Mercato : le Portugal saute le verrou
Dans un mercato surdominé par la Premier League, le championnat portugais tire son épingle du jeu. Depuis le début de l'été, ses clubs claquent des montants à huit chiffres, ciblent des profils confirmés, tout en conservant une balance bénéficiaire. Un modèle rare dans l'Europe post-Covid.

Le verrou a fini par sauter. À Lisbonne, Porto ou Braga, les dirigeants n'ont plus peur d'investir massivement. Pas pour survivre, mais pour grandir.
En dépassant les 20 M€ de transfert sans mettre trop de pression sur leur budget, les clubs portugais prouvent que le championnat a muté. Et qu'on peut acheter mieux, plus tôt, sans perdre sa lucidité financière.
Un mercato de riches mais excédentaire
Avec 239,1 M€ dépensés au 30 juillet, la Liga Portugal affiche le 6e plus gros budget estival d'Europe, juste derrière la Ligue 1 (269,5 M€) et devant la toute puissante Roshn Saudi League (237,8 M€). Surtout, elle fait partie des deux seules ligues du TOP 6 européen à rester bénéficiaire, avec une balance nette de +46,4 M€ (contre +173,6 M€ pour la Ligue 1, qui vit un mercato très spécial). Une anomalie statistique qui ne doit rien au hasard puisque le championnat portugais est en passe de boucler un 17e (!) mercato estival consécutif dans le vert. Du jamais vu sur le Vieux Continent. À l'inverse, la Premier League affiche à un mois de la clôture du marché un déficit de 972 M€, et la Serie A de 72,6 M€.
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Ce modèle vertueux repose sur un levier simple : acheter jeune, revendre vite, mais désormais avec une vraie montée en gamme. Benfica, par exemple, a payé 27 M€ pour Richard Rios, 4e plus gros achat de son histoire. Franjo Ivanovic (28 M€, bonus compris) va suivre, et Amar Dedic (12 M€) a rejoint l'effectif malgré un prêt raté du côté de l'Olympique Marseille. Le Sporting, lui, a déboursé 22,2 M€ pour Luis Suarez (ex-Almeria... et OM), quand Porto empile les grosses recrues : Victor Froholdt (20 M€), Samu Omorodion (32 M€), et quatre autres à plus de 13 M€. Même Braga, d'habitude plus prudent et en retrait par rapport aux trois mastodontes, a battu son record avec Pau Victor (15 M€). Le tout sans déséquilibre budgétaire.
Dix ans de plus-values, un modèle qui dure
Depuis dix ans, aucune ligue au monde n'a généré plus de bénéfices que la Liga Portugal sur le marché des transferts. Avec 4,4 milliards d'euros de recettes pour 2,01 milliards de dépenses, elle affiche 2,39 milliards d'euros de plus-values nettes, loin, très loin devant l'Eredivisie (+1,59 Md€, mais 2,88 Md€ de recettes), la Championship (+1,37 Md€, pour 3,8 Md€ de recettes) et quasiment cinq fois plus que la Ligue 1 (+486 M€, pour 7,64 Md€ de recettes). La Premier League (-11.87 Md€), la Serie A (-1,7 Md€), la Liga (-548,6 M€) et la Bundesliga (-229,9 M€) sont elles déficitaires. Ce modèle, fondé sur la détection précoce et la revente rapide, a longtemps permis de sécuriser les budgets annuels tout en préparant les mercatos suivants.
Mais le modèle a évolué. Le «acheter à bas prix, vendre cher» traditionnel se transforme peu à peu en «acheter à prix médian, vendre très cher» . Les clubs portugais n'attendent plus que les gros coups arrivent : ils les provoquent, en montant leur ticket d'entrée sur des joueurs déjà rodés. L'idée n'est plus de gagner 15 M€ sur un pari à 5 M€, mais 25 M€, voire beaucoup plus, sur un joueur acheté 20 M€. Une vraie confirmation après les ventes d'Enzo Fernandez (121 M€, acheté 44,25 M€), Darwin Nuñez (85 M€, acheté 34 M€), Manuel Ugarte (60 M€, acheté 24,5 M€) ou encore de Nico Gonzalez (60 M€, acheté 21,2 M€). Cet été, Viktor Gyökeres (65,8 M€, acheté 24 M€) et Alvaro Carreras (50 M€, acheté 14,3 M€) ont suivi. Des joueurs qui n'ont jamais passé plus de deux saisons au Portugal.
