Chelsea : l'antagoniste ultime
Vainqueur de la première édition de la Coupe du monde des clubs contre le Paris Saint-Germain (3-0), dimanche, Chelsea a confirmé son statut de club à part. Seule équipe européenne à avoir remporté toutes les compétitions continentales, les Blues ont fait honneur à leur rôle d'antagonistes ultimes.

Chelsea n'a jamais été le club le plus aimé. Ni celui qui suscite l'admiration. Mais dès que vient l'heure d'une finale européenne – voire mondiale - son nom rime trop souvent avec frustration pour l'adversaire. Pas parce qu'il domine. Mais parce qu'il prive. De la même manière, à des années d'écart, les Blues ont gâché la fête de Stuttgart, du Bayern, de Benfica, d'Arsenal, de Manchester City, du Betis et du Paris Saint-Germain. Et chaque fois, ils l'ont fait quand personne (ou presque) ne les attendait.
Leur palmarès ne rivalise pas avec les grandes dynasties continentales. Leur histoire n'a rien d'un long récit romanesque. Mais en un peu plus de 25 ans, Chelsea s'est inventé un autre rôle : celui de coupeur de trajectoires. À l'instant où l'autre croit toucher à l'histoire, eux interviennent. Pour briser un rêve, retarder un sacre, prolonger une malédiction. Pas pour s'asseoir sur le trône. Mais pour faire tomber ceux qui y montaient. Un rôle de méchant du film que la formation anglaise respecte à merveille.
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L'éclair venu du banc (Chelsea 1-0 Stuttgart, le 13 mai 1998, Coupe des Coupes)
Avant-dernière finale de la Coupe des Coupes à Solna. Chelsea, alors sans titre européen depuis 1971, se présente avec Gianluca Vialli sur le banc, Dennis Wise au milieu et Gianfranco Zola, revenu de blessure, en joker. En face, Stuttgart, emmené par Joachim Löw, s'appuie sur un collectif sérieux, emmené par Krasimir Balakov et Fredi Bobic. Le match est verrouillé, sans grandes occasions. Jusqu'à la 71e minute, quand Zola, tout juste entré, reprend une passe de Wise d'une demi-volée imparable. Un ballon, un but.
Le score ne bougera plus. «J'ai frappé une seule fois. Et ça a suffi» , glissera l'attaquant italien après ce but salvateur. Un premier titre européen de son ère moderne pour Chelsea, dans une finale sans éclat. Stuttgart, appliqué mais sans génie après le départ de Giovane Elber pour le Bayern Munich, voit sa chance passer. Ce n'était pas encore le Chelsea dominateur des années 2000 avec José Mourinho. Mais déjà un club capable de surgir pour punir l'enthousiasme adverse. Sans prévenir.
La nuit de Munich (Bayern 1-1 3-4 tab Chelsea, le 19 mai 2012, Ligue des Champions)
Le Bayern Munich disputait sa finale chez lui. L'Allianz Arena pleine à craquer, une domination totale pendant 80 minutes, puis l'ouverture du score de Thomas Müller. Tout semblait converger vers une fête prévue, écrite, répétée. Chelsea, à bout physiquement et au bord de l'asphyxie, n'avait plus que l'expérience. Et une arme fatale. Sur un corner isolé frappé par Juan Mata, Didier Drogba décroisa une tête improbable pour égaliser à la 88e minute. Le coup de casque d'une vie pour l'attaquant ivoirien, trop souvent malheureux dans les finales.
En prolongation, un nouveau miracle avec l'arrêt de Petr Cech devant Arjen Robben sur penalty. Avant les tirs au but et la dernière tentative réussie par Drogba pour son dernier match. «On n'était pas censés gagner ce match» , confiera Frank Lampard des années plus tard. Mais Chelsea l'a gagnée. Contre le Bayern, chez le Bayern. Avec un intérimaire, Roberto Di Matteo, présent sur la pelouse face à Stuttgart, 14 ans plus tôt, sur le banc de touche. Un premier sacre en Ligue des Champions tombé du ciel après une demi-finale déjà rocambolesque face au FC Barcelone.
La malédiction prolongée (Benfica 1-2 Chelsea, le 15 mai 2013, Ligue Europa)
Plus de tirs, plus de possession, plus de contrôle. Une finale que Benfica tenait pendant une heure. À l'approche du temps additionnel, à 1-1, le club portugais pensait filer en prolongation. Mais 51 ans après son dernier titre européen, l'ombre de Béla Guttman planait toujours au-dessus du club lisboète. A la 93e minute, sur un ultime corner, Branislav Ivanovic s'éleva au second poteau. Sa tête, flottante, vint mourir dans la lucarne. Une fin cruelle pour Benfica et surtout une malédiction qui se prolonge.
Chelsea méritait-il ce titre ? Reversé de Ligue des Champions malgré son statut de tenant du titre, souvent moyen dans son parcours, le club londonien n'avait rien de conquérant. Mais il avait ce réflexe : frapper quand l'adversaire tend les bras. «On méritait mieux» , dira Jorge Jesus, incrédule, qui a passé une éternité sur la pelouse, le regard dans le vide. Dans une finale, contre Chelsea, le mérite ne suffit jamais. Le club anglais n'a pas grandi ce soir-là. Il a seulement empêché quelqu'un d'autre de le faire.
