A peine le terrible mois de novembre se profile-t-il à l'horizon que le club de la capitale espagnole a déjà vécu de multiples rebondissements. Après un début d'exercice plus que laborieux, ponctué de déconvenues plus qu'inquiétantes, le Real semble, ces derniers temps, relever la tête peu à peu. Reste à savoir si cette légère amélioration est le signe d'une renaissance imminente ou seulement un sursaut d'orgueil de quelques stars en mal d'amour…

«Avec moi, cela ne fonctionnera pas»

Une phrase pour résumer le début de saison. Une seule. D'une honnêteté implacable. Presque incroyable dans ce monde du football. Encore davantage dans celui de la péninsule ibérique. Et carrément déconcertante quand il s'agit de la machine Real. Oui. Mais l'auteur de ces quelques mots n'est plus de la maison Real, même si son Président s'obstine à définir l'ancien sélectionneur espagnol comme l' «un des enfants de la Maison Blanche» . José Antonio Camacho jette l'éponge après une nouvelle défaite en terre catalane face à l'Espanyol Barcelone (0-1 ponctué d'un penalty manqué par Ronaldo et les expulsions de Samuel et Salgado) et une trompeuse 6ème place à un point du leader le FC Barcelone. Le jeu madrilène semble en effet loin de celui pratiqué par son sempiternel rival. Son dernier baroud d'honneur aura été vain. L'électrochoc tenté en laissant les fantômes galactiques (avec Raul et Beckham en première ligne) sur le banc montre les limites du célèbre entraîneur aux auréoles. En quittant le navire, voire le radeau, Camacho explique que «le rendement de l'équipe n'est pas celui escompté et, avec moi aux commandes, cela ne s'améliorera pas. J'ai ma personnalité et ma façon de travailler. Or, je n'en vois pas l'aboutissement sur le terrain et je n'ai pas l'impression que les choses iront en s'améliorant. Pour ces raisons, et pour éviter que le club s'enfonce dans une crise plus profonde, je préfère laisser l'équipe dès aujourd'hui» . Soit…

Mais la crise est pourtant déjà là. Et bien profonde. Aussi profonde que les propos de l'invisible Roberto Carlos précisant qu'ils «courent de façon trop désordonnée» . Dommage que le Real ne joue pas au ballon prisonnier… Et que les désormais révolus galactiques ne soient plus que l'ombre d'eux-mêmes depuis le début de saison. En ce 19 septembre, à l'issue des quatre premiers matches disputés (trois en Liga, un en Ligue des Champions), le bilan est consternant. Deux buts marqués. Quatre encaissés (dont trois à Leverkusen). Raul. Zéro but. Zéro passe. Figo. Zéro but. Zéro passe. Zidane. Zéro but. Zéro passe. Plus une épaule luxée pour trois semaines. Ronaldo. Un but. Zéro passe. Beckham. Un but. Zéro passe. Le but de l'Anglais reste d'ailleurs l'un des seuls gestes qui aura fait lever le public de Bernabeu (le traditionnel coup-franc de 30 mètres dans la lucarne). Et si on y ajoute la transparence des recrues que sont Walter Samuel ou Owen, voire l'absence de Woodgate, toujours invisible du côté de Madrid, le constat est affligeant. Le Real est à l'agonie. Et ce n'est pas le 1-0 contre Osasuna du mardi suivant (merci Beckham à nouveau) qui rassurera les sceptiques, et même les socios. Deuxième adjoint de Camacho, Mariano Garcia Remon accepte de prendre le relais «parce que José Antonio me l'a demandé en premier, tout comme le Président par la suite» . Mais les résultats ne sont pas vraiment probants. Même si le Real parvient à relever la tête face une Roma (4-2 avec des buts de Roberto Carlos, Figo et un doublé de Raul) tout aussi en crise que lui, les coéquipiers de Zidane, dans les tribunes à ce moment-là, s'inclinent à Bilbao (2-1) et face à La Corogne (0-1). Autant dire que le clone de Vicente Del Bosque a du pain sur la planche…

