Les supporters de l'AJA ne sont pas prêts d'oublier la soirée du 4 juin 2005. L'Ivoirien Bonaventure Kalou a crucifié les Ardennais à la toute dernière seconde du temps additionnel (2-1) en finale de la Coupe de France. Quelques minutes plus tard, c'est Guy Roux qui annonçait sa retraite sur TF1. Retour sur la saison.

La saison 2004-05 de l'AJ Auxerre a été l'une des plus réussies de ces dernières années, tant sur le plan des résultats que des émotions. Alors que le départ des Cissé, Boumsong, Kapo, Sirieix et Mexes laissaient craindre le pire, Guy Roux a su mettre en place pour la dernière fois, une équipe hautement compétitive. Auxerre a ainsi atteint les ¼ de finale de Coupe d'Europe pour la sixième fois de son histoire (défaite contre Moscou) et remporté sa 4ème Coupe de France en l'espace de 12 ans.

Certes, la saison de Ligue 1 a été plus laborieuse (8ème) mais principalement en raison d'une phase retour sacrifiée (3ème à mi-saison) aux brillants parcours en Coupes (nationales et européenne). De plus, quelques jeunes joueurs se sont révélés cette saison, symbole de la réussite sans fin de la formation icaunaise, dont Younes Kaboul et Bakari Sagna sont les derniers exemples en date.

Les satisfactions collectives

Les «années Cissé» avaient symbolisé pour beaucoup la fin du jeu à l'auxerroise. En effet, la tactique était essentiellement de profiter de la vitesse de Djibril en le trouvant en profondeur, particulièrement à l'extérieur. La paire Kalou-Cissé était aussi talentueuse que peu collective. Cette année, avec la fuite des talents, un jeu plus fluide et plus construit s'est mis en place, avec des résultats probants. Auxerre termine la saison avec la 5ème attaque de Ligue 1, malgré une fin de saison bâclée. Seuls Lyon, Lille, Monaco et Rennes font mieux. Quinze joueurs sur les vingt-quatre utilisés ont marqué, Benjani (11) et Kalou (9) étant les plus prolifiques. Le schéma inverse de l'an dernier où Cissé avec 26 buts, monopolisait le front de l'attaque.

L'autre satisfaction concerne plus prosaïquement les résultats. Quasiment présente dans les cinq premiers de L1 toute la saison, l'AJA a fait mentir tous les pronostics qui l'avaient enterré un peu vite. La première journée avait d'ailleurs fait craindre le pire (0-2 à Lille dont personne n'imaginait le destin) avec une place de première lanterne rouge de la saison. Enfin, le parcours dans les Coupes a été remarquable. Quart finaliste de Coupe de la Ligue éliminé par Caen aux tirs aux buts, quart finaliste de la Coupe UEFA (éliminé par le futur vainqueur, le CSKA Moscou) après avoir éliminé les Rangers (2-0 à Ibrox), Lille (1-0 ; 0-0) et l'Ajax (0-1 ; 3-1) et bien sûr vainqueur de la Coupe de France (2-1 contre Sedan). Le match retour contre l'Ajax, sous une fine pluie neigeuse conclu par un but qualificatif de Lionel Mathis (86ème) restera comme l'un des grands moments de la saison.

Les satisfactions individuelles

Sur les 24 joueurs utilisés, de Cool (38 matches) à Dufour (10 minutes), il est difficile de ressortir quelques joueurs, car le foot est un sport collectif. Toutefois, certains ont marqué la saison plus particulièrement.

COOL : le gardien auxerrois, auteur d'une saison 2004 en demi-teinte, était sur la sellette en début de saison. Seul joueur à avoir joué tous les matches (sauf une mi-temps à Metz), il a réussi plusieurs grands matches et retrouvé son meilleur niveau. Guy Roux ne s'y est pas trompé en lui proposant tôt dans la saison de prolonger deux ans. Son seul talon d'Achille reste les penalties, où il ne brille guère, ce qui a coûté à l'AJA deux éliminations en Coupe de la Ligue ces deux dernières saisons. Un maillon fort.

KALOU : la seule véritable vedette de cette équipe. Décisif, capable de dribbler toute l'équipe adverse s'il le faut, il possède une maestria balle au pied rarement vue. Auteur de buts décisifs (doublé à Glasgow, contre l'Ajax, contre Paris en Coupe) et superbes (contre Saint-Étienne notamment), il a probablement quitté l'AJA par la plus grande des portes en lui offrant la Coupe de France au bout du bout du temps additionnel. Possède les défauts de ces qualités, exaspérant dans un mauvais jour.

CHEYROU : arrivé de Lille dans un relatif anonymat, le milieu défensif Espoirs s'est fait un prénom, supplantant complètement son grand frère Bruno, à la dérive du côté de l'OM. Alors qu'il avait été recruté pour pallier la blessure de Tainio, il n'a plus quitté le onze de départ, sauf en fin de saison, sur quelques blessures. Formant une paire redoutable aux côtés de Violeau, il a su faire apprécier son pied gauche du public de l'Abbé Deschamps, pourtant réputé difficile.

