Saha et Luyindula ont été appelés par Jacques Santini dans le groupe qui défiera en amical la Belgique mercredi 18 février. Le sélectionneur donne ainsi un élément de réponse à la question du remplacement de Cissé. Il a d'autre part fermé la porte à un éventuel retour d'Anelka dans le groupe France. Intégration des nouveaux, retours de Desailly et Vieira : telles sont les données du match qui marquera le centenaire des deux formations.

Commençons par un peu d'histoire… Le 1er mai 1904, soit il y a presque 100 ans, la France va défier la Belgique à Uccle pour le compte de la coupe Evance Coppée. Un match comme un autre direz-vous, sauf que celui-ci marque la première rencontre officielle des sélections nationales belge et française. Les deux équipes sont disposées en 2-3-5, et se séparent sur un score de parité 3-3, après que l'attaquant français Gaston Cyprès a égalisé en toute fin de match d'une reprise de volée consécutive à un coup-franc joué par le défenseur Joseph Verlet. Les organisateurs n'ayant prévu ni prolongations ni tirs au but, les deux équipes se partagent le trophée. Depuis ce baptême, 69 confrontations ont eu lieu, et les statistiques sont partagées : 29 victoires belges contre 23 côté français, 17 nuls. La Belgique a marqué 156 buts, la France 122. Parmi ces 69 matches, on peut se souvenir de quelques grands moments : le triplé de Michel Platini lors du premier tour de l'Euro 1984 pour une victoire 5-0, la «petite finale» du Mondial 1986 au Mexique remportée 4-2 après les prolongations par une équipe de France bis, ou plus récemment, ce match de mai 2002 perdu 1-2 par les Bleus et qui préfigurait la déroute française lors du Mondial asiatique.

Les Diables rouges : entre frustration et reconstruction

Si les deux équipes fêteront toutes deux leurs anniversaires, les enjeux sont bien différents de part et d'autre. Incapables de sortir d'un groupe pourtant à leur portée lors des éliminatoires pour l'Euro (Bulgarie, Estonie, Andorre, Croatie), les Belges s'apprêtent à ne jouer, pendant les six prochains mois, que des matches amicaux : la France d'abord, puis l'Allemagne, la Turquie, les Pays-Bas et enfin la Norvège. Ils se plongeront ensuite dans les qualifications pour la coupe du monde 2006. Autant dire que leur appétit devrait être grand de prouver, face à certaines des meilleures équipes du continent, que leur élimination de la compétition européenne était un accident. Le parcours belge lors de la phase préliminaire n'a, de fait, rien eu de déshonorant : cinq victoires, un nul, deux défaites (dont une lors du premier match : 0-2 à domicile contre la Bulgarie), onze buts marqués, neuf encaissés. Les Diables rouges ont cependant terminé à la troisième place du groupe et n'iront pas au Portugal en juin prochain. Si on ajoute à ces résultats un match nul encourageant (1-1) contre les Pays-Bas en amical, et une victoire facile en Algérie (3-1), toujours en amical, on comprend la frustration des coéquipiers de Van Buyten.

Nul doute donc que la motivation sera présente du côté des hommes d'Aimé Anthuenis. Interrogé sur l'importance de ce match de gala, l'expérimenté (70 sélections) Marc Wilmots avoue d'ailleurs que «chaque joueur belge rencontrant la France est très motivé. Les Diables rouges auront à coeur de gagner devant leur public. L'objectif de l'équipe est 2006 mais cette rencontre face à la France est très importante. Comme les Bleus, nous fêtons notre centenaire en 2004. La victoire devant les Tricolores est donc primordiale» . Un brin chambreur, l'ancien Bordelais ajoute même : «je me souviens surtout du dernier match joué en mai 2002 où nous nous étions imposés 2-1. J'avais d'ailleurs marqué» . Pour tenter de décrocher cette victoire de prestige sur les champions d'Europe en titre, la Belgique pourra s'appuyer sur sa génération montante, celle des Sonck, des Buffel, des Kompany ou Van Buyten. Particularité de ces jeunes joueurs ? Comme leurs homologues français il y a quelques années, ils n'hésitent plus à déserter leur championnat national, réputé plus faible que ses voisins. Van Buyten a évolué à l'OM avant de porter les couleurs de Manchester City, Sonck mène l'attaque de l'Ajax d'Amsterdam, Buffel joue au Feyenoord de Rotterdam. Ce qui fait dire à Wilmots : «nous nous appuyons sur un bloc jeune, mais qui accumule de l'expérience à l'étranger, ce qui n'était pas le cas il y a sept ou huit ans» .