Los jugones

Mais malgré ces multiples déboires, le Real est loin d'être mort. C'est bien connu. Les grandes équipes ne meurent jamais, elles se reposent… Seulement, à ce moment-là, il devient urgent de se réveiller. Pour éviter de faire un mauvais rêve. Pour sortir de ce cauchemar. Et, malgré les défaites conjuguées face à Bilbao, 1-2 accompagné d'un but de Raul, et à domicile contre La Corogne, pourtant au plus mal après sa défaite 5-1 face à Valence, le Real est toujours là. En Liga, après huit journées, 6ème à quatre points seulement du deuxième, le surprenant FC Séville. En Ligue des Champions, grâce à deux victoires face à Kiev et la Roma, 2ème place, synonyme de qualification, dans la roue de son bourreau d'un soir, le Bayer Leverkusen. Et toujours là en Copa del Rey grâce, notamment à sa victoire de mardi soir (2-1) face au modeste Leganés (3ème division espagnole). Rien d'inquiétant me direz-vous. Et pourtant. Ce serait bien vite oublier que les Madrilènes n'ont inscrit qu'une seule fois plus d'un but, 4-2 face à la Roma, et que leur seule victoire de renom en Liga date de ce samedi. 1-0, encore, face à un Valence choqué après sa déroute 5-1 à domicile contre l'Inter de Milan. Le Real semble plus profiter des faiblesses de ses prestigieux adversaires que développer un jeu digne de ce nom. Digne de celui montré aux yeux du monde entier depuis quatre ans. Les «galactiques» sont bien morts. Remplacés par les «stratosphériques» du Milan AC ou, tout simplement, les «jugadores» (joueurs en espagnol) de Barcelone. Lucide, Zidane note alors ironiquement que Madrid ne «marque pas de buts. Et pour gagner, il faut toujours marquer au moins un but…» . Dur retour à la réalité…

Si dur qu'il a fallu employer les grands moyens. Petit retour en arrière. Saison 2001-2002. Finale de la Ligue des Champions. Zidane envoie son nouveau club au paradis d'une somptueuse volée du pied gauche dans la lucarne du gardien du Bayer Leverkusen (curieuse coïncidence…). En défense, un certain Pavon, du haut de ses vingt ans, s'illustre par son engagement. Florentino Perez se fendra donc pour la première d'un «c'est la réussite de la politique entreprise depuis deux ans. Celle des « Zidanes y Pavones» ». Sous entendu, le recrutement d'une star planétaire accompagnée de l'éclosion d'un jeune formé au club chaque année. Et les noms vont s'accumuler. Les «Ronaldes» , les «Beckhames» , les «Owenes» … Jusqu'à ce qu'on comprenne que la vérité d'un jour n'est jamais celle du lendemain. Solution. Exit les «galacticos» , «Zidanes» ou autres «Pavones» et bienvenue les «jugones» . Nouveau terme de la presse espagnole, toujours avide de qualificatifs choc. Censé être un mélange de «jugadores» et «Zidanes» , ultime allusion à une politique désormais révolue. Pour désigner les joueurs de ballon que sont les stars madrilènes. Fini le semblant d'équilibre cherché avec le recrutement de Samuel ou Woodgate. Le Real a de remarquables manieurs de ballon dans son effectif ? «Qu'ils les fassent jouer !» , «Et tous en même temps s'il le faut !» , «De toute façon le Real n'a jamais su défendre, alors qu'il attaque…» …

Voilà ce qui s'élève des travées de Bernabeu depuis quelque temps. Résultat : Zidane, Figo, Raul, Owen et Ronaldo sont titulaires d'entrée depuis deux matches, le capitaine devant même s'excentrer côté gauche pour les besoins de la cause. Et force est de constater que la nouvelle «politique» de Garcia Remon semble porter ses fruits. Même si le Real ne gagne encore qu'avec des scores de 1-0, face à Kiev et Valence, l'équipe semble peu à peu retrouver le jeu vers l'avant et à une touche de balle qui a tant fait sa renommée. Meilleur exemple. Owen. Oublié sur le banc depuis le début de saison par Camacho, peu enclin à sa venue en juillet, il a été l'auteur des deux buts face aux Ukrainiens et aux Valencians. Il s'est même permis de récidiver mardi soir pour doubler la marque après que Morientes, l'autre pestiféré de ce début de saison, ait inscrit le premier but. A croire qu'une Owen dépendance serait en train de naître. Marca, principal journal sportif madrilène, s'est même fendu d'un «Oh Wen» sur sa une du lendemain de victoire face à Valence. Léger problème. Il manque un des «jugones» . Peut-être le meilleur depuis ce début de saison. Beckham. Blessé depuis deux semaines, l'Anglais va logiquement postuler à une place de titulaire dès le 14 novembre, date de son retour. Et où va-t-on pouvoir bien positionner le Spice Boy ? En milieu défensif ? A droite ? Mais que faire de Figo à ce moment-là ? Comme si le Real n'en finissait plus de se poser des questions sur le régime à adopter…

Le Real va mieux… Mais il est encore en convalescence. Une période qui ne doit pas s'éterniser si le club de la capitale espagnole veut atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Les Madrilènes s'apprêtent d'ailleurs à vivre un mois de novembre terrible, et déterminant, avec en point de mire un certain match contre le FC Barcelone au Camp Nou le 21 du même mois. Histoire de voir de quel côté sont les «jugadores» … Ou «jugones» …

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