Trois points et puis c'est tout. Tout ce qu'il y a à retenir du match que l'équipe de France a livré à Nicosie face à Chypre (2-0). Loin de rassurer, les Bleus ont une nouvelle fois montré leurs limites, leur victoire ne devant en rien cacher les nombreuses lacunes qui subsistent.

Les enjeux de la rencontre

L'équipe de France ne doit plus se voiler la face. Une victoire à Chypre et les doutes seraient levés, du moins pour un temps. Un énième match nul ou pire, une défaite face aux 101ème du classement FIFA et la crise éclaterait. L'équipe de France marche donc sur des oeufs, une situation que reconnaît le capitaine français, Patrick Vieira. «Notre situation sera difficile si on ne gagne pas» . Quant à Raymond Domenech, il préfère ne pas imaginer une contre-performance des siens. «Il faut gagner, on y va pour ça, mais on fera les constats à la fin. Je ne sais pas ce qui se passera pendant le match ! En revanche, j'imagine ce qui peut se passer après» . Les Bleus peuvent toutefois compter sur un clin d'oeil du destin. Après une difficile victoire face aux Chypriotes il y a deux ans (2-1), les Bleus de Santini avaient en effet posé les bases d'une nouvelle aventure. Et comme en 2002, au sortir d'une Coupe du Monde désastreuse, l'équipe de France doit trouver le déclic, trouver enfin la formule magique qui lui permettrait de se relancer. Car avec cinq points glanés en trois matches dont seulement deux à domicile, le bilan de l'équipe de France n'est pour le moment pas glorieux. Certes cette équipe est en reconstruction et aimerait avoir le temps de repartir sur des bases saines. Mais à l'image de leur capitaine, les hommes de Raymond Domenech savent qu'ils doivent tout de suite se redresser. «L'équipe de France est en reconstruction et il va nous falloir du temps pour que tout le monde, l'entraîneur, les joueurs, s'adapte. Le problème, c'est que du temps, on n'en a pas» confiait ainsi Patrick Vieira. Certes, nombre de ses cadres historiques se sont envolés. Mais il ne sert à rien de ressasser sans cesse et l'équipe doit désormais aller de l'avant sans se retourner vers le passé. Certes, les grosses écuries européennes semblent marquer le pas ces derniers temps. Mais l'équipe de France ne doit plus se chercher d'excuses et aller prendre à Nicosie les points qu'elle a perdu sur ses terres du stade de France. Et pour cela, l'attaque tricolore devra faire parler la poudre et Thierry Henry, notamment, associé à Péguy Luyindula, retrouver son efficacité. Car avec deux réalisations en trois rencontres, la pointe française, pourtant fournie des attaquants parmi les plus rapides et les plus efficaces d'Europe, peine à trouver son rythme de croisière… Mais c'est au milieu que l'on attend les changements les plus significatifs. Brillant par son absence samedi dernier face à l'Eire, Patrick Vieira est attendu comme le Messie afin de redonner toute sa force au milieu de terrain tricolore au sein duquel l'intégration du Bordelais Mavuba puis du Lensois Diarra n'aura pas convaincu. Le Gunner devrait de plus retrouver Olivier Dacourt, un temps incertain mais qui tiendra bien sa place sur le terrain. Enfin, il faudra espérer que la défense française reste sur la bonne dynamique qui est la sienne depuis trois matches, la paire Squillaci-Givet ayant, pour l'instant, donné entière satisfaction. Quoiqu'il en soit, l'équipe de France devra faire preuve de solidarité et d'envie afin de dépasser peurs et doutes et montrer qu'ils ont faim de victoire.

Largement favorite sur le papier, l'équipe de France devra toutefois se méfier de l'équipe chypriote. Bien que largement défaits par l'Eire lors de leur premier match (0-3), les hommes de Vukotic ne doivent pas être pris à la légère par les joueurs tricolores. Lors de l'Euro 2004, les Français avait en effet regretté la tactique adoptée par certains de leurs adversaires, qui avaient la fâcheuse tendance à rester dans leur moitié de terrain, se contentant souvent de défendre et de profiter des situations de contre. Un schéma de jeu peu propice au développement d'attaques rapides qu'affectionnent les attaquants français. Or, l'entourage de Raymond Domenech le sait, Chypre n'est pas une équipe qui prône l'attaque à tout-va. «C'est une équipe bien en place, qui attend l'adversaire» précisait ainsi Pierre Mankowski, adjoint du sélectionneur tricolore. L'équipe de France devra donc emballer le match, fatiguer l'adversaire afin de se créer des espaces et développer des attaques assassines. Car avant-dernière du groupe 4 avec un petit point obtenu face aux Iles Féroé, l'équipe chypriote a déjà encaissé sept buts en trois rencontres. La défense chypriote reste donc très friable et largement prenable pour une équipe de France qui, plus que la victoire, doit également soigner son goal-average. Sans demander aux Bleus d'aujourd'hui de réitérer l'exploit qu'avaient accompli les ceux de 1980, une large victoire leur permettrait de reprendre confiance et surtout de réaliser une belle opération comptable.

