Ouzbékistan : la prime au travail
Longtemps considéré comme un éternel espoir du football asiatique, l'Ouzbékistan a enfin brisé sa malédiction en se qualifiant pour la Coupe du monde 2026. Une première pour un pays qui récolte les fruits d'un travail patient et méthodique.

A la suite de la dislocation de l'URSS en 1991, l'équipe nationale d'Ouzbékistan a toujours couru après un rêve : disputer la Coupe du monde. Une quête de plus de trois décennies avec sept tentatives infructueuses et le sentiment que cet objectif n'allait jamais être atteint. L'élimination avant le dernier tour des éliminatoires pour l'édition 2022, du jamais vu depuis la création de l'équipe nationale, avait renforcé ce sentiment de fatalité. Le huitième essai a finalement été le bon.
En effet, le pays d'Asie centrale a validé son ticket pour la Coupe du monde 2026 en accrochant le nul aux Émirats arabes unis (0-0), jeudi. Un match terne et sans but qui a suffi au bonheur des Loups blancs, assurés de terminer parmi les deux premiers du groupe A avec l'Iran, devant le double champion d'Asie en titre, le Qatar. Une performance historique pour un pays qui, s'il a profité de l'élargissement du tournoi à 48 équipes, n'a rien laissé au hasard.
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Ce billet pour le Mondial est aussi l'aboutissement d'une constance à l'échelle continentale. Depuis 2004, l'Ouzbékistan a participé à chaque Coupe d'Asie des Nations, atteignant quatre fois les quarts de finale (2004, 2007, 2011, 2023), une fois les demi-finales en 2011 et les huitièmes en 2019. Sans jamais soulever le trophée, la sélection a progressivement imposé son nom parmi les places fortes du football asiatique.
Un travail de fond qui a porté ses fruits
Ce ticket pour les Amériques, c'est aussi celui d'une génération née des efforts structurels menés depuis dix ans par la fédération. Les résultats sont là : en 2018, l'Ouzbékistan a remporté le championnat d'Asie U23 avant de se qualifier pour les Jeux Olympiques pour la première fois à Paris. En 2023, les U20 ont atteint les huitièmes de finale de la Coupe du monde après avoir remporté leur premier championnat d'Asie quelques mois plus tôt. Des succès en catégories jeunes qui traduisent une structuration progressive des académies, des infrastructures modernisées, et un suivi individualisé des meilleurs espoirs, à l'image d'Abbosbek Fayzullaev, pépite du CSKA.
Le championnat national, longtemps jugé peu compétitif, a lui aussi franchi un cap. Après l'âge d'or du FK Bunyodkor, qui avait notamment accueilli Rivaldo entre 2008 et 2011 – mais aussi Zico et Luiz Felipe Scolari sur le banc – des clubs comme Pakhtakor Tachkent ou Nasaf Qarshi se sont régulièrement hissés en Ligue des Champions asiatique, accumulant de l'expérience régionale et servant de tremplin à de nombreux internationaux. Sans rivaliser avec les meilleures ligues du continent, la Super League ouzbèke joue pleinement son rôle : former et envoyer à bon escient ses talents vers l'Europe de l'Est, la Russie ou le Golfe. Une chaîne claire, fluide, cohérente.
L'oeuvre de Katanec accomplie
L'homme de ce renouveau ? Srecko Katanec. Arrivé en 2021, le Slovène a apporté à l'Ouzbékistan ce qui lui manquait cruellement : une identité collective. Fort de ses expériences avec la Slovénie, les Émirats arabes unis et l'Irak, le technicien passé par l'Olympiakos a misé sur la rigueur tactique et la discipline. Son équipe ne cherche pas à briller, mais à être solide, organisée et chirurgicale. Résultat : très peu de buts encaissés, une stabilité défensive rare, et des automatismes bien huilés. «Je préfère une équipe qui comprend où elle va, à onze talents désorganisés» , affirmait-il récemment pour The Asian Game Podcast. Une aventure malheureusement interrompue en janvier dernier, puisqu'il s'est retiré, malade, pour laisser sa place à Timur Kapadze.
Sur le terrain, le résultat reste le même malgré la passation de pouvoir. Autour du capitaine Eldor Shomurodov, qui évolue du côté de l'AS Roma, la structure est claire. Derrière, Sanjar Kuvvatov sécurise les cages. Devant, Jaloliddin Masharipov et Abbosbek Fayzullaev apportent la touche technique. Le tout articulé autour de la grande star du pays, Abduqodir Khusanov, brillant durant 18 mois à Lens avant de rejoindre Manchester City pour 40 millions d'euros lors du dernier mercato hivernal. Aucun génie isolé, mais des rôles parfaitement intégrés dans un bloc intelligent. Ce n'est pas une équipe qui fait le spectacle, mais une formation qui gagne en silence. Et après tant d'échecs cruels, c'est exactement ce dont avait besoin le football ouzbek.
Ne pas faire de la figuration
Si le tirage au sort de la phase de groupes n'a pas encore eu lieu, dans les couloirs de la fédération comme dans les rues de Tachkent, l'objectif est déjà clair : ne pas se contenter de participer. Montrer que cette qualification n'est ni un accident, ni le simple fruit de l'élargissement du format. Avec une défense solide, une discipline tactique exemplaire et un mental forgé par les échecs, la sélection ouzbèke entend jouer crânement sa chance, quel que soit l'adversaire. L'idée n'est pas de faire de la figuration, mais de se mesurer au gratin mondial et prouver qu'elle a sa place. Il ne s'agira pas simplement de vivre l'événement, mais bien de le disputer avec ambition.
Cette qualification dépasse largement le cadre du football. Dans un pays jeune, indépendant depuis 1991, le sport est devenu un levier d'unité et d'identité. L'État a promis d'intensifier le développement des infrastructures sportives, notamment en multipliant les centres de formation et les partenariats étrangers. Dans la presse locale, certains évoquent un «second souffle national» . Car au-delà du terrain, c'est tout un pays qui cherche à exister sur la carte. En décrochant sa première qualification mondiale, l'Ouzbékistan n'a pas seulement validé un ticket historique : il a lancé un signal clair. Celui d'une nation qui veut durer.
Que pensez-vous de cette première qualification pour la Coupe du monde de l'Ouzbékistan ? N'hésitez pas à réagir et à débattre dans la zone «Ajouter un commentaire» ...