Ils ont beau
dire, ils ont beau faire, c'est toujours la même histoire : Nantes
va encore perdre ses meilleurs éléments suite à un
titre. Car après Olivier Monterrubio, meilleur buteur du club, qui
a déjà signé à Rennes, c'est Eric Carrière
qui va partir, sans que l'on sache encore dans quelle direction. Le président
Kléber Bobin l'a annoncé hier lors d'une conférence
de presse : le meilleur joueur de D1 de l'exercice écoulé
ne sera plus nantais la saison prochaine.
A Nantes, 1995 est un mythe équivoque
: celui de l'équipe de jeunes qui écrase tout avant de se
disperser tout aussi vite. La seconde partie de la définition sert
régulièrement de repoussoir, pour les supporters comme pour
les dirigeants : il s'agit de "préserver l'effectif". Mais à
la vérité, en 1995, deux joueurs-clés seulement sont
partis : le meilleur buteur, Patrice Loko (pour le PSG), et, pour simplifier
et faciliter la comparaison, le meilleur milieu de terrain, Christian Karembeu
(pour la Sampdoria de Gênes). Or aujourd'hui, à l'annonce
du départ d'Eric Carrière, élu meilleur joueur de
D1 de la saison écoulée par ses pairs, le président
nantais Kléber Bobin estime qu'il a réussi, contrairement
au titre précédent, à préserver l'effectif
: mais entre Carrière et Olivier Monterrubio, également meilleur
buteur du club, déjà parti pour Rennes, la situation est
à peu près la même qu'il y a six ans...
Impossible à garder...
Bobin aime bien les conférences
de presse. Il doit estimer que la transparence en est le corollaire. Cela
n'empêche pas la langue de bois, puisqu'on y a appris, après
avoir entendu qu'il était question de garder tout le monde, puis
qu'un ou deux départ seulement étaient envisageables parmi
les joueurs-clés, que le "but était de limiter le nombre
de départs à deux ou trois". Avec des objectifs définis
a
posteriori, il est simple d'être satisfait : "Nous pouvons
estimer que nous allons y parvenir."
Le meilleur passeur du championnat,
qui vient de connaître quatre premières sélections
très intéressantes en équipe de France lors de la
Coupe des Confédérations, était apparemment impossible
à garder : "Eric Carrière a exprimé depuis longtemps
le souhait de changer de club comme il a fait valoir des exigences que
nous ne pouvions pas satisfaire. Il a rendu des services. Il n'est pas
question de s'opposer à sa volonté. Dans les semaines à
venir, voire avant, nous devrions trouver un accord."
Ce désir de partir étant
de longue date, la qualification du FCNA en Ligue des Champions n'entrait
pas en ligne de compte, ce que beaucoup ont pu croire jusqu'à hier.
Il est certain qu'à 28 ans, Carrière peut estimer que le
temps presse pour connaître une expérience à l'étranger,
mais les contacts avec Lyon pourraient aboutir. L'autre pensionnaire certain
de la lucrative et prestigieuse compétition européenne apparaît
sans doute au Gersois comme un club d'envergure supérieure.
Partant, mais à quelles
conditions ?
Combien vaut Carrière ? Joueur
atypique, arrivé au plus haut niveau français sans passer
par un centre de formation, parvenu - par l'entremise d'un travail personnel
acharné et digne d'éloge - à surmonter des capacités
physiques innées d'envergure limitée, ce milieu de terrain
finalement indéfinissable est difficile à évaluer.
Mais très certainement, le meilleur joueur du championnat français
vaut son pesant d'or. Bobin avait fixé la barre à 120 MF,
puis à 100 MF. Il accepterait aujourd'hui un transfert entre 70
MF et 80 MF. A l'heure où un Lucas Bernardi quitte Marseille pour
Monaco moyennant 60 MF, le chiffre peut faire sourire. L'an dernier, Nantes
avait certes dû céder son meilleur joueur, Antoine Sibierski,
à Lens pour 23 MF, somme dérisoire, mais une clause libératoire
était en jeu. Il semble bien que de ce point de vue également,
le club ligérien n'a guère progressé.
La santé financière
nantaise est certes au beau fixe, mais sur le marché des transferts,
le FCNA est facilement le dindon de la farce. Que le meilleur buteur du
club champion de France puisse partir pour moins de 30 MF (alors même
qu'une somme de 40 MF minimum était réclamée par médias
interposés) a déjà fait sourire... ou pleurer. Que
Carrière voie son prix diminuer de semaine en semaine, alors même
qu'il est en contacts avérés avec des équipes anglaises,
dont il est de notoriété publique que l'argent leur manque
rarement, risque d'agacer sérieusement des supporters nantais qui
voient, pour leur part, les tarifs des abonnements à la Beaujoire
augmenter de façon substantielle...
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à cet article - Par Yann Peltier
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