Les faits de la rencontre

- L'équipe de France ne tarde pas à se montrer dangereuse. Peu après l'entame du match, Luyindula lance Pirès sur le côté gauche. Le Gunner déborde puis centre au point de penalty pour son ancien coéquipier, Sylvain Wiltord. Le Lyonnais est devancé par le gardien chypriote qui récupère la balle (2'). Les Français semblent décidés à mettre le feu.

- Les Chypriotes prennent peu à peu confiance. Sur une contre-attaque, Constantinou passe un Silvestre peu en vue en ce début de match et réussit à centrer devant les buts de Barthez. Le petit attaquant Okkas saute mais il est trop court et ne peut reprendre de la tête (18').

- Si les Français dominent territorialement, les Chypriotes se montrent de plus en plus dangereux. Une nouvelle fois sur un contre, Okkas, idéalement lancé dans le dos de la défense française, se présente seul face à Barthez et tente sa chance du droit. Le gardien olympien, bien sur ses appuis, sauve une première fois la patrie mais le ballon revient dans les pieds d'Okkas qui tire cette fois du gauche. Le divin chauve repousse une nouvelle fois le cuir que Constantinou tente à son tour de projeter au fond des filets tricolores. Heureusement pour les Bleus, Barthez est impérial et sauve une troisième fois la maison France (24').

- Les hommes de Raymond Domenech peinent à approcher du but chypriote. A l'entrée de la surface de Panayiotou, Thierry Henry obtient toutefois un bon coup-franc sur la gauche. Le Gunner se fait justice lui-même et tire le coup de pied arrêté qui frôle le montant droit du portier chypriote (29').

- Visiblement tendus et agacés, les joueurs tricolores peinent à mettre du rythme dans la partie. Mais impossible n'est pas français et sur une superbe action collective, l'équipe de France va enfin réussir à prendre la défense chypriote à revers. Amorcé par Péguy Luyindula, le mouvement rebondit grâce à Robert Pirès qui, à gauche, décale pour le capitaine Vieira dans la surface. Toujours à une touche de balle, le Gunner décale lui-même Wiltord sur la droite. Le Lyonnais contrôle puis adresse un tir violent du droit qui passe entre les jambes de Panayiotou et finit au fond des filets chypriotes (1-0, 38'). Soulagement pour des Bleus encore bien pâles !

- Peu à la fête depuis le début de la rencontre, les Bleus semblent avoir repris des couleurs. A peine le ballon remis en jeu, les Tricolores se ruent à nouveau à l'attaque. Bien servi dans la surface, Péguy Luyindula tente sa chance d'un tir puissant mais trouve le portier chypriote sur son chemin. Patrick Vieira récupère la balle et frappe à son tour mais le cuir s'échappe du cadre (40').

- La seconde mi-temps reprend sur les mêmes bases que la première, les Français étant visiblement décidés à repartir de l'avant. Au milieu de terrain, Olivier Dacourt récupère la balle et sert Luyindula qui tire sur Panayiotou. Le portier chypriote repousse mais dans la continuité de l'action, un de ses défenseurs remet Luyindula en jeu. Le ballon rebondit sur le Marseillais qui, surpris, ne peut esquisser un geste et voit le ballon filer en sortie de but (47').

- Les Chypriotes ne lâchent rien et obtiennent leur premier corner de la partie. Constantinou tente de placer sa tête mais trouve une nouvelle fois les poings de Fabien Barthez indéboulonnable (50').

- Le match a perdu toute intensité, les Français, monopolisant le ballon mais ne se montrant pas véritablement dangereux. Profitant de quelques errements de la défense tricolore, ce sont même les Chypriotes qui vont se montrer dangereux. Makrides déborde sur la gauche puis centre au second poteau pour Georgiou étrangement seul. A cinq mètres de Barthez, le Chypriote tente la reprise de volée qu'il rate totalement (68').

