François
Pinault a tellement peu goûté cette nouvelle saison rennaise
qu'il a décidé de tout changer à nouveau ! Du passé
faire table rase, mais est-ce vraiment possible ? Retour sur le dernier
exemplaire de la grande spécialité du Stade Rennais depuis
son établissement solide en D1 : la frustration.
Un nouveau départ ?
Pour la quatrième année
de l'ère Pinault, le Stade Rennais débute la saison avec
un nouvel entraîneur, Christian Gourcuff, mais des ambitions affirmées
: décrocher l'Europe, tout en donnant naissance à un "jeu
à la rennaise".
L'Europe, les bretons y croient
lorsqu'ils disputent la demi-finale de la Coupe Intertoto face aux anglais
d'Aston Villa ; malheureusement, après une belle vicoire (2-1) au
Stade de la Route de Lorient, les Rennais s'inclinent à Londres
(1-0) et sortent donc de la compétition avec, maigre consolation,
les éloges de la presse anglaise !
Gourcuff peut donc alors se consacrer
uniquement au championnat et compter sur les nouvelles recrues : Olivier
Monterrubio, Frédéric Piquionne et Eric Durand pour suppléer
Fabien Debec, le titulaire désigné des buts rennais.
Après leur belle performance
en Angleterre, on attend les Rouges et Noirs au tournant pour la première
journée qui leur propose un test intéressant à domicile,
contre une AJ Auxerre, à laquelleon promet une saison difficile.
A la surprise générale, les Bourguignons laminent les Bretons
(0-5) ! La semaine suivante, les Rennais s'inclinent à nouveau,
chez le promu sochalien (4-3). Le ton de la saison est donné : neuf
buts encaissés en deux matches !
Un mercato salvateur
La première partie du championnat
confirmera cette entame calamiteuse malgré quelques réactions,
contre Monaco (3-0) ou encore Bordeaux (1-0). Ainsi, à l'aube de
2002, les Bretons stagne dans les bas-fonds du classement mais heureusement,
le mercato va être salvateur, puisque Laurent Batlles et Toafilou
Maoulida rejoignent les rangs de l'équipe, après Olivier
Sorlin quelques semaines auparavant.
Entre janvier et mars, cependant,
la quasi-totalité des buts rennais sont inscrits sur coup de pied
arrêté, et par des joueurs qui n'évoluent pas en attaque
! Cette surprenante statistique correspond paradoxalement à une
période où le jeu développé par Rennes est
de plus en plus agréable à regarder. Ainsi, entre la vingt-et-unième
journée et la dernière, les hommes de Gourcuff ne vont abandonner
que cinq points sur leur pelouse : une défaite (1-2), imméritée,
face au PSG, et un match nul concédé in extremis (2-2)
contre Lyon, le futur champion. Hélas, les résultats à
l'extérieur ne suivent pas, et les Bretons ne parviennent pas à
s'extraire définitivement de la zone rouge avant la trente-troisième
journée, et une victoire difficile contre Sedan (1-0).
La saison s'achève en Bourgogne
par une belle revanche contre Auxerre (3-2), qui laisse malgré tout
un goût amer aux supporters quant au potentiel gâché
de cette équipe.
Une communication difficile
Que s'est-il passé au Stade
de la Route de Lorient pour que l'équipe bretonne, pourtant dotée
d'un riche effectif, réalise une aussi piètre saison ? Si
l'on en croit le discours de l'actionnaire principal, ces mauvais résultats
sont la conséquence d'un problème majeur de communication
de la part de Christian Gourcuff ; celui-ci aurait eu une tendance à
imposer ses choix aux joueurs sans privilégier le dialogue. Ainsi,
même si le jeu du Stade Rennais s'est régulièrement
amélioré au fil de la saison, l'entraîneur breton n'aura
pas l'occasion de poursuivre le travail qu'il a engagé : les dirigeants
rennais ont pris la décision de le remercier au terme de sa première
saison dans la capitale bretonne, alors même qu'ils l'avaient fait
venir pour asseoir un style de jeu sur le long terme !
C'est négliger que le seul
recrutement qu'il ait mené intégralement, au mercato hivernal,
a été très réussi et servira l'avenir. Que
les progrès ont été sensibles depuis le début
de la saison, dans le jeu notamment. Que l'entraîneur précédent,
Paul Le Guen, était sans doute apprécié de ses joueurs,
et qu'il a tout de même été limogé. La cohérence
de celui qui a "fait" le FC Lorient aurait-elle perturbé les attitudes
approximatives qui caractérisent nombre d'acteurs du Stade Rennais,
des joueurs aux plus hauts dirigeants ?
