cette rencontre face aux Bataves pouvait permettre aux Bleus de battre le record de victoires consécutives (14 avant le match) en matchs internationaux. Pour ce 21e Pays-Bas-France, les objectifs ne manquaient donc pas pour les hommes de Jacques Santini, car l'Euro se rapproche de plus en plus...

Pour l'équipe hollandaise, les enjeux de ce match amical n'étaient pas si différents. La nouvelle génération (Van der Vaart, De Jong, Sneijder, Robben et Van der Meyde notamment) avait en effet à coeur de prouver qu'elle valait aussi bien que la précédente (mais néanmoins toujours en place), celle des Davids, Cocu, Overmars, van Nistelrooy, demi-finaliste du la Coupe du Monde 1998 et de l'Euro 2000. L'amalgame devait donc se faire entre les jeunes et les expérimentées stars du football hollandais, comme ce fut le cas lors d'un mémorable match retour des barrages de l'Euro 2004 face à l'Ecosse (6-0). Lors de ce Championnat d'Europe, les "Oranges Mécaniques" rencontreront d'ailleurs la République Tchèque, l'Allemagne et la Lettonie dans le groupe de la mort, et en battant les tenants du titre, ils mettraient ainsi la pression sur leurs futurs adversaires estivaux. En l'absence de Kluivert (non retenu) et van Nistelrooy (blessure), le buteur du Bayern Munich Roy Makaay avait quant à lui l'occasion de prouver qu'il valait bien mieux qu'une place de joker de luxe, qu'il occupe depuis de nombreuses années en équipe nationale. Souvent malchanceux, l'ancienne star de La Corogne n'avait marqué que 3 buts en 26 sélections alors qu'il plante buts sur buts depuis plusieurs années en Liga puis en Bundesliga. Sur un plan général, les Bataves avaient à coeur de battre des Bleus invaincus depuis leur défaite face ... aux Tchèques, les meilleurs ennemis des Oranges, qu'ils ont rencontré en éliminatoires de l'Euro 2004, et qu'ils retrouveront en phase finale puis en éliminatoires de la Coupe du Monde 2006 ! Ce match n'avait donc d'amical que le nom, comme pour chaque choc international.

Les meilleurs moments

- Les deux équipes ont du mal a créer des décalages, même si Ludovic Giuly, sur son côté droit fétiche, entame un slalom dans la surface. Malheureusement, son centre est coupé par le capitaine hollandais Philip Cocu (12').

- Après un renvoi de la défense française, van Bommel, manque sa reprise à l'approche de la surface, mais le cuir parvient jusqu'à la tête de Rafael Van der Vaart, sans problème pour Barthez (22').

- Le jeu de l'équipe de France penche franchement à droite lors de cette première demi-heure. Sydney Govou, profitant d'une belle déviation de Dacourt, se présente dans la surface. Sa puissante frappe se dirige vers la lucarne, mais Van der Sar, du haut de son mètre 97 dévie le ballon en corner. C'est la plus belle occasion française de la première mi-temps (32').

- Lancé côté gauche, Bixente Lizarazu rentre seul dans la surface, mais sa frappe est trop croisée pour ouvrir le score (39').

- Pour cette deuxième période, Thierry Henry et Bruno Cheyrou entrent en jeu à la place de Sidney Govou et Ludovic Giuly. Côté hollandais, c'est Sneijder qui remplace van Bommel.

- Enorme frayeur dans la défense française, avec une double tentative de Van der Vaart, qui tente une "Madjer" repoussée par Barthez avant que le ballon ne lui revienne et qu'il n'envoie la balle à côté des buts français (48').

- Les Hollandais poussent dans cette deuxième période et les Français souffrent énormément. Les Bleus ne parviennent pas à trouver leurs attaquants, à l'inverse des Bataves, qui donnent le tournis à plusieurs reprises à la défense française, grâce notamment à Van der Meyde et Sneijder.

- A peine entré en jeu, Pierre van Hooijdonk frappe un coup-franc à 30m des buts de Barthez. Le ballon frôle la transversale. Idem cinq minutes plus tard, mais légèrement plus à gauche. Le buteur de Fenerbahce manque une nouvelle fois de peu le cadre (70' et 76').

- La rencontre s'enfonce peu à peu dans la médiocrité, et à quelques minutes du coup de sifflet final, Bruno Cheyrou tente une frappe à ras de terre à 25m des buts adverses. Van der Sar se couche et bloque tranquillement le ballon en deux temps (89').

- A la dernière seconde, Fabien Barthez et William Gallas ne s'entendent pas sur un long ballon anodin, et le portier des Bleus, trompé par le rebond, évite le but à quelques centimètres près (91').

- C'est la fin d'un match intéressant pas moment mais sans grande imagination, même si la rentrée de Sneijder a fait beaucoup de bien à des Hollandais dominateurs en deuxième mi-temps.

La performance des Hollandais

Tactiquement, les Oranges ont su parfaitement museler les Bleus, notamment grâce à un replacement défensif de première qualité. Sur chaque relance de leurs adversaires, les joueurs de Dick Advocaat étaient présents pour subtiliser le ballon à la moindre petite erreur française. Les Hollandais étaient bien en place, tant défensivement qu'offensivement, puisqu'ils ont également su mettre en danger la défense adverse à plusieurs reprises. En ce sens, la rentrée de Sneijder à la mi-temps a fait un bien fou à son équipe. Il a su apporter la justesse dans les ouvertures, permettant aux ailiers Van der Meyde et Overmars de briller. Car si Makaay a été transparent, on ne peut pas en dire de même du milieu de terrain interiste, et encore moins du virevoltant dribbleur du Barça, qui a donné beaucoup de fil à retordre à un Willy Sagnol souvent dépassé. Marc Overmars, même s'il s'est quelque peu éteint la fin du match approchant, a d'ailleurs été le meilleur hollandais du match grâce à ses percussions incessantes sur son côté gauche.

