Trop génial pour n'être qu'humain, Zizou ? Cette hypothèse lancée après sa décision de revenir en équipe de France a agacé le Maître. Pourtant le doute persiste. Tentative d'explication et mise en lumière de ses principaux exploits.

«Mon frère m'a convaincu de revenir» ! Avec cette phrase, Zinedine Zidane a mis fin aux allégations affirmant sa connexion nocturne avec le Saint-Esprit. Non, Zizou n'est pas l'élu. Même s'il en a tout l'air ! Il n'est qu'un homme doué qui a beaucoup travaillé et cru en ses rêves de gamin. «Je jouais sans arrêt. Dans la rue, je n'avais pas d'obligation, je pouvais faire ce que je voulais avec le ballon. C'était du bonheur pur» , se rappelle-t-il. Un gamin qui voulait ressembler à son idole ; il a réussi. Il a l'élégance d'Enzo Francescoli. Et ce plus qui en fait un footballeur unique. Cette technique hors pair qui lui a permis les plus grands exploits. Pour ne pas décevoir ses proches, il a su forcer le destin en faisant parfois appel à l'irrationnel. Comme dans un rêve, Zizou a souvent réussi ses plus beaux coups d'éclat lorsque des paramètres affectifs ou historiques entraient en jeu. Sur le terrain, il pense et son corps exécute.

Premier but en L1

Lors de la saison 1990-1991, Zidane n'a que dix-huit ans mais joue déjà régulièrement avec l'AS Cannes de Jean Fernandez. «La première fois que je l'ai vu jouer, c'était avec le centre de formation. Il était le plus jeune, se rappelle Fernandez. Dès ses premiers ballons, j'ai vu qu'il était très très fort techniquement» . Près de deux ans après son premier match en D1 à Nantes, le 20 mai 1989, le jeune meneur de jeu déjà très prometteur marque son premier but lors de la phase retour du championnat, toujours contre Nantes, à la Boca. Anodin ? L'intéressé apporte un élément de réponse. «Je marque mon premier but le lendemain de ma première rencontre avec ma femme. Après, tout s'est enchaîné» raconte Zizou. Alors simple coïncidence ou signe du destin ?

Première sélection en Bleu

Pour sa première sélection en équipe de France, Zidane a frappé un grand coup. Le 17 août 1994, la France recevait la République Tchèque à Bordeaux, son club d'alors. Aimé Jacquet, promu à la tête de la formation à la place de Gérard Houllier, avait la charge de rebâtir une équipe compétitive après la bérézina d'un an plus tôt contre la Bulgarie. Mais l'équipe de France marquée psychologiquement balbutiait son football jusqu'à l'entrée en jeu de Zidane en milieu de deuxième mi-temps. Les Tchèques menaient alors 2-0. «Il y avait mes parents dans les tribunes de Lescure (aujourd'hui renommé stade Chaban-Delmas) pour la première fois» , se souvient Zidane. Dans son jardin et face à ses parents, il ne devait pas décevoir. Il n'a pas déçu.

Deux buts exceptionnels apportaient enfin la lumière aux Bleus. Deux coups de Maître ! Le premier but est exceptionnel d'audace, de maîtrise, de lucidité et de folie ! Un curieux mélange qui a eu un effet détonnant. Zidane récupérait le ballon à quarante mètres du but, effaçait deux défenseurs d'un tour de rein avant de décocher une frappe du gauche de trente mètres qui laissait tout le monde bouche bée. «Je suis un peu surpris de marquer un but comme ça, se rappelle l'intéressé. D'habitude, je ne frappe pas du gauche» . Coup de folie ou coup de génie ? La réponse arrivait quelques minutes plus tard quand Zizou récidivait de la tête sur un corner de Jocelyn Angloma. «Vraiment très rare de marquer de la tête» , commente après coup le héros du match. Comme si son envie de bien faire avait suffi à le hisser à un niveau exceptionnel. Ce soir là, Zizou le droitier a impressionné les observateurs. Il n'avait jamais réussi un doublé de sa vie, «même en espoir, cadet ou minime» .

