Avec Julien Darui, le rôle de gardien de but est devenu spectaculaire. Cet enfant d'Audun-le-Tiche, en Lorraine, a l'opportunité d'assister à plusieurs matches de haut niveau au début des années 30. Il s'aperçoit que les plus grands gardiens de l'époque restent figés sur leur ligne. Il décide de faire évoluer ce poste en devenant, selon ses termes, un gardien actif. Il travaille alors comme un forcené, s'entraîne à jaillir dans les pieds des attaquants et à dégager le ballon précisément : grande nouveauté! Il est repéré à Charleville avec lequel il joue et perd une finale de Coupe en 1936. La légende Darui est en marche. Malheureusement, la guerre la ralentit. En 1946, il est l'un des artisans d'une victoire historique de la France contre l'Angleterre. En 1947, il est l'homme du titre de champion de France. Petit à petit, il se dirige vers une carrière d'entraîneur qui ne lui réussit pas. Il est finalement engagé au cirque Jean Richard où il arrête des pénaltys tirés par les spectateurs puis il se retire définitivement à Dijon pour tenir un café. Julien Darui n'aurait pas dépareillé dans le football moderne tellement il était un innovateur.
 

Etienne Mattler, avec le gardien Di Lorto, est l'âme de la machine à gagner sochalienne de la fin des années 30. Dôté d'un physique exceptionnel (1,80m, 85kg) pour l'époque, il a fait toute sa carrière de haut niveau au FC Sochaux. Il est l'archétype du défenseur de cette période. Peu adroit techniquement, il compense cette faiblesse par une force physique incomparable, une endurance à toute épreuve et une rigueur de tous les instants. Aucun attaquant ne lui fait peur, ni la blessure d'ailleurs. En 1937, la France et l'Italie font match nul et Mattler joue toute la deuxième mi-temps, sans piper mot, avec une entorse de la cheville. Il est incontestablement le meilleur arrière français, connaît 3 Coupes du Monde (1930,34,38) et porte 46 fois le maillot bleu de France (record en 1940). La guerre mis fin à sa carrière. Rentré dans la Résistance, il est déporté. Donné pour mort, il s'échappe et termine sa vie comme propriétaire d'un bar-tabac en Franche-Comté.
 
 

Lucien Gamblin est un gamin des faubourgs de Paris qui n'a jamais quitté sa ville et ce, avec succès. Il est, en compagnie de son coéquipier Chayriguès, l'un des premiers joueurs de renom du football français. Défenseur de choc, rude, sans faiblesse, ce Titi parisien reste fidèle au club de son coeur, le Red Star, à une époque où le professionnalisme n'existe pas mais où les joueurs sont de faux-amateurs. Sélectionné dès 1911 en Equipe de France, il part au front en 1914 et revient décoré de la Légion d'Honneur. Les honneurs dans le football, il les connaît la trentaine dépassée. En 1921, il est de l'équipe nationale qui terrasse pour la première fois le géant anglais puis il tombe amoureux de la Coupe de France que le Red Star remporte 3 fois de suite, un record. Sa gouaille qui lui permis de déstabiliser un tireur de pénalty lors de la finale de la Coupe en 1921, il s'en sert, après sa carrière, en la couchant sur le papier du journal l'Auto, l'ancêtre de L'Equipe.
 
 

Raoul Diagne est le premier d'une longue lignée de joueurs français d'origine africaine de grand talent. Fils d'un diplomate sénégalais, né en Guyane, ses qualités athlétiques en font un champion de France universitaire de saut en longueur. Il opte finalement pour le football et le professionnalisme au RC Paris où il accomplit l'ensemble de sa carrière. Il réalise d'ailleurs le doublé Coupe-Championnat en 1936 avec le club parisien. Chose rare pour l'époque, il est capable de jouer indifféremment à n'importe quel poste. Arrière de vocation, il se stabilise au poste de demi par la suite mais le plus étonnant est qu'il a remplacé le gardien titulaire du Racing, Rudi Hiden, pendant une demi-saison.
 
 

Le parcours d'Antoine Cuissard est particulièrement étonnant. Né à Saint-Etienne, il fait ses débuts dans la région d'origine de sa famille, la Bretagne, et plus exactement, au FC Lorient, club où sa grand-mère fut président. Saint-Etienne lui tend les bras et il y suit son entraîneur, Jean Snella. Il est l'un des seuls Français de l'histoire à avoir été sélectionné en Equipe de France professionnelle alors qu'il n'était encore qu'amateur. En fait, Antoine Cuissard est l'un des premiers demis à se muer en milieu de terrain offensif. Avant lui, le demi récupérait les ballons, le transmettait aux attaquants et son role s'arrêtait là. Il termine sa carrière victorieusement à Nice avec un succès en Coupe de France. Il ne quitte pas le football et retourne en Bretagne pour entraîner le Stade Rennais dans les années 60.
 
 

Si Etienne Mattler est considéré comme le meilleur arrière français de la première moitié du siècle, Edmond Delfour est assurément le meilleur demi (c-à-d milieu de terrain). Les deux hommes ont d'ailleurs connu les trois Coupes du Monde disputées dans les années trente. Gamin de Paris, il côtoie de nombreux clubs de la région parisienne dont le Stade Français où il se fait un nom. En 1929, il passe chez l'ennemi juré du Racing Club de Paris et il est finalement suspendu six mois pour fait de professionnalisme. Malgré cela, il est indispensable à l'Equipe de France. Excellent dribbleur, il se tire de nombreuses situations délicates grâce à sa technique hors pair qui lui colle pourtant une étiquette d'individualiste. Beaucoup d'entraîneurs d'Europe auraient souhaité l'enrôler dans leur équipe mais les transferts longue distance ne sont pas monnaie courante. Il participe activement au doublé Coupe-Championnat du Racing en 1936 avant de rejoindre Roubaix puis Rouen. Après une piètre expérience d'entraîneur en Belgique et en France, il se retire en Corse pour s'occuper de l'hôtel de son gendre, Dominique Colonna, grand gardien français des années rémoises.