Hormis Sneijder et Overmars, qui ont égayé la performance de leur équipe, on peut noter la partie impeccable du "pitbull" Edgar Davids, fidèle à sa réputation, qui a livré face à Olivier Dacourt un duel passionnant. Toujours à l'affût pour récupérer le moindre ballon qui traîne, et surtout quand il est dans les pieds d'un adversaire trop naïf à son goût, le milieu barcelonais a livré une partie défensive à l'image de toute l'équipe : irréprochable. Car si on a aussi peu vu le duo de feu Henry-Trezeguet lors de cette rencontre, on le doit à une charnière Heitinga-Cocu bien placée et concentrée de la 1ère à la 90e minute. Le capitaine et son jeune coéquipier ont sans doute beaucoup rassuré leur partenaires, notamment Zenden et Melchiot, les deux latéraux très rarement dépassés. Ils ont eux aussi livré une belle partie, même s'ils auraient pu apporter le surnombre en attaque plus fréquemment. En un mot, cette équipe hollandaise a été solide.

La performance des Bleus

On devait s'y attendre, une équipe de France sans trois de ses principaux animateurs de jeu (Zidane, Pires et Vieira, tous trois blessés) ne pouvait pas livrer une partie très séduisante, d'autant plus que Thierry Henry a démarré la rencontre sur le banc. En première mi-temps, avec Giuly et Govou sur le côté droit et le seul Johan Micoud pour assurer au centre et sur la gauche, le jeu a évidemment penché du côté des deux joueurs de L1. Mais la situation s'est inversée après la pause, puisque Jacques Santini a sorti le Monégasque et le Lyonnais pour faire rentrer Thierry Henry et Bruno Cheyrou, adepte de l'aile gauche. Trop d'imprécisions ont émaillé l'animation offensive des Bleus dans l'ensemble, incapables de trouver David Trezeguet. En revanche, la défense a rassuré. Les Bleus n'ont ainsi plus pris le moindre but depuis 769 minutes et la demi-finale de Coupe des Confédérations face à la Turquie (3-2). Une stat qui parle d'elle-même, tant la défense française apparaît solide, ce qui nous amènera sans doute à voir une association Desailly-Thuram dans l'axe à l'Euro.

D'un point de vue plus individuel, le meilleur français sur la pelouse était incontestablement Olivier Dacourt. Le milieu récupérateur de la Roma a couru des kilomètres (et pas inutilement) durant cette rencontre, et a adressé un signe fort à son sélectionneur. Son activité pourrait s'avérer décisive si Vieira ou Makélélé venaient à baisser leur rendement. Dans son rôle de meneur de jeu, Johan Micoud, même s'il n'est évidemment pas comparable avec Zizou, a démontré de belles dispositions malgré un manque d'automatismes criant avec ses partenaires. Sur une ou deux touches de balle, il a été en mesure de déstabiliser les Hollandais, mais a souvent pêché dans la dernière ou l'avant-dernière passe. Les attaquants, muselés par la défense de fer hollandaise, n'ont pas pu faire la différence, notamment Henry, transparent lors de sa première demi-heure de jeu. Et même s'il s'est réveillé par la suite, le buteur d'Arsenal est apparu fatigué comme pas mal de ses coéquipiers. Il ne faut également pas oublier d'accorder un bon point à Lilian Thuram, Marcel Desailly et Fabien Barthez (malgré sa "cagade" de fin de match), impeccables et très rassurants à maintenant 2 mois et demi de l'Euro. Malheureusement, il va falloir espérer une élimination d'Arsenal en Coupe d'Europe, voire en Cup si l'on veut voir Henry, Pires et Vieira (les deux derniers blessés pour ce match) en bonne forme. Car mercredi, la fatigue s'est lue sur le visage de plusieurs français.

Pas de nouveau record donc pour une pâle équipe de France, qui a buté sur un mur hollandais et aurait même pu perdre ce match sans qu'il y ait une grande injustice. Le sélectionneur français Jacques Santini ne s'y est d'ailleurs pas trompé en avouant après le match : «Faire un résultat nul, même si le score est vierge de but, en tenant compte de l'état de fraîcheur des deux équipes et vu le déroulement de la rencontre, est un bon résultat. dans la mesure où l'on ne joue pas en avril, on va prendre du recul pour bien analyser tout cela.» Et livrer un match de grande qualité face aux quintuples champions du monde brésiliens !

Fiche Technique

Pays-Bas 0-0 France
Stade de Kuip (Rotterdam)
Spectateurs : 50 000 environ
Arbitre : M. Stark

Pays-Bas: Van der Sar - Melchiot, Heitinga, Cocu (cap.), Zenden - Van der Meyde (Bosvelt 90'), van Bommel (Sneijder 46'), Davids, Van der Vaart (de Jong 70') - Makaay (van Hooijdonk 70'), Overmars
France: Barthez - Sagnol, Thuram (Gallas 69'), Desailly (cap.), Lizarazu (Silvestre 58') - Giuly (Cheyrou 46'), Dacourt, Makelele (Pedretti 58'), Micoud - Govou (Henry 46'), Trezeguet (Luyindula 69')