Le Bétis s'en souvient encore

L'année 1995-1996 est marquée par les épopées européennes de Bordeaux en Coupe UEFA et du PSG, vainqueur de la Coupe des Coupes. Les Girondins partis de l'Intertoto devaient finalement échouer en finale face au Bayern Munich de Jean-Pierre Papin. En huitième de finale, Bixente Lizarazu, Christophe Dugarry et leurs collègues se retrouvaient dans l'arène, face aux 40 000 Andalous du Bétis Séville. «Avant le match, on disait que le gardien avançait souvent» , racontait modestement Zidane après le match. Il venait pourtant de réussir un lob exceptionnel de quarante mètres. D'une frappe limpide, il reprenait victorieusement un ballon égaré au milieu de terrain qui cherchait le chemin le plus court pour rejoindre le but du Bétis. Sous une pluie torrentielle, le missile prenait la forme d'un arc-en-ciel et retombait juste sous la barre du gardien insouciant. Un but décisif pour la qualification. «A savoir si c'est moi qui ai marqué ou si on m'a aidé» , Zizou n'a peut-être toujours pas eu la réponse. «Ca va tellement vite, on se demande comment c'est possible. Je me dis que j'ai été aidé quelque part. Par qui ?» En définitive, les Sévillans ne s'en sont pas remis, laissant aux Bordelais le plaisir d'affronter le Milan AC en quart de finale.

Milan AC aussi…

Lors du match retour face aux Italiens alors au sommet, le destin est une nouvelle fois intervenu en faveur de Zidane. Les Girondins avaient déjà remonté la moitié de leur retard pris au match aller (2-0), à San Siro, quand Zizou se présentait pour tirer un coup franc sur l'aile gauche. Sa frappe ricochait sur l'arbitre avant de retomber dans les pieds de Dugarry qui trompait Rossi. Comme si le coup franc raté avait été redressé par une force invisible ! Si l'arbitre n'avait pas dévié le ballon, Dugarry ne pouvait pas marquer ! Au lieu de ça, les Bordelais terrassaient les Milanais sur une nouvelle passe décisive de Zidane pour Dugarry (3-0). Grâce à leur exploit, les protagonistes entraient alors dans l'histoire du football français.

Premier buteur au Stade de France

Tout au long de sa carrière, Zidane a aidé les équipes pour lesquelles il a joué à écrire l'histoire du football. Mais ce n'est pas tout. Il a en plus réussi à inscrire son nom en haut des meilleures pages. Le 28 janvier 1998, les Bleus se présentaient pour la première fois au Stade de France. Face à l'Espagne invaincue depuis quatre ans, il était écrit que Zidane serait celui qui inscrirait le premier but dans le stade fraîchement construit. Sur un terrain gelé, Zizou l'opportuniste, reprenait habilement un ballon mal contrôlé par le gardien espagnol sur une frappe de trente mètres de Youri Djorkaeff. Un heureux présage à quelques mois de la Coupe du Monde, dans un stade devenu fétiche.

Finale du Mondial 98

«Qui conclue ? C'est toujours le plus fort» lâchait Jacquet admiratif. Lors de la Coupe du Monde en France, Zidane tardait à offrir aux Bleus un coup de génie décisif. Ca avait pourtant bien commencé, dès le premier match face à l'Afrique du Sud, à Marseille. Face à sa famille et ses amis venus au Vélodrome admirer l'enfant de la Castellane, la dimension affective augmentait encore lorsqu'il offrait le premier but des Bleus à son pote Dugarry. Une bonne entame de tournoi qui ne suffisait bien sûr pas à combler les sceptiques. Suspendu un temps, il a finalement attendu le meilleur moment pour marquer les esprits : la finale. Face au Brésil, il a inscrit ses deux premiers buts du tournoi, de la tête. Tout le monde s'en souvient ! La France remportait sa première Coupe du Monde avec un Zidane en état de grâce. «Une équipe ne peut gagner la Coupe du Monde sans avoir un génie» , explique Jacquet. Zidane est de ce rang. Comme Pelé, Maradona ou Ronaldo, il a permis à la France de toucher le Graal. Double buteur dans la plus prestigieuse des finales, dans son pays, Zizou a ébloui le Monde et gravé son nom dans le marbre. Il entrait alors au Panthéon des Dieux vivants et son visage illuminait l'Arc de Triomphe à Paris.

