Brésil : le paradoxe Seleção-Brasileirão
Alors que l'Europe continue d'attirer les projecteurs, le championnat brésilien s'installe comme une alternative de plus en plus crédible. Derrière les clichés du foot samba, c'est un écosystème moderne qui se met en place. Même avec une Seleção très loin de son meilleur niveau.

Et si la prochaine puissance du football mondial ne venait pas d'un nouveau marché, mais d'un ancien relancé ? À mesure que la Roshn Saudi League brûle du cash pour bâtir un championnat digne de ce nom avec d'anciennes grandes gloires, mais aussi quelques joueurs de plus en plus jeunes, le Brasileirão, lui, progresse sans bruit.
Loin de l'image d'un championnat nostalgique pour trentenaires en reconversion, la Série A brésilienne attire désormais des internationaux majeurs, rapatrie ses jeunes avant leur prime, et affiche une balance commerciale positive. Sportivement, économiquement, structurellement, c'est toute une ligue qui est en train de changer de statut.
Une légitimité retrouvée sur le terrain
La Coupe du monde des clubs 2025 a servi de révélateur. Quatre clubs brésiliens engagés, quatre qualifiés au tour suivant, et deux d'entre eux capables de faire jeu égal avec des géants européens. Botafogo a battu le Paris Saint-Germain (1-0), Fluminense a longtemps résisté à Chelsea en demi-finales (0-2), et le total collectif affiche 17 buts marqués pour 8 encaissés au premier tour. Une prestation d'ensemble inédite pour une confédération non-européenne depuis la réforme à 32 clubs. Ce n'est pas un épiphénomène, mais le prolongement d'une domination continentale. En Copa Libertadores, la finale 2024 a opposé Botafogo à l'Atlético Mineiro (3-1). Les six dernières éditions ont été remportées par un club du Brasileirão avec quatre duels fratricides impliquant sept équipes différentes (Flamengo, Palmeiras, Santos, Athletico Paranaense, Fluminense, Botafogo, Atlético Mineiro).
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Un succès sportif qui reflète surtout une montée en gamme des effectifs depuis plusieurs mois. Aujourd'hui, les clubs brésiliens ont déjà attiré des noms ronflants comme Memphis Depay (Corinthians), mais aussi Jorginho (Flamengo), Saúl Ñiguez (Flamengo) ou Joaquin Correa (Botafogo) sur le marché en cours, ou encore des joueurs de moins de 26 ans à fort potentiel comme Samuel Lino (Flamengo), Danilo (Botafogo), Facundo Torres (Palmeiras) ou Santiago Rodriguez (Botafogo). Le mercato d'été 2025 affiche déjà 124 M€ d'achats, pour une balance nette positive (+143 M€) grâce à des ventes bien valorisées telles qu'Estêvão à Chelsea (34 M€), Richard Rios à Benfica (30 M€), Wesley França à la Roma (30 M€), Gerson au Zenit (25 M€) voire Thiago Almada à l'Atletico Madrid (21 M€ pour 50% de ses droits). Un modèle parfaitement ficelé.
Une puissance économique (re)construite
Comment un championnat encore lourdement endetté il y a cinq ans peut-il se permettre un salaire de 11 M€/an (et même jusqu'à 19 M€/an avec les primes) pour Depay ? Grâce à une réforme clé : depuis 2021, les clubs peuvent devenir des sociétés et ouvrir leur capital à des investisseurs. Ce nouveau cadre, appelé SAF, a tout changé. Botafogo est passé sous contrôle de John Textor, Vasco da Gama sous celui du fonds 777 Partners, Bahia sous celui du City Football Group. Résultat : de l'argent frais, une gestion plus rigoureuse, et des dettes qui fondent. À l'échelle de la ligue, les revenus explosent. Les droits TV ont été centralisés pour 2025–2030 et vendus à Amazon et 1190 Sports, avec diffusion mondiale à la clé. Les stades se remplissent à nouveau, la billetterie grimpe et les recettes suivent.
Le modèle n'est pas encore parfait, mais il est viable. Contrairement à la Roshn Saudi League, qui dépend des subventions de son fonds souverain (PIF) et affiche un déficit structurel de plus de 200 M€/mercato, la Série A s'autofinance : 514 M€ de ventes en 2024, +108,84 M€ de solde net en 2023-2024, une moyenne d'âge des recrues qui repasse sous la barre des 27 ans. Mieux, les clubs réinvestissent dans leurs infrastructures, la data et surtout la formation, toujours aussi efficace même si la Seleção dit le contraire ces dernières années. Le Brésil reste une terre d'export, mais il devient aussi une terre d'accueil. Moins flamboyant que l'Arabie Saoudite, mais plus enraciné. Et dans le temps long, c'est souvent ce type de projet qui finit par s'imposer.
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