Les Bleus : opération intégration

Les enjeux côté français sont différents. L'objectif n'est pas la coupe du monde 2006, mais juin 2004, dans tout juste quatre mois. La France débutera mercredi sa préparation en vue de l'Euro, une préparation qui verra les Bleus rencontrer des adversaires d'un tout autre calibre que ceux rencontrés pendant les qualifications. Finis Chypre, Malte, ou Israël, place aux Pays-Bas, au Brésil, à l'Ukraine de Shevchenko, et donc à la Belgique ce mercredi. L'heure est donc aux réglages, à la préparation, d'autant plus que la liste communiquée par Santini compte deux nouveaux joueurs qu'il faudra intégrer avant d'aller au Portugal.

Le choix des gardiens ne laissait guère de place au doute et Barthez et Coupet sont bien appelés. En défense, Desailly qui n'a plus joué en club depuis le 18 janvier et qui a manqué sur blessure les deux derniers matches des Bleus, fait son retour à côté de ceux qui sont, sauf coup dur, certains d'être du voyage de l'Euro : Thuram, Sagnol, Lizarazu et Silvestre. Boumsong et Gallas complètent la section défensive. Au milieu, Vieira revient après avoir lui aussi manqué les deux derniers matches de l'équipe de France. Pedretti fait les frais de ce retour. Makelele, Dacourt, Pires et Zidane sont sans surprise appelés par Santini. Govou et Rothen profitent quant à eux des absences pour blessure de Wiltord et Giuly. Après la suspension de Cissé, c'était pour la composition de l'attaque qu'on attendait impatiemment cette liste. Santini n'a pas déçu les amateurs de surprise. Derrière les indéboulonnables Henry et Trezeguet, deux joueurs sont appelés, qui n'ont jamais porté le maillot bleu : le Lyonnais Luyindula et le Mancunien Saha. Tous deux disposent d'un profil différent. Le Lyonnais, droitier, aime revenir au milieu pour participer à la construction. Il voit dans sa sélection la récompense de sa bonne saison (11 buts) avec Lyon : «J'espérais un jour faire partie du groupe France mais je ne m'étais fixé aucune échéance. Cela arrive maintenant et c'est une belle récompense du travail fourni depuis le début de saison. Avec Lyon, après avoir débuté l'année comme remplaçant, je joue plus régulièrement ces derniers mois. Cela avait obligatoirement décuplé mes ambitions» . Saha quant à lui n'en finit plus d'affoler les compteurs (16 buts en Premier League). Véritable buteur, gaucher de surcroît, il semble s'épanouir aux côtés de Van Nistelrooy et figure à la troisième place du classement des scorers outre-Manche. Saura-t-il trouver une telle complicité avec l'un des attaquants des Bleus ?

Mais les deux nouveaux appelés pour la rencontre contre la Belgique seront-ils tous deux du voyage au Portugal ? Rien n'est moins sûr. En effet, la liste pour le match de mercredi compte 20 noms. Il faudra rajouter un gardien (Landreau semble le mieux placé), et vraisemblablement un récupérateur (Pedretti ?). Il faudra également réintégrer Wiltord et Giuly. Ce qui donne 24 joueurs, soit un de trop. Qui servira de fusible ? Un milieu offensif (Govou, Rothen) ou un attaquant (Luyindula, Saha) ? Autant dire que ces quatre là auront une grosse carte à jouer, et peu de temps pour le faire puisque aucun ne devrait débuter le match. L'équipe de France n'en présentera pas moins un profil connu, construit autour de ses piliers habituels. Barthez, Desailly, Vieira, Zidane et Henry : tous les leaders seront sur la pelouse et chercheront sans doute à prendre une revanche sur des Belges vainqueurs de leur dernière confrontation.

Un mot enfin sur les absents. Marlet n'a pas encore joué un match entier avec l'OM depuis son retour de blessure, il n'était donc pas candidat. La non sélection de Kapo est plus étonnante et ne devrait plus faire partie des plans de premier choix du sélectionneur. Santini lui a préféré Rothen, et l'Auxerrois voit l'Euro s'éloigner. Après l'opération médiatique lancée par Anelka, la réponse du sélectionneur était attendue. Elle est tombée, cinglante : le joueur de Manchester City est accusé par le sélectionneur d'avoir «rejeté l'équipe de France et, surtout, [d'avoir] bafoué l'institution» . Plus surprenant, Santini s'en prend à mots couverts à son président, Claude Simonet, qui avait déclaré qu'il fallait «savoir oublier» : «le groupe France, pris dans la tourmente d'opinions contradictoires dont certaines peuvent surprendre, venant de son sein même, se trouve fragilisé» . Dans ces conditions, difficile d'imaginer un retour d'Anelka tant que Santini sera à la tête des Bleus.

Des Bleus sûrs d'eux mais tournés vers l'Euro, des Belges frustrés en quête de rachat immédiat : l'affiche de mercredi opposera deux formations aux objectifs différents. La rencontre reste pourtant largement à la portée d'une équipe de France presque au complet, et invaincue depuis le match face aux Tchèques (0-2). La semaine prochaine, les Bleus vers 2004 reviendra sur ce match et les enseignements qu'il aura livrés.