La Ligue des champions, objectif avoué

Quand il a débarqué à Madrid à l'été 2001, Zizou avait une envie toute particulière, gagner la Ligue des Champions. Battu deux fois en finale par Dortmund (1997) et le Real (1998) quand il évoluait à la Juventus Turin, il voulait à tout prix remporter la plus prestigieuse des compétitions de clubs. Les Merengue, qui ne l'avaient pas attendu pour décrocher le trophée en 1998 et 2000 accueillaient le joyau français à bras ouverts. En toute logique, le couple se qualifiait pour une nouvelle finale en 2002. Moment choisi par Zidane pour éblouir de nouveau son monde. Alors que Madrid et Leverkusen étaient à égalité 1-1, il a fait basculer le match en inscrivait le but de la victoire (2-1). Et quel but ! Sur un centre en cloche de Roberto Carlos, Zizou expédiait des dix-huit mètres une reprise de volée de rêve du gauche dans la lucarne allemande. Le maître a sorti son chef-d'oeuvre : le but rêvé par tous footballeurs ! Une reprise impossible, et pourtant lorsqu'il a préparé son geste, personne n'a douté de sa capacité à réaliser une telle folie. Peut-être était-il le seul à pouvoir réussir ? Sur le centre, Zizou a eu tout le temps de se positionner et de penser au geste qu'il voulait accomplir. Ensuite, son corps n'a fait qu'exécuter son désir. Comme dans ses rêves de gamin les plus fous.

L'Angleterre, dernière victime ?

L'Euro 2004 au Portugal a donné une nouvelle fois l'occasion au désormais légendaire Zinedine Zidane de montrer sa supériorité dans la maîtrise de son art. Ce match est encore dans les mémoires. Menés 1-0 lors du premier match du tournoi par les Anglais de David Beckham, les Bleus ont sauvé la face grâce à deux coups de baguette de leur chef d'orchestre. Maîtrisant également le suspense, il a attendu la dernière occasion du match pour que l'effet soit d'autant plus retentissant. A la 89', il convertissait de vingt mètres, le coup franc de la dernière chance. Il n'avait pas le choix, il n'a pas tremblé ! Finalement dans les arrêts de jeu, la France héritait d'un penalty et Zizou crucifiait les Anglais (2-1).

Bien sur, la liste n'est pas exhaustive. Elle donne néanmoins la possibilité à chacun de juger de la valeur de l'homme. Ses exploits nombreux, surpassent largement les défaites inévitables. «Dieu est footballeur» , a pour sa part lancé Thierry Henry pour accueillir le retour du prodige. Un retour qui lui offre la possibilité d'écrire une nouvelle page.

Palmarès

Vainqueur de la Coupe du Monde en 1998
Vainqueur du Championnat d'Europe en 2000
Vainqueur de la Coupe des Confédérations en 2001 et 2003
93 sélections en équipe de France, 26 buts marqués

Vainqueur de la C1 en 2002 (Real Madrid)
Vainqueur de la Coupe Intercontinentale en 1996 (Juventus Turin), 2002 (Real Madrid)
Vainqueur de la Super Coupe d'Europe en 1996 (Juventus Turin), 2002 (Real Madrid)
Finaliste de la C1 en 1997, 1998 (Juventus Turin)
Finaliste de la C3 en 1996 (Bordeaux)

Champion d'Italie en 1997, 1998 (Juventus Turin)
Vainqueur de la Super Coupe d'Italie en 1997 (Juventus Turin)

Champion d'Espagne en 2003 (Real Madrid)
Finaliste de la Coupe d'Espagne en 2002, 2004 (Real Madrid)

Premier buteur au Stade de France en 1998
Elu Ballon d'Or européen en 1998 (Juventus Turin)
Elu meilleur joueur de l'année par la FIFA en 1998, 2000 (Juventus Turin), 2003 (Real Madrid)
Elu meilleur joueur européen des 50 dernières années par l'UEFA
Elu meilleur joueur de la C1 2001-2002 (Real Madrid)