Un
homme, le président Leclerc, construit le grand Olympique de Marseille
du début des années 70. Il réussit son pari et le
stade Vélodrome chavire devant les performances des extraordinaires
Skoblar et Magnusson.
1971-72 : Olympique de Marseille
Bilan : 38mj, 24v, 8n, 6d, 78bp,
37bc, +41
Equipe-type : Carnus - Lopez, J.Zvunka,
Bosquier, Kula - Novi, Gress - Magnusson, Bonnel, Skoblar, Couecou. Entr.
: Leduc puis Zatelli
Effectif : Bonnel(30), Bosquier(35),
Bracci(3), Carnus(38), Couecou(32), Courbis(2), DiCaro(15), Emon(1), Gress(36),
Hodoul(27), Kula(36), Leclercq(2), Lopez(29), Magnusson(32), Novi(37),
Skoblar(31), Tokoto(1), Verdonk(8), J.Zvunka(37)
Meilleurs buteurs : Skoblar 30 buts
(1er), Couecou 13 buts (18ème)
Emanation du FC Marseille, du Sporting
Club et de l'US Phocéenne, l'Olympique de Marseille débute
dans le monde du... rugby en 1899. Il faut attendre 1902 et la pression
des Anglais de Marseille pour que le football s'installe au sein du club.
L'Olympique de Marseille obtient très rapidement de bons résultats
mais bute jusqu'à la première guerre mondiale sur les rivaux
marseillais du Stade Helvétique.
Marseille amorce sa grande histoire
d'amour avec la Coupe de France en 1924 et devient le premier club de province
à s'en emparer. Le président Dard, patron d'une entreprise
de confection, crée une formidable équipe de faux amateurs
en débauchant les Parisiens Boyer, Crut, Dewaquez. Le professionnalisme
étant interdit, les joueurs occupent des emplois de complaisance
qui leur assurent des revenus confortables. Le club s'engage dans le championnat
professionnel dès sa création en 1932. En 1936-37, Marseille
remporte son premier titre après une fin de parcours époustouflante.
En 1938, le mythique Stade Vélodrome devient l'antre des Marseillais.
Les années d'avant guerre, avec des éléments tels
que Zatelli, Aznar ou le gardien Brésilien Vasconcellos, portent
Marseille au firmament du football, l'OM peut ainsi s'enorgueillir d'un
titre, de deux places de second et de cinq Coupes. La guerre n'arrête
pas l'ogre phocéen, dès 1948, un nouveau titre tombe dans
l'escarcelle grâce à un effectif à forte consonance
nord-africaine. Avec le départ du président Dancausse en
1949, la valse des dirigeants est lancée, Marseille en souffre et
s'écroule petit à petit. Le buteur suédois Gunnar
Andersson fait rêver la Canebière mais est également
l'arbre qui cache la forêt. Son transfert en 1959 coïncide avec
la descente de l'OM en D2. Le purgatoire dure jusqu'en 1965. Marcel Leclerc,
magnat de la presse, promet le retour de son club parmi les grands. Pour
cela, il met la main à la poche et obtient l'aide inattendue de
la municipalité conduite par Gaston Deferre. Marseille rejoint la
D1 en 1966, gagne la Coupe en 1969 et termine deuxième derrière
les intouchables stéphanois en 1970. Le pari est en partie réussi,
il manque le titre de champion pour combler Leclerc.
En 1970-71, l'Olympique de Marseille
peut enfin croire en sa bonne étoile en accrochant Saint-Etienne
tout au long de la saison. Les attaquants vedettes, le Suédois Magnusson,
digne successeur d'Andersson et le Yougoslave Skoblar mettent le feu au
défense. A sept journées de la fin, les équipes sont
à égalité parfaites lorsque Leclerc enclenche une
véritable bombe. Il annonce le transfert des Stéphanois Carnus
et Bosquier pour l'été suivant. Roger Rocher, le président
stéphanois, est furieux, il licencie ses deux joueurs, les Verts
se désorganisent et sombrent. Marseille met un terme à l'hégémonie
stéphanoise. Skoblar inscrit un total record de quarante-quatre
buts dans la saison, devance Keita de deux longueurs et remporte le Soulier
d'or européen.
La saison 1971-72 est celle de l'OM.
Les arrivées confirmées du gardien Carnus et du défenseur
Bosquier renforcent l'équipe qui est très supérieure
à ses concurrentes. La défense devient aussi impressionnante
que l'attaque et Marseille survole le championnat dès la quatrième
journée. Carnus, Bosquier et Zvunka dominent leur sujet en défense.
En milieu de terrain, Novi et Gilbert Gress alignent les bonnes performances
comme des métronomes. Quant à l'attaque, elle est tout simplement
l'une des plus efficaces et des plus spectaculaires de l'histoire du championnat.
Le Suédois Magnusson virevolte et sert idéalement "l'aigle
dalmate" Josip Skoblar qui termine encore une fois meilleur buteur avec
trente buts au compteur. Un attaquant français, Couecou, s'affirme
comme la deuxième menace devant les buts adverses. Marseille est
la meilleure formation de l'hexagone, s'empare du titre avec cinq points
d'avance sur son dauphin Nîmes, gagne un record de douze matches
sur dix-neuf à l'extérieur et réalise le premier doublé
de son histoire grâce à Skoblar qui perfore l'héroïque
défense bastiaise en finale de la Coupe. Marcel Leclerc est aux
anges et son comportement est décrié. Il vire sans motif
apparent l'entraîneur Lucien Leduc en mars alors que son club caracole
en tête du championnat et le remplace par Zatelli. Un an auparavant,
il avait effectué l'opération inverse. Son duel avec son
ennemi le président stéphanois Roger Rocher tourne au ridicule.
Les deux hommes multiplient les phrases déplacées, se traînent
en justice. Les matches Marseille-St-Etienne prennent une tournure particulière.
Les Verts, rentrés dans le rang en cette saison 71-72, mettent un
point d'honneur à battre deux fois Marseille par 3-2 au Vélodrome
et 2-1 à domicile, Rocher jubile et triple la prime de ses joueurs
mais Marseille et son président restent les grands triomphateurs
de l'année.
La folie des grandeurs du président
Leclerc le conduisent à vouloir régenter l'ensemble du football
français. Il veut imposer la présence d'un troisième
étranger et menace de ne pas inscrire l'OM en championnat. Le Comité
directeur de son club le désavoue, Leclerc est chassé de
son poste et remplacé par Gaillant puis Méric. L'Olympique
de Marseille perd un peu de son âme et de sa folie. Malgré
une victoire en Coupe en 1976, la crise financière se fait jour...
Vivian Massiaux