Comment les Grecs sont devenus les Dieux du football européen
Par Marie Ange Kostoff - Analyses Euro 2004, Mise en ligne: le 05/07/2004 à 23h18
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Les Grecs sont champions d'Europe. Qui aurait pu croire à un tel exploit à la veille du match d'ouverture de l'Euro 2004. Personne, soyons honnête. Pourtant, les hommes d'Otto Rehhagel ont démontré dimanche en dominant le Portugal en finale (1-0) qu'il n'était pas nécessaire d'avoir les meilleurs joueurs du monde pour remporter un Championnat d'Europe des Nations. Tentative d'explication d'une victoire sans précédent qui restera comme l'une des plus grosses surprises de l'histoire du football.

Une question a trotté dans toutes les têtes tout au long de cet Euro 2004. Qui pourra arrêter l'équipe grecque ? La réponse a été donnée dimanche au terme de la finale face au Portugal. Personne. Personne n'a su trouver les clés du jeu grec. A défaut d'être géniaux ou de développer un jeu spectaculaire, les hommes d'Otto Rehhagel ont pratiqué un jeu simple, sérieux, sans strass ni paillettes mais terriblement efficace. Si leur titre est une surprise dans la mesure où la Grèce n'avait jamais brillé au niveau international, il l'est moins quand on s'attarde sur les points forts que les Grecs ont démontrés tout au long de l'Euro.


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Otto Rehhagel, le «Dieu vivant»

Il a réussi à s'imposer à la tête de l'équipe grecque alors que les virulents supporters hellènes souhaitaient son départ dès son premier match à la tête de la sélection. Après une cinglante défaite contre la Finlande (1-5), on a même entendu Georgatos, l'une des stars de l'équipe affirmer que «si c'est pour en prendre cinq face à un tel adversaire il vaudrait mieux placer un Grec à la tête de la sélection» . Loin de faire l'unanimité, l'Allemand tient bon, notamment grâce au soutien inconditionnel du président de la fédération grecque de football qui croit en lui. Bien lui en prend puisque après une défaite contre l'Ukraine et l' Espagne en éliminatoires de l'Euro, la Grèce aligne six victoires de rang et se qualifie directement pour l'Euro 2004, poussant même l'Espagne vers les barrages. Et tout comme durant les éliminatoires, la victoire finale des Grecs n'est pas due au hasard. Elle est en partie due à celui qui porta le Bayern de Munich et le Werder de Brême au sommet européen. Rehhagel a réussi car il a imposé ses convictions. Il a apporté expérience et rigueur à une équipe grecque certes talentueuse mais brouillonne. Il a réussi à faire d'individualités une équipe solide, au mental sans faille, capable de se mesurer aux plus grands sans ciller. Grâce à lui, «la Grèce, qui a toujours de grosses individualités, a appris à devenir une vraie équipe» . Malgré toutes les critiques qui ont pu l'entourer depuis sa nomination au printemps 2002, il a appliqué ses principes et a privilégié l'esprit de groupe pour former une famille capable de faire preuve de qualités collectives extraordinaires sur le terrain. Un collectif qui prime sur certaines individualités qui pourraient déstabiliser le groupe. Ainsi a-t-il écarté du groupe des joueurs comme Georgatos ou le monégasque Zikos. Les joueurs savent qu'ils lui doivent beaucoup et le confirment. «Otto Rehhagel a changé notre façon de jouer. On dit que c'est une façon de jouer démodée, mais celui qui gagne a toujours la meilleure façon de jouer.»

Les révélations de l'Euro

Cinq joueurs Grecs figurent au sein de la sélection type de l'Euro (Nikopolidis, Dellas, Seitaridis, Zagorakis, Charisteas). Le meneur de jeu et capitaine Zagorakis a été nommé meilleur joueur de la compétition. Voilà la preuve de la valeur de l'équipe grecque qui ne doit pas sa victoire finale au hasard. Plus qu'une équipe qui se bat avec ses tripes, qui défend plus qu'elle n'attaque, la Grèce est également une équipe dotée d'une génération de joueurs talentueux qui ont éclaté au grand jour lors de cet Euro. Dellas s'est montré impérial, Nikopolidis a accompli un Euro exemplaire compte tenu de son temps de jeu réduit au sein du Panathinaikos. Zagorakis, l'homme le plus expérimenté de l'équipe (95 sélections) s'est montré comme un bon meneur d'homme. Charisteas a su se montrer décisif, notamment contre la France et surtout le Portugal.