MATHIS : l'éternel espoir de l'AJA a-t-il franchi un cap cette saison ? Difficile à dire. S'il a beaucoup joué (30 matches), il ne s'est pas imposé à un poste, se baladant entre les positions de 7,8 et 10. Il a toutefois semblé plus à l'aise en «8» , le poste de son grand ami, Benoît Cheyrou ! Toutefois, Mathis aura marqué cette saison par son but décisif contre l'Ajax. Entré à ¼ d'heure de la fin, il crucifia les Hollandais à la 86ème, d'un coup de tête rageur au premier poteau. Un grand exploit était en route. Très apprécié du public.

KABOUL et SAGNA : difficile de les séparer même s'ils ne sont pas issus de la même génération (respectivement 19 et 22 ans). Ces deux défenseurs ont symbolisé cette année la propension à sortir de nouveaux talents à la pelle des formateurs auxerrois. Sagna, le Bourguignon et Kaboul, le Lyonnais, ont su profiter des absences pour faire leur trou. Radet out de septembre à avril, Sagna n'a pas laissé filer sa chance, montrant qu'il n'avait pas grand chose à envier à son aîné, avec des qualités différentes, plus offensif. Quant à Kaboul, son incroyable potentiel physique rappelle Jean-Alain Boumsong. Toutefois, il lui reste encore beaucoup à apprendre, notamment à évacuer une certaine naïveté dans les duels.

Les déceptions

Bien évidemment, tout n'a pas été rose dans cette longue saison 2005. En premier lieu, l'ambiance semble avoir été par moments assez tendue, Cool et Violeau n'ayant pas manqué de dénoncer la création de clans. Il semble que le trio offensif africain (Akale, Kalou, Benjani) rechignait à défendre. Je serais tenté d'ajouter, surtout Kalou. On notera que la défense auxerroise n'est que la 17ème de L1et pas uniquement de la faute de ses défenseurs. De même, l'attaquant belge Luigi Pieroni, meilleur buteur de son championnat national en 2004, a semblé traîner sa peine tout au long de l'exercice, faute d'atomes crochus avec le génie ivoirien. Ensuite, il faut bien admettre que, comme chaque année, la fin de l'hiver a été difficile avec des mois de mars-avril digérés très difficilement. Certains critiquent le manque de turn over de Guy Roux. On notera toutefois que seuls deux éléments (Cool et Violeau) ont joué plus de 31 matches... «Les joueurs semblent avoir choisi leurs compétitions. Ce n'est pas bien mais c'est humain» subodorait quant à lui Guy Roux après une déroute à Lens (3-1). Tout ceci a conduit à une décevante 8ème place en L1. On regrettera aussi l'élimination à domicile par Caen en Coupe de la Ligue, une équipe caennaise qui a ensuite atteint la finale.

Individuellement, on regrettera donc les difficultés de Pieroni qui a montré par moments d'incroyables qualités de finisseur (Nantes deux fois, Toulouse, Boulogne) mais qui a rarement su sortir de son rôle de joker. On notera aussi la difficile dernière saison du Finlandais Tainio, en partance pour Tottenham. Après plusieurs saisons formidables, le Finlandais a été l'ombre de lui-même cette saison, s'offrant un rai de lumière contre Nîmes en demi-finale de Coupe (2-1, but victorieux). Enfin, on s'interrogera sur le capitaine Lachuer, moyen en début de saison, blessé ensuite, et finalement assez médiocre lors de son retour. Une réaction est attendue rapidement car à son âge (32 ans), les conclusions se font vite.

Le futur

L'AJA est cet été devant le plus grand tournant de son histoire : le départ de Guy Roux, du moins dans le domaine purement sportif. La manière dont elle digèrera ce manque, et une «démédiatisation» inéluctable sera décisive. De même, le challenge sportif de Jacques Santini est gigantesque. S'il ne démarre pas convenablement la saison, les comparaisons ne vont pas tarder à fleurir alors même que le départ (probable) de Kalou change pourtant sérieusement la donne. Les dirigeants lui offriront-ils les moyens de ses ambitions ?

Hormis Cool, Jaures a prolongé récemment son contrat et une offre a été soumise à Johan Radet. Le défenseur central guinéen Omar Kaalabane arrive de l'Espérance Tunis et au moins deux joueurs offensifs seront engagés, un côté droit et un dans l'axe. Evidemment, la rumeur Steve Marlet fait rage car qui dit Santini, dit Marlet, mais le salaire de l'ex-international pourrait l'empêcher de faire son retour en Bourgogne où il a déjà évolué de 96 à 00. Comme d'habitude, à Auxerre, tout se passe dans le plus grand secret et il est difficile d'obtenir des rumeurs fiables, l'arrivée de Santini en étant la meilleure preuve, les dirigeants ayant aiguillé la presse sur de mauvaises pistes, Lacombe, Remy et Blanc.

Guy Roux part toutefois en paix. Il devient l'entraîneur français qui a gagné le plus de Coupes de France (quatre, à égalité avec André Cheuva) et il signale même malicieusement. «Cette année, on a battu le record d'affluence en cumulé de l'Abbé Deschamps, c'est pas mal, non ?» Ah, Guy Roux et les chiffres... il nous manquera.

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