Annoncés comme outsiders du championnat en juillet dernier grâce à leurs jeunes prometteurs, les Girondins ont frisé la faute professionnelle, en n'assurant leur maintien parmi l'élite qu'à l'ultime journée. Retour sur une saison à ne pas oublier.

Les dirigeants Bordelais et l'actionnaire majoritaire du club M6 l'avaient promis aux supporters, la saison 2003-2004 devait servir de transition. Exit donc les gros salaires plombant les comptes du club (Baup, Dugarry, Sommeil, Pauleta, Bonnissel, Smertine, Costa, Caneira, Feindouno…), les Bordelais ont dégraissé pendant deux ans et donné leur chance aux jeunes, cantonnés au banc jusqu'alors. Ainsi les trois pépites issues du centre de formation, Rio Mavuba (21 ans), Marouane Chamakh (21 ans) et Juan-Pablo Francia (20 ans), lancées l'an dernier dans le grand bain de la L1, se sont vus confier les premiers rôles, aux côtés d'Albert Riera (23 ans), Julien Faubert (21 ans), Marc Planus (23 ans) et Camel Meriem (25 ans). Les cadres, tel Ulrich Ramé, David Jemmali, Franck Jurietti ou Jean-Claude Darcheville, renforcés par les arrivées de Michalis Kapsis, Cyril Rool et le retour de Lilian Laslandes, devaient permettre aux jeunes de s'épanouir et franchir les paliers en toute sérénité.

De l'espoir à la désillusion

Malheureusement, après quelques semaines prometteuses, la mayonnaise est retombée, l'équipe a aligné les contre-performances et plongé dans les profondeurs du classement. Finalement, le nombre record de matchs nuls (20 en 38 matchs) et l'irrégularité des prestations ont tout juste suffi à sauver le club de la relégation.

Tout au long de la saison, les Girondins ont perdu beaucoup de points pour ne pas avoir su gérer un résultat. Ainsi, ils ont encaissé 25 buts dans le dernier quart d'heure de chaque mi-temps (9 buts entre la 30è et la 45è minute et 16 buts entre la 75è et la 90è minute) sur 41, soit 60%. A domicile face à Caen (2-2) par exemple, les bordelais sont repris après avoir mené 2-0. Lors de la 37è journée, les monégasques égalisent à la dernière minute (1-1), privant leur ôte du maintien. Lors de l'ultime journée, l'OM égalise à la dernière seconde (3-3)… «Cela nous est arrivé souvent cette saison, reconnaît le capitaine Ulrich Ramé. On fait un bon match dans l'ensemble et à la fin on prend un but dans les arrêts de jeu…Ca nous empêche de passer un cap» . Peu à peu la confiance a disparu, laissant place à la peur de perdre. Au final, les Bordelais terminent la saison avec seulement 8 victoires (seul Istres (6) a fait pire).

Les satisfactions

Les matchs aller : 7è avec 27 points et seulement deux défaites concédées dans les arrêts de jeu, face à l'OM (1-0, 1è j.) et Strasbourg (1-0, 13è j.). En s'appuyant sur une défense hermétique et un collectif solidaire, les Girondins ont longtemps flirté avec le haut du tableau. En cette période post-estivale, les jeunes veulent prouver leur talent. La rigueur de mise et les performances individuelles de Mavuba, Meriem et Chamakh tirent toute l'équipe vers le haut. Les matchs nuls déjà répétitifs n'altèrent pas la confiance des bordelais. L'équipe ne perd pas, tous les espoirs sont encore permis. Mavuba et Meriem sont sélectionnés par Raymond Domenech, Faubert découvre les Espoirs. Une juste récompense à leur début de saison remarquable.

Mavuba et Chamakh, seuls au monde

Les Girondins se sont appuyés sur une charnière Ramé – Mavuba – Chamakh, insuffisante pour prétendre finir aux avant-postes de la L1.

Mavuba : Pour sa seconde saison en L1, à seulement 21 ans, Rio Mavuba a confirmé tout le bien que l'on pensait de lui. S'imposant comme le patron du milieu de terrain, le néo-international a joué tous les matchs de championnat, faisant preuve d'une autorité et d'une régularité remarquables. Contacté par le Real Madrid au mercato d'hiver, Mavuba a été un des rares à ne pas faiblir après la trêve, tirant toujours ses partenaires vers le haut. Récupérateur infatigable, poumon du milieu de terrain, doté d'une belle vision du jeu et d'une technique rassurante, il est le meilleur joueur des Girondins de la saison.