Un bloc défensif imperméable, pilier d'une tactique infaillible

Le principal enseignement de la victoire grecque aura été que ce ne sont plus les «artistes» , les attaquants qui gagnent, du moins en Europe. Car si les Grecs ont fait preuve d'une animation offensive intéressante, les Hellènes sont très loin de former une équipe tournée vers l'attaque. Leur rigueur défensive n'a rien à envier aux plus grandes défenses du monde. Comme la France lors de son titre de Championne du Monde, l'équipe grecque s'est avant tout appuyée sur un bloc défensif qui n'a encaissé que quatre buts en six matches. Seule l'équipe russe a trouvé la clé du verrou grec, verrou sur lequel Français, Tchèques et bien sûr Portugais se sont cassé les dents. Avec trois joueurs à vocation défensive placés dans la sélection type de l'Euro, Dellas, Seitaridis et Nikopolidis, on apprécie mieux le niveau de la défense grecque. Rarement pris à défaut, toujours homogène et respectant à la lettre la tactique mise en place par Rehhagel, les défenseurs grecs ont su faire tourner en bourrique les meilleures attaques du monde.

Le schéma tactique en 4-5-1 mis en place par Rehhagel ajouté à cette rigueur défensive a fait des merveilles. Certains parleront de frilosité, d'une équipe qui mise tout sur la défense et espère profiter de situations de contre reposant sur un seul attaquant de pointe. Or, l'Allemand a mis au point une "botte secrète" . Si lors des phases défensives, les Grecs jouaient avec 4 défenseurs et 5 milieux de terrain, dès qu'ils attaquaient, leur système de jeu se transformait en un 4-3-3 leur permettant de lancer trois joueurs à l'attaque et donc de peser plus lourd sur les défenses adverses. Une très bonne remontée de balle, rapide, mais simple et sûre, faite de passes courtes et d'un jeu bien construit et on obtient des situations dangereuses pour une équipe grecque sans complexe. Le maître tacticien Rehhagel, relayé parfaitement par ses joueurs a gagné son pari.

Un fort impact physique servi par un mental d'acier

Leur défense de fer ne doit pas sa solidité qu'à une bonne technique et un placement sans faille. Car si les Grecs ont montré quelques signes de fatigue contre la France, par exemple, ils ont su tenir bon et finir en force beaucoup de leur match. Lors du premier match contre le Portugal, ils ont tenu jusqu'au bout une victoire malgré les assauts, certes brouillons mais répétés, des coéquipiers de Figo. Ils ont su refaire leur retard face à l'Espagne et la Russie alors qu'ils avaient rapidement été menés. Contre la République Tchèque, c'est leur fraîcheur physique qui a fait la différence. Enfin, en finale, ils ont su tenir le résultat, tenant même la dragée haute aux portugais en fin de match. On aurait pu croire que leur jeu ultra défensif les perdrait à un moment ou à un autre. En effet, comment accumuler des matches avec une intensité athlétique défensive telle sans craquer ? Certes la plupart des joueurs grecs (14 sur 23) jouent dans un championnat grec qui n'est pas l'un des plus dur d'Europe. Et ceux qui jouent à l'étranger n'ont pas toujours une place de titulaire qui les épuiseraient. Certainement plus frais physiquement, ils l'ont également été mentalement, tenant match après match, ne lâchant rien, y croyant jusqu'au bout. Car l'une de leur principale force aura été leur qualité d'abnégation. Jouer contre les meilleures équipes du monde, les attaques les plus performantes et toujours résister sans jamais flancher. Sans stars mais avec un collectif soudé, les Grecs ont prodigué un jeu simple, efficace, cohérent pour lequel ils ont tout donné. Ils ont joué avec le coeur et quel coeur !

Une très bonne maîtrise technique

Car loin d'être une bonne équipe défensive jouant les contre comme elle le peut, la Grèce est une équipe douée techniquement. Les joueurs ne se sont jamais contentés de «balancer» des ballons vers leur attaque. S'ils se sont créé des occasions franches, la plupart venaient après une phase de jeu, bien construite, développée avec un nombre de joueurs suffisants pour inquiéter véritablement le portier adverse. L'équipe grecque a joué en bloc, que ce soit défensivement ou offensivement, permettant ainsi une meilleure percussion et un jeu plus court et donc plus rapide, déstabilisant l'adversaire. De plus, leur maîtrise technique leur a permis de se créer des situations dangereuses. Pour preuve, cette action en première mi-temps du match face au Portugal où Vryzas exécute un coup du foulard, sur un une-deux avec Zagorakis, qui aurait pu se transformer en but si Ricardo n'était pas intervenu dans les pieds de Charisteas . Que dire également en seconde période, du capitaine Zagorakis qui se permet une louche entre deux Portugais pour servir un coéquipier. Grâce à leur densité et leur homogénéité en défense et dans la récupération mais aussi grâce à un jeu d'attaque simple mais efficace, les Grecs ont su déjouer les pièges de tant de favori et les ont pris à leur propre jeu.