- Face à des Chypriotes encore capables de revenir au score, les Français aimeraient se mettre à l'abri mais ne se ruent pourtant pas à l'attaque. Sur un bon pressing de Henry, Dacourt récupère la balle à 30 mètres du but. Le Romain s'avance puis sert Thierry Henry sur la gauche de la surface. De l'extérieur du pied droit, le Gunner frappe au but et libère le camp français en inscrivant le deuxième but tricolore de la soirée (2-0, 71').

- Comme après leur premier but, les Français tentent d'enfoncer le clou. Bien servi côté droit, Daniel Moreira contrôle dans la surface puis frappe au but mais se heurte au portier chypriote bien placé (76').

- Les Chypriotes n'abdiquent pas. Makrides, toujours très remuant sur son côté gauche, centre au point de penalty pour Lambrou qui s'élève au-dessus de Squillaci et reprend de la tête. Heureusement pour les Tricolores, le poteau droit de Barthez vient suppléer le gardien marseillais (80').

- Bien servi sur le côté droit de la surface, Daniel Moreira se trouve à nouveau en bonne position pour frapper. Mais au lieu de tenter la frappe, le Toulousain centre devant le but au second poteau. Malheureusement pour l'équipe de France, personne n'est à la réception de la balle que les Chypriotes peuvent récupérer (83').

La prestation de la France

Les Français ont entamé la première période de la rencontre tambour-battant. Visiblement volontaires, décidés à mettre le feu au match et à la défense chypriote, les joueurs tricolores semblaient avoir retrouvé force et talent. Mais l'illusion n'a duré que l'espace de quelques minutes, le temps pour les Chypriotes de rentrer dans le match. Presque flamboyants durant les trois ou quatre premières minutes de la rencontre, les hommes de Raymond Domenech se sont ensuite éteints, allumant ici et là quelques pétards souvent bien mouillés. Pire même, ce furent les Chypriotes qui se créèrent la première véritable occasion dangereuse du match. Sans un Barthez d'un autre monde, la France aurait pu couler corps et biens dès la demi-heure de jeu. Entraînés dans un faux rythme par des Chypriotes jouant bien le coup, les Bleus ne sont pas parvenus, durant une grande partie de la première période, à dynamiser le jeu. Et sans mouvement, il est naturellement difficile de percer une défense adverse bien en place. Heureusement pour les Tricolores, Sylvain Wiltord, une nouvelle fois décisif a conclu une superbe action collective comportant tous les ingrédients qui ont manqué à l'équipe de France en première mi-temps. Vitesse, percussion et confiance. Trois éléments de jeu que les Français seraient bien heureux de montrer plus souvent… La deuxième mi-temps fût à l'image de la première. Un début tonitruant, quelques bonnes premières minutes puis un essoufflement tangible. Face à des Chypriotes volontaires, agressifs et déterminés, les Bleus ont eu du mal à remonter le ballon. Profitant ensuite d'une baisse de régime chypriote et d'une supériorité technique et physique, les hommes de Raymond Domenech sont toutefois parvenus à doubler la mise, se contentant, en toute fin de match de gérer. Mais il ne faut pas se leurrer et penser que cette victoire 2-0 va faire oublier toutes les lacunes montrées par l'équipe de France. Sans génie, les Bleus ont surtout brillé par leur réalisme. Face à des Chypriotes bien en place, ils auraient pu laisser échapper un match pourtant largement à leur portée si Barthez et la chance ne les avaient pas soutenus à bout de bras. Le chemin est encore long pour l'équipe de France qui devra à tout prix hausser considérablement son niveau de jeu si elle veut à nouveau briller au haut niveau international.