Les joueurs : révélations,
satisfactions et déceptions...
Frédéric Piquionne
est sans nul doute l'une des révélations rennaises de la
saison écoulée : l'ancien Nîmois, que Christian Gourcuff
a (trop ?) peu souvent aligné, a démontré des aptitudes
physiques et techniques impressionnantes même s'il n'a inscrit trois
buts.
Les autres révélations
rennaises s'apparentent en fait à des confirmations : Laurent Batlles,
en provenance de Bordeaux, a apporté énormément au
milieu de terrain de par sa disponibilité, sa vision du jeu et surtout
son engagement. Olivier Sorlin, arrivé de Montpellier juste avant
le mercato, a lui aussi séduit le public de la Route de Lorient
; parfois maladroit devant les buts adverses, il n'est cependant pas étranger
(et sa participation au Championnat d'Europe Espoirs en témoigne)
au redressement rennais de la seconde partie de championnat.
Eric Durand, initialement recruté
comme doublure de Fabien Debec, a rapidement pris une place de titulaire
dans les buts stadistes. Plus à l'aise sur sa ligne que dans les
sorties, le gardien vétéran est toutefois à créditer
d'une bonne saison.
Fabien Debec, lui, ne s'est jamais
remis des cinq buts encaissés lors de la première journée
sur lesquels il n'était pas exempt de tout reproche. Après
avoir été la doublure de Tony Heurtebis, Bernard Lama et
Eric Durand, son avenir à Rennes semble plus que jamais incertain.
Du côté de la défense,
Anthony Réveillère, malgré une année en dents
de scie, a confirmé les espoirs placés en lui à la
fin de la saison précédente ; la prestation de Julien Escudé
est à placer à un niveau encore supérieur et les dirigeants
bretons vont certainement devoir batailler ferme pour le conserver au sein
de leur effectif. De son côté, Dominique Arribagé a
apporté, notamment en fin de saison, l'expérience qui a souvent
fait défaut à cette défense. Stéphane Grégoire
a également effectué une saison satisfaisante, toujours diponible
et utile quand Gourcuff a fait appel à lui.
Au milieu de terrain, Olivier Echouafni
et Philippe Delaye ont réalisé un début de saison
prometteur, avant d'être malheureusement éloignés des
terrains pour cause de blessure. Makhtar N'Diaye, lui, a connu des difficultés
pour convaincre Gourcuff à l'entraînement et a, semble-t-il,
été éprouvé par sa participation à la
Coupe d'Afrique des Nations ; en revanche, sa fin de saison a été
excellente, et de bonne augure pour la Coupe du Monde. Enfin, Christophe
Leroux a été décisif au moment où le Stade
Rennais en avait le plus besoin et termine la saison avec six buts au compteur.
Malgré des prestations d'un niveau inégal, sa mentalité
de battant n'a jamais été mise en défaut.
Cela devient une habitude, Sévérino
Lucas est à nouveau la principale décéption rennaise
cette saison ; plus à l'aise dans le rôle de milieu offensif
que dans celui d'attaquant, l'éternel espoir brésilien n'est
toujours pas parvenu, après trois saisons à Rennes, à
justifier les 21 millions d'euros investis pour sa signature !
L'autre grande déception rennaise
est Olivier Monterrubio : auteur d'un excellent début de saison,
l'ancien nantais s'est peu à peu éteint, avant de terminer
l'année sur les rotules. Grégory Paisley, l'ex-défenseur
parisien, ainsi que Yohan Bigné et Soufian Yapi ont suivi une courbe
quasiment similaire.
Toifilou Maoulida, arrivé
à Rennes dans des circonstances houleuses (le jour même de
Rennes - Montpellier !), a connu une adaptation difficile en n'inscrivant
que deux buts.
Jocelyn Gourvennec, malgré
quelques apparitions dans l'équipe, n'a jamais réellement
convaincu son entraîneur et a le plus souvent fréquenté
les pelouses de CFA - avec enthousiasme, sans rire.
Enfin, Gaël Danic, que l'on
annonçait comme la révélation de l'année, n'a
jamais confirmé les espoirs placés en lui.