Un bon jeu de tête

Sur leurs deux derniers matches, les Grecs ont fait preuve d'une efficacité terrible sur les corners. Dellas en demi-finale contre la République Tchèque, Charisteas en finale ont su prendre le pas sur des défenses parfois statiques dans leur surface. Que ce soit face à des Tchèques épuisés et visiblement dépassés à la fin de la première mi-temps de la prolongation ou face à des Portugais mal placés, les Grecs ont sauté plus haut que tout le monde, faisant preuve d'un timing parfait sur des corners souvent bien tirés.

La tactique de l'humilité

Présentée comme le petit poucet du Groupe A où les ogres ibériques devaient la manger tout cru, la Grèce s'en est pourtant sortie comme lors des éliminatoires de l'Euro où elle a éliminé l'Ukraine et contraint l'Espagne à disputer les barrages. Mais face aux Français, on pensait que le miracle grec allait prendre fin et que les choses allaient rentrer dans l'ordre. Loin de là, les Dieux semblaient être tombés sur la tête. Eliminés les Champions d'Europe ! En demi-finale, là encore on pensait que les Grecs allaient s'écrouler face à des Tchèques ultra favoris. Et non, par tous les Dieux ! Une nouvelle fois, les hommes de Rehhagel ont déjoué tous les pronostics et se sont retrouvés en finale. Une finale qui a ressemblé à toutes les autres rencontres des Grecs face aux supposés favoris. Supporters, spectateurs, commentateurs, peut-être même joueurs pensaient que la Selecçao allait fondre sur les Grecs et les terrasser (Sepp Blatter avait même pronostiqué une large victoire 3 buts à 1 avant le match). Les Grecs sont pourtant sortis victorieux de chaque rencontre où on leur prévoyait le pire. Paradoxalement, rencontrer de grosses équipes, favorites du tournoi semble avoir été un avantage pour eux. En effet, l'équipe grecque n'ayant jamais gagné un match lors d'une phase finale d'une compétition internationale, la qualification pour les quarts de finale de l'Euro 2004 était déjà un exploit sans précédent. Chaque match suivant n'était que du bonus pour une équipe qui n'avait dès lors plus rien à perdre. Et contre la France tenante du titre, la République Tchèque que l'on voyait déjà soulever le trophée et le Portugal sûr de son fait devant son public, la tactique de l'humilité a été la bonne. Les grosses écuries n'ont pas assez pris au sérieux des Grecs bien en place tactiquement, forts physiquement et doués techniquement. Mais à leur décharge, qui aurait misé une drachme sur les Hellènes avant la compétition ? Qui aurait pu penser qu'une équipe au palmarès international vierge aurait pu être sur le toit de l'Europe après un parcours quasi idéal ? Personne ne se méfiait d'eux et pourtant…

Déstabiliser l'adversaire

La capacité des joueurs grecs à faire déjouer leurs adversaires a été, à coup sûr, l'une de leur principale force. La Grèce a su déstabiliser des équipes au jeu réglé comme du papier à musique. Portugais et Tchèques avaient auparavant montré un jeu alléchant, plein de talent et de qualités. Des qualités qui ont disparu contre la Grèce. Certes les Tchèques avaient eu deux jours de récupération en moins, certes les Portugais jouaient sous pression, portant les espoirs de tout un peuple. Mais ce sont avant tout les Grecs qui ont dominé leur sujet. Imperméable défensivement, le bloc défensif mis en place n'a que peu tremblé à l'intérieur de la surface de réparation, formant une véritable barrière devant Nikopolidis. Incapables de percer le mur grec et contraints de tirer au but des 25 ou 30 mètres, il était clairement difficile pour les adversaires des Grecs d'être dangereux. Et de cette incapacité à troubler des Grecs toujours concentrés est née alors une frustration qui s'est vite transformé en nervosité et en précipitation. Français, Tchèques et Portugais en ont fait les frais. Les usant physiquement en leur imposant un pressing défensif sans relâche, les Grecs ont également su épuiser mentalement leurs adversaires, les poussant à bout, jusqu'à ce qu'ils perdent leur football.

Révélation du premier tour de l'Euro, puis outsider et enfin vainqueur d'un Euro de toutes les surprises, les Grecs, plus que par leur premier titre au niveau international, auront marqué de leur empreinte la compétition. Certains vont considérer cette victoire comme un bien pour le football dans la mesure où cette victoire apporte de la fraîcheur dans un sport où l'on pensait que tout était figé, où seules les «grandes» équipes pouvaient gagner. D'autres vont se plaire à dire que la victoire grecque est la victoire d'un jeu terne qui fait la part belle aux défenseurs, au détriment des artistes et des équipes qui produisent du beau jeu, pour le spectacle. Peu importe pour les Grecs. Loin de ces considérations, ils ne sont pas prêts d'oublier cette soirée du 4 juillet, qui deviendra peut-être une fête nationale…



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