"Allez
qui c'est les plus forts? Evidemment, c'est les Verts", tel est le refrain
du milieu des années 70. L'épopée verte se construit
en Coupe d'Europe et également en championnat et en Coupe avec deux
doublés consécutifs en 73-74 et 74-75.
1974-75 : AS Saint-Etienne
Bilan : 38mj, 23v, 6n, 9d, 70bp,
39bc, +31 <br>
Equipe-type : Curkovic - Janvion,
Piazza, Lopez, Farison - Larqué, Bathenay, Synaeghel - P.Revelli,
H.Revelli, Triantafilos. Entr. : Herbin
Effectif : Bathenay(32), Bereta(19),
Cazes(1), Curkovic(38), Farison(27), Herbin(1), Janvion(22), Lacuesta(1),
Larios(1), Larqué(33), Lopez(37), Merchadier(17), Piazza(36), Repellini(19),
H.Revelli(35), P.Revelli(28), Rocheteau(4), Santini(19), Sarramagna(10),
Synaeghel(28), Triantafilos(29)
Meilleurs buteurs : H.Revelli 14
buts (13ème), Triantafilos 11 buts (24ème)
Après quatre titres consécutifs
de 1967 à 1970 (cf. ASSE
1969-70), l'AS Saint-Étienne connaît une saison 1970-71
éprouvante. L'équipe est en fin de cycle, le courant ne passe
plus entre les joueurs. L'entraîneur, Batteux, et le président
Rocher ne sont plus sur la même longueur d'onde. Alors l'imbroglio
du transfert de Carnus et Bosquier pour l'OM en cours de saison et leur
licenciement ne sont qu'une faille de plus dans la maison stéphanoise
en déliquescence. Saint-Etienne perd le titre au profit de Marseille,
il faut tout reconstruire. La saison suivante est considérée
comme une saison de transition. En plus de Bosquier et de Carnus, l'ASSE
perd Hervé Revelli (Nice) et Durkovic (Sion) et ne se classe que
sixième.
Le premier véritable changement
prend forme au cours de la saison 1971-72, Batteux laisse petit à
petit sa place à Robert Herbin. A trente-trois ans, celui-ci hésite
à passer le cap mais finalement, Rocher réussit à
le convaincre, il est l'homme de la situation dans la lignée de
Snella ou de Batteux. Il lui faut une équipe de qualité,
c'est ici qu'interviennent Rocher et le manager, Pierre Garonnaire. Ils
réutilisent les armes qui leur avaient permis de fonder la grande
équipe des années soixante. Ils se débarrassent de
joueurs sur le déclin comme Salif Keita. Ils conservent trois joueurs
au sommet de leur gloire, Farison, Larqué et Béréta
qui insufflent les valeurs stéphanoises. La génération
des jeunes, dont ceux vainqueurs de la Coupe Gambardella en 1970, vient
se greffer. Lopez, Santini en défense, Bathenay, Synaghael en milieu
et Patrick Revelli prennent peu à peu contact avec la première
division. A une époque où la formation débute à
peine, Saint-Étienne grâce à Garonnaire a énormément
d'avance en allant chercher des jeunes de dix-sept, dix-huit ans dans les
clubs amateurs et en les faisant s'aguerrir en équipe réserve.
La venue de Janvion depuis la Martinique en est le parfait exemple. Enfin,
ils manquent des étrangers de métier. Le gardien de l'ASSE
est Yougoslave, Yvan Curkovic vient du Partizan de Belgrade et s'impose
vite comme un gage de sécurité. Un massif argentin, Oswaldo
Piazza provient de Velez Sarsfield mais connaît de gros problèmes
d'adaptation. La saison 1972-73 marque le redressement des Verts qui terminent
quatrième à neuf longueurs du FC Nantes. Herbin, plus jeune
entraîneur de l'hexagone, est un véritable meneur d'homme
qui réussit à tirer la quintessence de son groupe. En 1973-74,
il a la merveilleuse idée de déplacer Piazza, en proie au
doute, au poste de stoppeur. La charnière Piazza-Lopez devient la
meilleure de France. En milieu de terrain, Larqué accroît
singulièrement son volume de jeu. Hervé Revelli est de retour
au club. Associé à son frère Patrick et à Béréta
en attaque, ils forment un trio incomparable. L'ASSE remporte le premier
match de la saison chez le rival marseillais, se place rapidement à
la tête du classement pour ne plus la quitter. une victoire en Coupe
face à Monaco assure un troisième doublé en six ans
au club.