Chamakh : combatif, pesant sur les défenses adverses, Marouane Chamakh est le meilleur buteur du club (10 buts en championnat). Malheureusement quelques erreurs de jeunesse ont terni sa saison. En particulier le 13 février, face au PSG en 16è de finale de la Coupe de France (3-1). Après avoir ouvert le score d'une tête plongeante, il a écopé stupidement d'un deuxième carton jaune, pour avoir retiré son maillot ! Les Girondins à dix, finiront par céder aux assauts parisiens. Après une première saison prometteuse parmi l'élite, il a su confirmer tout son potentiel.

Ramé : comme à la belle époque, le capitaine bordelais a étalé tout son talent et a régalé le public de parades aussi surprenantes que décisives. Rassurant pour la défense, il n'a jamais failli, réalisant au passage quelques exploits sur des frappes dites imparables.

Faubert : arrivé de Cannes (Nat.) l'été dernier, l'arrière droit s'est vite affirmé comme la révélation du début de saison. Il a gratifié les supporters de quelques montées rageuses sur le flanc droit, ponctuées par 4 passes décisives. Le stade Chaban-Delmas revit quelques années en arrière, quand Bonnissel ou Lizarazu savaient faire basculer un match sur un débordement. Replacé ailier droit avec le retour de Jemmali, Faubert est petit à petit rentré dans le rang, rappelant qu'à 21 ans, il n'est encore qu'un joueur de complément.

Planus et Jurietti ont été à leur niveau même si l'on pouvait espérer mieux. Planus n'a pas vraiment progressé cette année. Jurietti a été un peu moins bon que la saison passée. Laslandes, quand il a joué a apporté son expérience et sa vision du jeu. Rool n'a pas démérité dans son rôle de bagarreur, toujours apte à l'effort.

Les Déceptions

Elles sont nombreuses. Lorsque l'on possède le 5è budget de la L1 (45 ME), finir à la 15è place est forcément une déception. Cette deuxième saison blanche confirme que l'année passée n'était pas un accident. Evoluant à 17 reprises avec un seul attaquant, les Girondins n'ont pas convaincu et se sont trop souvent reposés sur Chamakh pour débloquer les situations. 18è équipe à domicile (26pts), 13è attaque du championnat (37 buts), dernier sur la phase retour, les Bordelais ont été trop irréguliers et ont peiné face aux «petites» équipes (Bastia, Caen…). Avec un mois de janvier catastrophique, la peur de perdre s'est installée au fil des matchs. «Le point négatif, c'est le changement de comportement et de mentalité de l'équipe en douze mois» confiait Ramé au terme de la saison. Après les éloges et l'accumulation des compliments sur la génération prodige, certains ont été grisés par leurs premiers succès.

Les 20 matchs nuls (record historique) sont bien sûr malvenus lorsque la victoire vaut 3 points. Avec les anciennes règles et la victoire à 2pts, les Girondins auraient terminé à la 12è place et n'auraient pas souffert pour assurer le maintien. Mais les règles ont changé. Avec seulement 8 victoires en 38 matchs, difficile de tutoyer les places européennes espérées par les supporters. Les nombreuses blessures et suspensions depuis la trêve ont de surcroît révélé au grand jour la pauvreté de l'effectif bordelais. Les remplaçants (Thiago, Kalu Uche, Gerald Cid, Renaud Cohade), très inexpérimentés, n'ont pu relever le niveau ni même le maintenir.

Francia et Riera, en baisse de régime

Jemmali : pas au top physiquement, en délicatesse avec ses tendons depuis l'hiver, il a parfois eu tendance à sombrer face à l'impuissance générale. Au club depuis 9 ans, on attendait de lui qu'il s'impose comme un leader sur le terrain, ce qui ne fut pas le cas.

Kapsis : arrivé essoufflé après son Euro victorieux au Portugal, le Grec n'a pas su s'imposer en patron de la défense. La barrière de la langue s'est faite sentir et son entente avec Planus en a pâti.

Francia : moins bon que la saison passé, l'argentin a pourtant fini meilleur passeur du club avec 6 passes décisives. Il n'a pas digéré son recadrage sur le flanc droit, barré dans l'axe par Meriem. Il a trop souvent été un joueur parmi les autres. Sa maîtrise technique n'a pas suffi à faire oublier sa lenteur ni l'irrégularité de ses performances.