Que ferait l'équipe de France sans Fabien Barthez? Décisif face à l'Eire, il a sans nul doute été l'homme du match face à Chypre. Pour preuve ce triple arrêt à la demi-heure de jeu qui sauve la patrie de l'ouverture du score. Pour l'instant sur l'Olympe, il faut espérer, pour l'équipe de France, qu'il ne redescende pas de son petit nuage. La défense mérite quant à elle moins de louanges. Si Givet et Squillaci ont encore montré une bonne solidité, William Gallas a semblé éteint, ne participant pas, comme à son habitude à l'animation offensive. Quant à Mikaël Silvestre, sa prestation reste dans la lignée de celle qu'il fournit depuis plusieurs matches en équipe de France. Il accumule les pertes de balle et les mauvaises passes mais faillit également dans le marquage, permettant ainsi à ses adversaires de trouver des failles dans la défense française. Très médiocre en première mi-temps, il a commis moins d'erreurs en seconde mais reste très loin de son niveau optimal. Patrick Vieira et Olivier Dacourt ont de leur côté bien tenu la baraque, le Romain réalisant un deuxième très bon match, notamment dans la récupération, malgré une douleur au genou. S'imposant physiquement, Sylvain Wiltord a lui aussi fait preuve de grandes qualités et opère un très bon retour en équipe de France. Côté gauche, Pirès sorti, Daniel Moreira a pu montrer quelques belles montées, manquant toutefois de lucidité de réalisme. Enfin, si l'attaque française marque deux buts ce soir, on ne l'aura guère vue. Si Péguy Luyindula a beaucoup bougé tout au long de son match, apportant un véritable plus à l'équipe, notamment dans l'organisation du jeu, on a moins vu Thierry Henry. Enfin buteur avec les Bleus, le Gunner n'a pas été aussi cinglant que face à l'Eire.

La prestation de Chypre

Mis à mal dès le début du match, les Chypriotes n'ont pas semblé s'affoler. Laissant passer l'orage, ils sont peu à peu sorti de leur coquille défensive pour se montrer de plus en plus dangereux. Sans faire d'étincelles, les hommes de Vukotic, bien organisés, sérieux et concentrés ont joué leur jeu sans s'affoler, leur défense à cinq leur permettant de bien museler les attaquants français. Mais plus qu'un bon collectif et qu'une charnière défensive solide, les Chypriotes ont également fait preuve d'une bonne qualité de remontée de balle, se procurant notamment une superbe triple occasion à la demi-heure de jeu. Très loin d'être ridicules en première période, les hôtes de l'équipe de France ont fait trembler les Bleus sur leurs bases et auraient pu créer l'exploit sans un Fabien Barthez ultra-décisif. A la reprise, les Chypriotes gardaient confiance, forts de leur bonne première période et du seul et unique but de retard. Tentant de mettre du rythme dans leur jeu, ils se sont toutefois un peu essoufflés au fur et à mesure des 45 dernières minutes. Mais ne lâchant rien jusqu'au bout, ils auront eu le mérite de tenter, de croire en leur chance. Malheureusement pour eux, Fabien Barthez et son poteau droit auront eu raison d'eux. Pêchant par manque de réalisme, ils auraient pu concrétiser leurs périodes de domination. Quoiqu'il en soit, loin d'être ridicules, loin d'être une «petite équipe» , l'équipe de Chypre n'a pas à rougir de sa performance.

Comme l'équipe de France, l'équipe chypriote dispose d'un très bon gardien. Bien que trompé à deux reprises, Panayiotou a écarté plusieurs ballons chauds de ses cages, permettant aux siens de toujours conserver l'espoir de revenir au score. La défense chypriote dans son ensemble n'a pas non plus à rougir, cédant sur des phases de jeu de l'équipe de France (enfin) rapides. Mention spéciale à Georgiou, ovationné par le public à sa sortie. Au milieu, l'entrée de Makrides à la place de Charalambides a fait beaucoup de bien à l'équipe chypriote. Vif et rapide, ses débordements sur la gauche et ses centres précis dans la surface de réparation ont posé beaucoup de problèmes à la défense française. Enfin, Okkas a lui aussi fait la démonstration de belles qualités de vitesse et s'est montré dangereux à de nombreuses reprises.

Sur le plan comptable, l'opération est bonne. Premiers ex aequo avec l'Eire vainqueur des îles Féroé (2-0), l'équipe de France se replace dans la course à la qualification. Cependant, la prestation de l'équipe de France ne rassure en rien. Mais après tout, l'essentiel n'était-il pas de prendre les trois points ?

La fiche technique

Chypre 0 - 2 France (0-1)
GSP stadium de Nicosie
Arbitre : M. Larsen (Danemark)
Buts : Wiltord (38’), Henry (71’)
Avertissements : Charalambous (57’) - Silvestre (26’)

Les équipes :

Chypre : Panayiotou – Nicolaou (Lambrou, 77’), Kakoyiannis, Okkarides, Georgiou (Yiasemaki, 82’), Elia – Charalambides (Makrides, 56’), Charalambous, Satsias – Okkas, Constantinou

France : Barthez – Gallas, Squillaci, Givet, Silvestre – Wiltord, Vieira, Dacourt (Diarra, 90+1), Pires (Moreira, 46’) – Luyindula (Evra, 66’), Henry