Pour la saison 1974-75, Rocher ne
change pas une équipe qui gagne. Seul un ailier grec, Triantafilos,
signe pour l'ASSE. Le parcours de Saint-Étienne en Coupe des Clubs
Champions passe alors au premier plan. En novembre, les Verts retournent
une situation compromise face à Hadjuk Split en s'imposant par cinq
buts à un après prolongations au match retour. L'équipe
gagne une âme de combattant et l'estime de la France entière.
En quart, elle écarte les Polonais de Chorzow avant de chuter face
à l'intouchable Bayern de Beckenbauer en demi-finale. Il est difficile
de lutter sur plusieurs tableaux et Saint-Étienne l'apprend à
ses dépends. Après huit journées, les Stéphanois
sont à six points de Reims. En décembre, Marseille rejoue
le coup de Bosquier-Carnus en annonçant le transfert mirobolant
du capitaine stéphanois, Béréta. Rocher fait pression
puis chasse Béréta comme un paria. Ce nouvel aléa
renforce la cohésion des Verts. Triantafilos monte en puissance
et remplace parfaitement Béréta. Saint-Étienne grignote
son retard sur l'OM et le 3 mai, le match entre les deux clubs est décisif
puisque Marseille ne possède plus qu'un point d'avance avec deux
matches de plus. A Geoffroy-Guichard, les Phocéens dominent la première
période avec un but de Paulo César. Au retour des vestiaires,
Patrick Revelli égalise puis en cinq minutes, Lopez, Larqué
et Bathenay détruisent la muraille marseillaise. Quatre buts à
un, cette victoire est synonyme de titre. Saint-Étienne termine
l'année en roue libre. Herbin, pour le dernier match face à
Troyes, se fait plaisir en s'intégrant dans l'équipe et en
marquant un but sur penalty. Le triomphe est total surtout que Larqué,
d'une volée magistrale, offre le deuxième doublé consécutif
à Saint-Étienne face aux coriaces Lensois en finale de la
Coupe. Cet exploit n'a jamais été égalé à
ce jour!
1975-76 est la saison de la consécration
européenne. Les Verts multiplient les exploits face aux Glasgow
Rangers, au Dynamo de Kiev ou au PSV Eindhoven. En cours de route, un jeune
joueur, Dominique Rocheteau se révèle et devient "l'Ange
vert". La belle aventure s'achève en finale, à Glasgow, face
au Bayern, sur les maudits poteaux carrés. Une foule nombreuse suit
pourtant la descente des Champs-Elysées effectuée par les
héros de tout un pays. Saint-Étienne s'empare plus difficilement
du titre et abandonne la Coupe. La Coupe 1977 est d'ailleurs le dernier
trophée gagné par cette génération dorée.
Roger Rocher doit à nouveau reconstruire. Les temps ont changé,
la formation des jeunes s'est généralisée, Saint-Étienne
n'attire plus forcément les meilleurs espoirs. Il faut recruter
et casser la tirelire. Michel Platini et Johnny Rep sont achetés
à prix d'or. La formule n'est gagnante qu'à une reprise en
1981 avec le titre de champion, c'est aussi le dernier. En 1982, après
un échec en finale de Coupe face au PSG, Platini part pour Turin.
Rocher tire sa révérence avec un bilan inégalé
de neuf titres et six Coupes en tant que président. L'affaire de
la "Caisse noire" le poursuit déjà. La politique d'achat
de joueurs de la part de Rocher est épinglée. Il a détourné
de l'argent et a laissé un passif financier énorme. La vente
des meilleurs éléments est inéluctable, Saint-Étienne
plonge en D2.
Après quinze années
de vicissitudes traduites par une place de quatrième en 1988 et
par une descente en National évitée de justesse en 1997 et
1998. L'ASSE arrive à éponger son passif. Le trio Bompard,
Soler, Nouzaret, redonne enfin des couleurs aux Verts.
Vivian Massiaux