Meriem : il devait être le leader technique de l'équipe, le meneur de jeu axial, le nouveau Zizou des Girondins, toutes proportions gardées. Capable de coups d'éclat - comme à Nantes où il inscrit le seul but du match - auteur d'un bon début de saison qui lui valu d'être appelé par le sélectionneur Raymond Domenech, il est ensuite rentré dans le rang, livrant des prestations banales. Avec 6 buts et 4 passes, l'ancien sochalien n'a pas été assez décisif après la trêve pour éviter le naufrage.

Riera : plus souvent à l'infirmerie que sur le terrain, l'espagnol n'a toujours pas confirmé les espoirs placés en lui il y a deux ans. Ses prestations insipides et trop irrégulières lui ont d'ailleurs valu quelques remontrances de la part des supporters.

Darcheville : longtemps blessé, le Guyanais n'a pas réussi à retrouver son niveau de jeu d'antan. Lâché par les supporters, le plus gros salaire du club n'est plus en terrain conquis. Son entente avec Meriem et Chamakh reste à prouver. Sa technique de balle laisse toujours à désirer.

Kalu Uche et Thiago : peu utilisés, ils n'ont pas su prendre la place de titulaires pourtant loin d'être intouchables.

La saison prochaine : le mystère perdure

Avec à nouveau un passif de 8ME pour l'exercice 2004-2005, les Girondins ne devraient pas faire de folies sur le marché des transferts. Si M6 va éponger la dette, aidé par la manne supplémentaire des nouveaux droits TV, la chaîne n'injectera pas d'argent supplémentaire pour le recrutement. Les Girondins disposent tout de même d'une enveloppe de 10 ME, due aux transferts définitifs du guinéen Pascal Feindouno à St-Etienne (6,4ME), du portugais Marco Caneira à Valence (2,5) et du brésilien Deivid à Santos (1ME). La politique de rigueur n'étant pas dissoute, les derniers gros salaires du club (Ramé, Jemmali, Darcheville) pourraient être raccompagnés vers la sortie. Le transfert de Meriem, plutôt d'actualité avec l'arrivée de Vladimir Smicer, permettrait aux Girondins un recrutement conséquent, en espérant éviter les erreurs de casting. A commencer par l'entraîneur, toujours pas nommé. Si Guy Lacombe, actuel entraîneur du FC Sochaux tient la corde, rien n'est encore fait. Les noms de Jean-Pierre Papin, Jean Tigana et Ricardo circulent encore en coulisse.

Difficile d'obtenir des informations de la part des dirigeants bordelais. Le président, Jean-Louis Triaud, se veut prudent, comme à l'accoutumée, lorsqu'il répond aux questions du quotidien Sud Ouest. «Je ne sais pas si des joueurs vont partir mais certains, comme Mavuba et Chamakh, sont intransférables» . Le président pourrait cependant revoir son jugement face à l'offre de l'OL pour Chamakh, estimée à 18 ME. Mavuba quant à lui affirme avoir «envie de rester à condition d'avoir les moyens de jouer le haut du tableau» . Côté départ, Cyril Rool pourrait signer à l'OGC Nice et rejoindre son ancien coach à Bastia, Frédéric Antonetti. De son côté, Jean-Claude Darcheville, invité à partir par les supporters veut rester. «Je reste. J'ai encore un an de contrat, je compte le respecter» . Il est vrai qu'en cas de transfert, il aura sûrement du mal à retrouver une situation aussi confortable qu'en Gironde.

Côté arrivée, Michel Pavon prônait depuis quelques semaines un joueur par ligne. Désormais parti, la ligne directrice reste floue. «Nous avons plusieurs pistes au sujet des recrues. Nous n'annoncerons rien, clame Triaud. Ni chiffres, ni noms. Nous voulons faire des coups (pas comme Deivid, Christian ou Miranda…) et quelques surprises peuvent arriver» . Espérons de bonnes surprises ! Vladimir Smicer, 32 ans, en fin de contrat avec Liverpool, est donc la première recrue des Girondins de Bordeaux. La nomination du nouvel entraîneur est imminente et devrait signer le coup d'envoi du recrutement pour la saison prochaine.

Après deux saisons décevantes, les Girondins devront reconquérir un public de plus en plus sceptique face à la médiocrité des résultats. La grogne monte chez les supporters, notamment contre M6 et Triaud. La politique de rigueur est plus que jamais critiquée et le divorce pourrait être consommé en cas de nouvelle saison ratée.

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