Les 8e de finale de la Coupe de France ont révélé un club d'irréductibles footballeurs amateurs venus à bout de l'OM, recordman de victoires dans la compétition. Loin des paillettes, des salaires mirobolants et de la médiatisation, Carquefou s'est taillé la part du lion mercredi soir.

«A Carquefou, à Carquefou, il y a toujours du suspense jusqu'au bout. Travailler, bien jouer, et la victoire ne peut donc plus vous échapper…» Ainsi commence l'hymne officiel de l'Union Sportive de la Jeanne d'Arc de Carquefou, modeste club de CFA 2, à la lutte pour ne pas descendre en DH. La France toute entière a découvert cette ville et surtout son équipe de football. Simplement des amateurs comme il y en a tant en France, sortis pour certains du centre de formation nantais, et portés pour une fois par près de 37 000 supporters venus de toute l'agglomération pour encourager le petit poucet face à l'ogre marseillais. Avant le match, beaucoup ont placé à tort Carquefou en Vendée plutôt qu'en Loire-Atlantique. Avec ses 16 000 habitants, aux portes de Nantes, l'USJA n'en est pourtant plus à son coup d'essai. Le club a sorti de la Coupe quatre équipes jouant un ou plusieurs niveaux au dessus cette saison : Anglet (CFA, 3-2 ap), Gueugnon (L2, 1-0), Nancy (2-1 ap) et donc l'OM (1-0). Comment une équipe de 5e division à la lutte pour le maintien peut-elle battre un club de L1 en quête d'une place en Ligue des Champions ?

14e sur 16 du groupe G de CFA 2 avec 6 victoires, 5 nuls, 10 défaites et 4 points d'avance seulement sur la lanterne rouge, les joueurs de Carquefou ont atteint 5 fois les 32e de finale depuis 1994, qui marquent l'entrée en lice des clubs de L1. Habitués à jouer devant 200 à 300 spectateurs en moyenne, les hommes de Denis Renaud n'ont pas été tétanisés par l'enjeu et le contexte bouillonnant de la Beaujoire, bien au contraire. Le match de leur vie, à moins que l'épopée ne soit pas encore finie. A qui le tour, Bordeaux, Lyon ? Le prochain adversaire ne pourra en tout cas plus dire qu'il ne savait pas. La raison de cet incroyable raté de l'OM n'est pas non plus à chercher du côté du budget (rapport de 1 à 200), ni des salaires. Avec 4,8 millions d'euros (hors contrats pub et sponsoring) par an de salaire, Djibril Cissé est le joueur le mieux payé du championnat (43e en Europe) et gagne autant que Benzema, Sagnol, Ribéry, Del Piero ou Kahn. Autant dire que l'effectif tout entier de Carquefou ne peut rivaliser avec l'international français, avec des salaires plus conformes à la moyenne des Français. Mais qui était l'amateur mercredi soir ? N'Doye buteur après une chevauchée supersonique, ou Cissé manquant incompréhensiblement la cible à deux mètres du but ? Cela peut arriver, bien entendu. Mais alors ? Comment Carquefou a-t-il pu battre l'OM, lui-même vainqueur historique à Anfield en octobre ?

Gerets – «le but arrive tôt, puis la peur»

L'OM n'a pas non plus l'excuse du terrain. Les amateurs jouent souvent sur des champs de patates étriqués, ce n'était pas le cas mercredi soir sur le billard de la Beaujoire. Cet exploit est une belle leçon d'humilité pour les joueurs professionnels et rappelle que la motivation et l'envie de se surpasser demeure une arme souvent décisive. «Moi, en tout cas, je leur adresse mes félicitations puisqu'ils ont su jouer avec leur coeur, avec leurs tripes, avec tout ce qui, aujourd'hui, fait que dans le football, on peut combler toutes ses insuffisances techniques et s'en tirer» , confirme Pape Diouf. «Le but arrive tôt, puis la peur» , ajoute Eric Gerets pour expliquer la déroute. «Je ne sais pas pourquoi. Ils se sont battus comme des lions et nous, on a simplement essayé de jouer au football. Nous avons été ridiculisés devant la toute la France du football. La plupart des joueurs de l'équipe doivent avoir du mal à marcher aujourd'hui. Je suis énormément déçu mais aussi impressionné par ce que les joueurs de Carquefou ont fait» , a ajouté Gerets. Une des deux équipes a tout donné, voire plus mercredi soir. L'autre ne peut s'en prendre qu'à elle-même.

Au lendemain de l'évènement, certains ont préféré mettre en avant la belle histoire de Carquefou. D'autres à l'inverse, pointer du doigt l'OM, remarquer qu'une victoire d'amateurs contre des professionnels n'est possible qu'en France et s'inquiéter du niveau réel de leur élite. «Complètement Carquefou !» , titrait L'Equipe, ajoutant que «Carquefou a sûrement écrit la plus belle page de son existence et peut-être aussi l'une des plus étonnantes de quatre-vingt-dix ans d'histoire de Coupe de France, en sortant LE spécialiste de l'épreuve» . «LA HONTE !» , lâchait Le Phocéen. «On aurait préféré que le retour de Cédric Carrasso ne se solde pas par un échec tant ce joueur a donné à l'OM» , ajoutait le site de supporters marseillais. «INCROYABLE !!!» , publiait de son côté le site officiel des Verts et Blanc, rappelant qu'il «a fallu attendre 7 minutes de jeu pour voir l'USJA mener 1 à 0» . Il aura en revanche fallu 8 tours de Coupe avant que Carquefou n'ait l'honneur d'affronter les Marseillais. «Carquefou réalise le coup du siècle» , selon Le Monde. «L'OM ridiculisé par Carquefou» , selon La Provence. «Marseille se réveille avec la gueule de bois» , pour Le point. «Incroyable, Carquefou élimine Marseille !» , selon Ouest France… «On s'est fait sortir par une équipe de plombiers. C'est inadmissible quand on s'appelle Marseille» , râlait en revanche un membre des Ultras. La colère des uns est à la hauteur de la joie des autres.

L'USJA est la première équipe d'un niveau «aussi faible» à battre un club de Ligue 1 à ce stade de la compétition. Les Carquefoliens attendent désormais le tirage au sort des quarts de finale dimanche prochain, avec le rêve secret de tomber contre l'Olympique Lyonnais…