Atletico : le Cholismo sous stéroïdes
A mi-mercato, l'Atletico Madrid a déjà injecté près de 175 M€ dans son effectif. Une frénésie qui prolonge celle de l'été dernier, et qui signe peut-être le début d'une mutation définitive du projet mené par Diego Simeone. Plus offensif, plus dispendieux, plus exigeant. Mais aussi plus exposé.
Depuis quatorze ans, Diego Simeone incarne la constance dans un football qui n'en a plus. L'Atletico Madrid n'a jamais quitté le podium de Liga (à une exception près, dépassé par Gérone en 2023-2024), a disputé deux finales de Ligue des champions (2014, 2016), remporté deux Liga (2014, 2021) et deux Ligue Europa (2012, 2018), le tout avec un budget inférieur à celui du Real Madrid et du FC Barcelone.
Mais cette stabilité ne suffit plus. En interne comme en tribunes, la question n'est plus de savoir si l'Argentin mérite de rester. Elle est de savoir jusqu'à quand ce projet pourra tenir sans être repensé en profondeur. Et ce mercato 2025, l'un des plus agressifs de l'histoire du club, apparaît comme un tournant : celui où le Cholismo, longtemps décrit comme austère, devient un projet surarmé. Reste à savoir si cette armée pléthorique saura porter plus qu'un frisson.
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Un mercato hors normes... encore
Déjà 174 M€ investis, et le mercato est encore loin d'être terminé. Alex Baena (50 M€), David Hancko (34 M€), Johnny Cardoso (30 M€), Thiago Almada (21 M€ pour 50% des droits), Matteo Ruggeri (20 M€), Marc Pubill (16 M€) et Juan Musso (3 M€) — plus Clément Lenglet, libre — l'Atlético a déjà ciblé toutes ses lignes, avec des montants rarement atteints par le club en si peu de temps. Cette stratégie fait écho à celle de l'été 2023, où plus de 200 M€ avaient été déboursés pour attirer Julian Alvarez (95 M€), Conor Gallagher (42 M€), Robin Le Normand (34,5 M€) ou encore Alexander Sørloth (32 M€). Deux intersaisons qui propulsent les Colchoneros dans une nouvelle dimension financière.
Mais à la différence de l'été 2019 — record absolu avec 247 M€ de dépenses compensées par plus de 300 M€ avec les ventes d'Antoine Griezmann (120 M€), Lucas Hernandez (80 M€), Rodri (70 M€) voire Gelson Martins (30 M€) — cette fois, le club n'a presque rien vendu. Arthur Vermeeren (20 M€), Rodrigo Riquelme (8 M€), Angel Correa (8 M€) : seuls quelques éléments secondaires sont partis, générant moins de 40 M€ de recettes. Un net virage dans la stratégie habituelle de l'Atletico, longtemps bâtie sur la régénération par les ventes. Le déficit net frôle déjà les –90 M€, ce qui classe ce mercato parmi les plus déséquilibrés de l'ère Simeone en attendant d'autres mouvements.
Un effectif XXL, des attentes en hausse
Ce recrutement massif n'a rien d'un caprice mais répond surtout à une logique de montée en puissance. Après plusieurs saisons stagnantes (toujours autour de 75–77 points en Liga, insuffisant pour prendre place sur le trône), l'Atletico semble décidé à combler enfin l'écart avec le Real Madrid et le FC Barcelone. La saison passée, les Colchoneros ont pourtant bien démarré, avant de décrocher à partir de mars, finissant à 4 points des Merengue et 8 unités des Blaugrana. Un scénario désormais frustrant au vu des moyens de plus en plus important déployés par Enrique Cerezo et ses proches collaborateurs. Et à ce niveau d'investissement, les excuses n'auront probablement plus de place.
Car avec cette profondeur d'effectif — toutes les recrues, mais également Jan Oblak, José Maria Giménez, Nahuel Molina, Pablo Barrios, Koke, Marcos Llorente, Samuel Lino, Giuliano Simeone, Antoine Griezmann… — chaque ligne dispose désormais de titulaires indiscutables et de remplaçants crédibles. Le groupe n'a jamais semblé aussi équilibré, aussi dense, aussi complet. C'est sans doute le meilleur effectif qu'ait eu Simeone depuis celui sacré champion d'Espagne il y a désormais onze ans. Mais c'est aussi celui pour lequel il sera attendu avec la plus grande sévérité. En Liga, mais également en Europe, où l'Atletico n'a plus atteint le dernier carré de Ligue des champions depuis 2017.
Le Cholismo n'est pas (encore) mort
Voir le Cholo toujours en place, quatorze ans après son intronisation, relève presque de l'irréel. Aucun entraîneur européen n'a tenu aussi longtemps dans un club de ce standing. Et s'il fait figure de totem au Civitas Metropolitano grâce à tous ses accomplissements dans un club qui a longtemps traîné l'étiquette de la «lose» , la critique devient plus audible. Ces quatre dernières saisons sans le moindre titre majeur (ni Liga, ni Copa del Rey, ni sacre européen) ont creusé un léger fossé entre la légende vivante et le présent. L'identité de jeu, longtemps sacralisée, paraît aujourd'hui décalée. Comme si le Cholismo était devenu un réflexe plus qu'un moteur.
Ce mercato, plus encore que le précédent, est donc un test grandeur nature : celui d'un entraîneur qui n'aura plus le luxe de la prudence, celui d'un club qui ne peut plus se satisfaire d'une troisième place derrière les deux mastodontes du football espagnol. C'est le moment où le projet doit franchir un cap ou risquer l'épuisement définitif, en Liga, en Coupe — douze ans de disette — et en Europe, où les ambitions déclarées peinent à se concrétiser. Même au Mondial des clubs, nouveau terrain d'expression du très haut niveau, l'Atletico n'a pas existé avec une élimination dès le premier tour. Le Cholismo est sous stéroïdes, à lui de montrer qu'il peut encore faire battre les coeurs.
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