Un derby parfaitement maîtrisé (Chelsea 4-1 Arsenal, le 29 mai 2019, Ligue Europa)
Arsenal abordait cette finale avec un double enjeu : gagner un trophée majeur et retrouver la Ligue des Champions. Un objectif vital dans une période d'instabilité sportive et financière suite au départ d'Arsène Wenger quelques mois plus tôt. Pendant une mi-temps, les Gunners ont résisté. Mais au retour des vestiaires, tout s'est effondré. Olivier Giroud, Pedro puis Eden Hazard ont tué le match en vingt minutes à Bakou. Un terrible naufrage pour les Gunners et une humiliation que personne n'avait vue venir.
«Ils ont été plus forts dans tous les domaines» , concédera Unai Emery, qui rêvait d'un quatrième sacre dans le tournoi en six ans. Pour son dernier match avec les Blues – et peut-être même sa dernière belle partition en carrière – Hazard a terminé avec un doublé, un sourire, et un trophée de plus. Comme souvent avec Chelsea, la finale n'a pas raconté leur grandeur. Elle a raconté celle qu'ils ont empêchée, à savoir un titre européen pour les Gunners, battus à ce stade 19 ans plus tôt par Galatasaray.
Le rêve de Pep étouffé (Manchester City 0-1 Chelsea, le 29 mai 2021, Ligue des Champions)
Manchester City était enfin mûr pour trôner sur l'Europe. Tactiquement supérieur, collectivement huilé, favori logique de cette finale. Depuis son arrivée en 2016, Pep Guardiola construisait pour cette soirée-là. Chelsea, entraîné par Thomas Tuchel depuis janvier, était solide mais sans génie. Pourtant, à Porto, les rôles se sont inversés. Sur un contre éclair, Kai Havertz marquait l'unique but de cette rencontre. N'Golo Kanté, au sommet de son art, a tout récupéré. Et Manchester City, malgré 61% de possession, n'a cadré qu'un seul tir.
Kevin De Bruyne, touché au visage par Antonio Rüdiger, a quitté le terrain en pleurs. Guardiola, sans milieu défensif – un choix incompréhensible qui ne s'explique toujours pas aujourd'hui - s'est enfermé dans ses principes. «On n'a pas trouvé la clé» , dira-t-il après coup, sonné par cet échec cuisant. Chelsea, lui, n'a pas eu besoin de la chercher. Il a simplement verrouillé la porte. Comme souvent, il n'a pas gagné en imposant un style. Il a gagné en refusant celui de l'autre. Une fois de plus en finale.
Trop grand pour le tournoi (Betis 1-4 Chelsea, le 28 mai 2025, Ligue Conférence)
Le Betis n'a pas eu le temps d'y croire longtemps. Pour sa première finale européenne, le club andalou avait pourtant ouvert le score sur une inspiration d'Ez Abde. Dix minutes d'ivresse avant le dur retour à la réalité à partir de l'heure de jeu. Chelsea a répondu par Enzo Fernandez, puis a déroulé avec Nicolas Jackson, Jadon Sancho et Moises Caicedo. 4-1, match plié, écart cruel. Un score qui ne reflète pas forcément la physionomie du match, mais avec les Blues, l'histoire est toujours la même.
Chelsea était beaucoup trop grand pour cette compétition. Trop structuré, trop rapide, trop froid. Le Betis s'est battu avec ses armes, Chelsea a imposé les siennes en ne paniquant jamais. En soulevant la Ligue Conférence, les Blues sont devenus le premier club à avoir remporté la C1, la C3 et la C4. Une collection complète, dans un tournoi qui n'était pas fait pour eux. Mais comme souvent, ils étaient là. Et comme souvent, ils ont empêché. Petits ou gros, c'est du pareil au même pour un club qui ne pardonne pas.
Pas de quintuplé pour le PSG (Chelsea 3-0 Paris SG, le 13 juillet 2025, Coupe du monde des clubs)
Le Paris Saint-Germain venait pour tout rafler. Championnat, Coupe de France, Ligue des Champions, Trophée des champions… Il ne manquait qu'un dernier titre pour boucler une saison unique dans l'histoire du football français : la nouvelle Coupe du monde des clubs, première édition de son format élargi à 32 équipes. En finale, à East Rutherford, dans le New Jersey, le champion d'Europe pensait avoir rendez-vous avec sa propre légende après avoir distribué des torgnoles. Il est tombé sur Chelsea.
Encore une fois. Les Blues, déjà sacrés dans toutes les autres compétitions UEFA, sont venus refermer une porte de plus. Doublé de Cole Palmer, but de João Pedro avant la pause, un 3-0 sans appel. Chelsea avait annoncé qu'il était là pour gagner. Il l'a imposé, du premier au dernier ballon. Le PSG n'a jamais su exister. Cette fois, les Londoniens n'ont pas puni en silence. Ils ont dominé, contrôlé, assumé. L'histoire était écrite pour Paris. Chelsea l'a réécrite à sa façon : froide, chirurgicale, définitive. L'antagoniste ultime.
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