Mercato : la stratégie saoudienne de plus en plus redoutable
Moins clinquante mais plus construite, la stratégie saoudienne évolue en silence. Deux ans après les premières razzias, la Roshn Saudi League affine sa méthode : des joueurs plus jeunes, des prix plus raisonnables, et une stabilité étonnamment forte. Une progression linéaire, loin des fantasmes de ligue-retraite.
Après les paillettes, la mue. Deux années après les recrutements en fanfare de Karim Benzema, Neymar, Riyad Mahrez, Sadio Mané, N'Golo Kanté et autres internationaux de renom, la Roshn Saudi League a entamé son processus de stabilisation, déjà bien avancé avec un marché plus sélectif, plus rationnel et plus jeune.
L'objectif des dirigeants saoudiens reste le même : hisser le championnat parmi les plus compétitifs du football mondial avec les mêmes moyens, mais mieux utilisés. Moins de dépenses, moins d'égos, plus de logique sportive. Et un taux de rétention qui peut en étonner plus d'un, à contre-courant des prédictions pessimistes d'il y a quelques mois.
La moyenne d'âge baisse, les intentions montent
Avec 26,5 ans de moyenne, les recrues étrangères du mercato 2025 sont plus jeunes que lors de l'ouverture du marché saoudien à grande échelle. Surtout, 9 des 25 recrues validées au 31 juillet 2025 ont 22 ans ou moins (36%) — contre seulement 2 en 2023. Le profil type n'est plus le trentenaire en fin de parcours, mais bien le joueur en post-formation, souvent international U20 ou U23, qui sort d'une ou deux saisons prometteuses en Europe ou en Amérique du Sud. Nathan Zezé (20 ans), Christopher Bonsu Baah (20), Amadou Koné (20), Gabriel Carvalho (17), Mohau Nkota (20 ans) ou encore Samuel Sackey (20 ans) incarnent cette volonté d'investissement sur le potentiel.
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Cette jeunesse n'empêche pas quelques coups de projecteur. João Félix (25 ans, 30 M€), Théo Hernandez (27 ans, 25 M€) ou Mateo Retegui (26 ans, 68 M€) sont des joueurs en pleine force de l'âge, recrutés pour sécuriser le standing global du championnat. Mais ces cas sont devenus l'exception. En 2023, l'âge moyen des recrues étrangères dépassait les 28 ans. En 2024, il avait chuté à 24,6 ans. En 2025, il remonte légèrement à 26,5 ans, tiré par trois ou quatre profils premium, mais l'augmentation du nombre de jeunes confirme la vraie tendance. L'âge baisse dans le noyau dur des effectifs, même si quelques cadres expérimentés (Lacazette, Duda, King…) viennent maintenir l'équilibre.
Moins de frénésie, plus de précision
Le montant total des transferts du TOP 4 saoudien est passé de 849,69 M€ (87% des dépenses globales) pour l'exercice 2023-2024 à 609 M€ (94% des dépenses globales, avec Al Qadisiyah en plus) pour le suivant à 253 M€ pour le marché en cours (avec Neom en plus). L'indemnité moyenne par transaction payante est passée de 24,3 M€ en 2023 (tirée par quelques énormes deals) à 16 M€ en 2024, et tombe à 12,65 M€ en 2025 — mais avec seulement 10 transactions payantes sur 19. Surtout, neuf recrues de l'étranger sont arrivées libres cet été (47,4%), contre 14% en 2023. Le rapport qualité/prix s'est amélioré. Les clubs achètent moins, mais mieux. Ils investissent sur des profils ciblés, souvent en fin de contrat ou sous cotés, avec un ticket médian bien en-deçà des standards de 2023.
Même logique côté salaires. Le haut du panier saoudien, en dehors des superstars mondiales, touche encore 8 à 15 M€ net/an, mais les jeunes U23 recrutés cette année tournent autour de 3 à 5 M€, avec des bonus de revente et des primes progressives. En 2023, Benzema et Neymar avaient franchi le pas contre une rémunération qu'aucun club européen ne pouvait leur proposer. Aujourd'hui, les clubs, souvent déficitaires en 2023-2024, ont réintroduit une forme de plafond interne et imposé des clauses de confidentialité depuis l'hiver 2024. Les dirigeants n'affichent plus les fiches salariales en conférence de presse. Le discours officiel a lui aussi changé. «Nous n'achèterons plus la performance» , assurait un dirigeant d'Al Hilal en mai, symbole d'un virage serré qui reste maîtrisé par les clubs locaux.
La rétention, levier sous-estimé de crédibilité
Ce que peu d'observateurs avaient anticipé, c'est la durabilité des effectifs. Depuis l'arrivée de Cristiano Ronaldo, qui reste un OVNI avec sa récente prolongation pour 200 M€/an, en décembre 2022, la Roshn Saudi League a enregistré environ 206 arrivées étrangères. Ils sont finalement peu à avoir quitté le championnat de manière brusque : Jordan Henderson et Neymar sont partis après 18 mois, Gabri Veiga, Aymeric Laporte voire Roberto Firmino ont fait deux saisons. Jhon Duran, arrivé en janvier dernier et prêté à Fenerbahçe, fait presque figure d'exception. Le taux de rétention dépasse 90%, un chiffre exceptionnel par rapport aux cycles courts observés en MLS ou en Chine. Une réalité bien éloignée des scénarios imaginés en 2023, où l'on annonçait des retours massifs après six mois. Contrairement aux préjugés, les étrangers ne fuient pas le Golfe au bout de six mois mais s'y installent confortablement.
Pourquoi ? D'abord parce que les contrats sont bien conçus avec des primes de fidélité et des salaires différés, mais surtout parce que le cadre global s'est nettement amélioré. Des infrastructures plus modernes, une formation locale en hausse, une exposition accrue (ACL Elite, Coupe du monde des clubs, Arab Club Cup) et un encadrement professionnel de plus en plus européen. La Roshn Saudi League ne vend plus seulement un salaire, elle vend une aventure stable à l'image de ce qui se fait de mieux en Europe. À Al Hilal, six des sept recrues majeures de 2023 (Malcom, Ruben Neves, Mitrovic, Milinkovic-Savic, Renan Lodi, Koulibaly, Bounou) n'ont pas bougé. Ailleurs, toutes les têtes de gondole sont toujours là et encore performantes. Loin de la retraite. L'image de ligue de passage ne tient plus. Et c'est très loin d'être terminé.
L'Arabie Saoudite peut-elle à terme rivaliser avec les principaux championnats européens ? N'hésitez pas à réagir et débattre dans la zone «Ajouter un commentaire» ...