Vers un mercato plus rationnel
Ce qui frappe, c'est moins la somme globale que le profil des joueurs ciblés. Là où les clubs portugais misaient autrefois sur des pépites sud-américaines à 7-10 M€, ils n'hésitent plus à acheter des footballeurs plus mûrs autour de 20 M€. Depuis 2022, la moyenne des cinq plus gros achats de Benfica a atteint 28,7 M€ (Enzo Fernandez, Kökçü, Richard Rios, Marcos Leonardo, Arthur Cabral). Au Sporting, les cinq plus grosses recrues depuis 2023 (Gyökeres, Suarez, Hjulmand, Harder, Debast) culminent à 20 M€ de moyenne. Et Porto n'avait jamais aligné autant sur un seul été (88,6 M€, hors bonus). Les recrues ont en moyenne 24,6 ans : un âge qui garantit une rentabilité potentielle, mais aussi une intégration immédiate et un départ potentiel dans la force de l'âge.
Surtout, la Liga Portugal anticipe. Les clubs profitent de leur visibilité européenne (7e coefficient UEFA, deux places en Ligue des Champions) pour valoriser leurs actifs, tout en gardant une discipline salariale stricte : 55 à 74% du chiffre d'affaires, contre 80% en Premier League. Ils tirent aussi profit d'outils financiers : factoring sur droits UEFA, obligations (Benfica, Sporting), investissements dans les infrastructures (200 M€ pour l'Estadio da Luz). Ce sont autant de relais de croissance, déjà activés, qui permettent d'absorber les pics de dépenses. Pendant que la Ligue 1 patiente avance dans le flou le plus total, les Portugais construisent leur prochain cycle. Et dans un an, avec l'entrée en vigueur du plafond salarial UEFA à 70%, ce seront peut-être eux qui auront le plus de marge de manoeuvre pour s'adapter.
Les dix plus grosses ventes de l'histoire du championnat portugais (montants hors bonus éventuels) :
1. João Félix, de Benfica à l'Atletico Madrid (2019-2020) : 127,2 M€
2. Enzo Fernandez, de Benfica à Chelsea (2022-2023) : 121 M€
3. Darwin Nuñez, de Benfica à Liverpool (2022-2023) : 85 M€
4. Ruben Dias, de Benfica à Manchester City (2020-2021) : 71,6 M€
5. Viktor Gyökeres, du Sporting à Arsenal (2025-2026) : 65,8 M€
6. Gonçalo Ramos, de Benfica à Paris SG (2023-2024) : 65 M€
-. Bruno Fernandes, du Sporting à Manchester United (2019-2020) : 65 M€
8. Nico Gonzalez, de Porto à Manchester City (2024-2025) : 60 M€
-. Manuel Ugarte, du Sporting au Paris SG (2023-2024) : 60 M€
-. Otavio, de Porto à Al Nassr (2023-2024) : 60 M€
11. João Neves, de Benfica au Paris SG (2024-2025) : 59,9 M€
12. Geovany Quenda, du Sporting à Chelsea (2026-2027) : 50,8 M€
13. Alvaro Carreras, de Benfica au Real Madrid (2025-2026) : 50 M€
-. Galeno, de Porto à Al Ahli (2024-2025) : 50 M€
-. Éder Militão, de Porto au Real Madrid (2019-2020) : 50 M€
16. Luis Diaz, de Porto à Liverpool (2021-2022) : 49 M€
17. Matheus Nunes, du Sporting à Wolverhampton (2022-2023) : 47,4 M€
18. Eliaquim Mangala, du Porto à Manchester City (2014-2015) : 45 M€
-. James Rodriguez, de Porto à Monaco (2013-2014) : 45 M€
20. João Mario, du Sporting à l'Inter (2016-2017) : 44,8 M€
Les dix plus gros achats de l'histoire du championnat portugais (montants hors bonus éventuels) :
1. Enzo Fernandez à Benfica (2022-2023) : 44,3 M€
2. Darwin Nuñez à Benfica (2020-2021) : 34 M€
3. Samu Omorodion à Porto (2024-2025) : 32 M€
4. Orkun Kökçü à Benfica (2023-2024) : 29,7 M€
5. Richard Rios à Benfica (2025-2026) : 27 M€
6. Manuel Ugarte au Sporting (2021-2022) : 24,5 M€
7. Viktor Gyökeres au Sporting (2023-2024) : 24 M€
8. Luis Suarez au Sporting (2025-2026) : 22,2 M€
9. Marcos Leonardo à Benfica (2023-2024) : 22 M€
-. Raul Jiménez à Benfica (2015-2016) : 22 M€
11. Nico Gonzalez à Porto (2023-2024) : 21,2 M€
12. Arthur Cabral à Benfica (2023-2024) : 20,5 M€
13. David Carmo à Porto (2022-2023) : 20,3 M€
14. Oliver Torres à Porto (2017-2018) : 20 M€
-. Victor Froholdt à Porto (2025-2026) : 20 M€
-. Giannelli Imbula à Porto (2015-2016) : 20 M€
-. Everton Cebolinha à Benfica (2020-2021) : 20 M€
-. Julian Weigl à Benfica (2019-2020) : 20 M€
19. Morten Hjulmand au Sporting (2023-2024) : 19,5 M€
20. Hulk à Porto (2008-2009) : 19 M€
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