A cette liste déjà
longue de déceptions, il convient d'ajouter les joueurs qui n'ont
pas terminé la saison avec les Rouges et Noirs : Vander, Fabiano
et Cesar sont tous les trois repartis au Brésil sous forme de prêt
; Cyril Chapuis, révélation et coqueluche du public la saison
précédente, a signé à l'Olympique de Marseille
en cours d'année.
Les chiffres
12ème avec 41 points, les
Rennais terminent la saison à une place inéspérée
alors que leur avenir en D1 n'était pas assuré à deux
journées de la fin. Avec 11 victoires, 8 matches nuls et 15 défaites,
difficile en effet de tirer un bilan positif pour une équipe qui
annonçait une place européenne comme objectif !
9e à domicile, grâce
notamment à une très bonne deuxième partie de championnat,
les bretons affichent une médiocre 13e position à l'extérieur
avec seulement 2 victoires hors de leurs bases.
Avec la 7e attaque du championnat,
les Rouges et Noirs pouvaient espérer jouer le haut du tableau ;
il aurait fallu pour cela une meilleure assise défensive puisque
les stadistes, avec 51 buts encaissés ont la 16e défense,
ne devançant que deux autres clubs bretons à ce classement
! Quand on dit que la Bretagne prend l'eau...
Du côté des buteurs,
Olivier Monterrubio, malgré une saison mi-figue mi-raisin, termine
en tête de l'équipe avec 8 buts. Christophe Leroux arrive
ensuite avec 6 réalisations qui, c'est à signaler, ont presque
toutes été décisives ! Enfin, Olivier Sorlin, avec
un peu plus de réussite ou d'adresse aurait certainement inscrit
plus de 5 buts. Meilleur passeur : Laurent Batlles, avec 4 ballons décisifs.
Transferts et objectifs
La trente-quatrième journée
à peine terminée, Christian Gourcuff a appris son éviction
et son remplacement par Philippe Bergeroo pour ce qui sera sa deuxième
expérience d'entraineur après le PSG. A la tête du
club, l'équipe dirigeante a également été entièrement
modifiée au profit d'hommes de confiance de François Pinault,
certainement agacé de ce manque de résultats malgré
un colossal investissement. Emmanuel Cueff, le nouveau président,
sera accompagné de Pierre Dréossi, manager général,
afin de faire du Stade Rennais "l'un des quatre ou cinq meilleurs clubs
français" et de "participer régulièrement à
la Coupe d'Europe". Voilà qui est ambitieux, mais le discours
est le même depuis quatre ans.
Pour atteindre cet objectif, le nouvel
entraineur compte dans un premier temps récupérer l'ensemble
des joueurs prêtés, ce qui lui fera un effectif de trente-cinq
à trente-six joueurs, puis de "dégraisser" afin de ramener
celui-ci à environ vingt-deux professionnels. Cependant, quelques
mouvements ont déjà eu lieu.
Stéphane Grégoire a
ainsi signé chez le promu corse d'Ajaccio alors qu'Arnaud Le Lan,
le Lorientais, a signé à Rennes pour cinq ans. Eric Durand
mettant un terme à sa carrière pour entraîner les gardiens
de Bastia, une rumeur insistante annonce l'arrivée de Richard Dutruel
(FC Barcelone) en Bretagne. Le Stade Rennais dispose en outre d'un gardien
très prometteur en la personne de Boubacar Copa, qui a signé
un contrat professionnel cette saison.
En défense, axe prioritaire
de recrutement pour Bergeroo, malgré l'arrivée de Le Lan,
on parle surtout de départs : ainsi, bien que rien ne soit officialisé,
Anthony Réveillère, après une saison moyenne, pourrait
quitter la Route de Lorient ; Julien Escudé, auteur quant à
lui d'une excellente saison, pourrait également être tenté
d'aller tenter sa chance ailleurs - aux dirigeants rennais de le convaincre
de rester. Enfin, Christophe Leroux, en fin de contrat avec Rennes, devrait
quitter le club alors que Yoann Bigné et Gaël Danic auraient
été approchés par Guingamp.
Ainsi, après une saison
bien décevante, le Stade Rennais change d'entraîneur pour
la troisième saison consécutive ! Christian Gourcuff, à
l'instar de nombreux autres techniciens ces dernières années,
fait les frais des mauvais résultats du club, alors même que
le jeu des Bretons commençait à être prometteur. Philippe
Bergeroo est prévenu : désormais, à Rennes, il n'y
a plus de droit à l'erreur...
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à cet article - Par Morgan Tramhel
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