L'AS
Saint-Étienne domine le championnat de 1967 à 1970. Cette
glorieuse tétralogie se termine en point d'orgue en 1970 avec un
second doublé pour l'équipe qui restera, peut-être,
comme la plus belle de l'histoire du championnat.
1969-70 : AS Saint-Etienne
Bilan : 34mj, 25v, 6n, 3d, 88bp,
30bc, +58
Equipe-type : Carnus - Durkovic,
Herbin, Bosquier, Polny - Larqué, Jacquet - Parizon, H.Revelli,
Keita, Béréta. Entr. : Batteux
Effectif : Bereta(33), Bosquier(34),
Broissart(15), Camérini(22), Carnus(30), Durkovic(24), Farison(10),
Herbin(18), Jacquet(23), Keita(31), Larqué(28), Migeon(4), Mitoraj(20),
Parizon(12), Pelletier(3), Polny(28), H.Revelli(31), P.Revelli(1), Samardzic
(15)
Meilleurs buteurs : H.Revelli 28
buts (1er), Keita 21 buts (3ème)
Geoffroy Guichard, épicier
de son état, rachète, en 1860, le casino lyrique de Saint-Étienne
pour en faire un magasin d'alimentation. A partir de 1898, les succursales
"Casino" se multiplient et un club de sport, au sein de la société,
voit le jour en 1920. Pierre Guichard, fils de Geoffroy, adhère
immédiatement à l'AS Casino. Entre 1920 et 1933, le club
change plusieurs fois de patronyme. l'Amicale Sporting Club puis l'Association
Sportive Stéphanoise laissent la place à l'AS Saint-Étienne
lorsque Pierre Guichard, devenu président, tente l'aventure professionelle.
L'AS Saint-Étienne fait ses
premières armes en D2 lors de la saison 1933-34 et manque d'un rien
l'accession en D1. Ce n'est que partie remise puisque les Stéphanois
arrivent à leurs fins en 1938, la ville est déjà éprise
de football avec dix mille spectateurs de moyenne. Pierre Guichard forme
une équipe de mercenaires ce qui permet à Saint-Étienne
d'accrocher la quatrième place pour sa première saison en
D1. La guerre passe et les Verts créent la surprise en 1945-46 en
se positionnant comme dauphin des intouchables Lillois. Snella, Garonnaire,
Firoud, Huguet, Amar, Cuissard sont les fers de lance de l'équipe.
D'ailleurs, en 1950, Jean Snella, fils de mineur polonais, originaire du
Nord, devient entraîneur du club sur la demande de Pierre Guichard.
Il met alors sept ans pour trouver la formule gagnante. Il doit composer
avec de jeunes joueurs dégottés dans les clubs amateurs par
Pierre Garonnaire. Les frères Tylinski, Ferrier, Goujon, Peyroche,
l'Algérien Mekloufi, le Camerounais N'Jo Lea sont associés
à des hommes d'expérience tels que le gardien international
Abbes, le milieu Domingo et le Hollandais Rijvers. Saint-Étienne
sort vainqueur d'un mano à mano avec les Rémois qui, à
la surprise générale, craquent en fin de parcours. Une sombre
période débute, l'ASSE perd ses meilleurs joueurs et surtout
son mentor, Jean Snella. La Coupe remportée en 1962 ne peut cacher
la tristesse causée par la descente en D2. Roger Rocher, directeur
d'une entreprise de travaux publics, prend le club en main. Les résultats
ne se font pas attendre, Snella et Mekloufi reviennent au club et
dans la foulée, les Verts s'adjugent le titre en 1964. Une génération
de joueurs s'en va, une nouvelle arrive. Herbin, Bosquier, Larqué,
Aimé Jacquet, Hervé Revelli, Béréta, Keita
dominent alors le championnat sous les ordres de Snella en 1967 et de Batteux
en 1968 et 1969.
Entre 1967 et 1970, l'effectif stéphanois
évolue très peu. Dans les buts, Carnus remplace Bernard et
s'affirme comme un dernier rempart de talent en glanant ses galons avec
l'équipe de France. La défense est un bloc d'une solidité
extrême. Bosquier, acheté à prix d'or à Sochaux,
et Herbin en sont les pièces maîtresses. Sur les côtés,
le Yougoslave Durkovic et Polny sont des joueurs de devoir indispensables.
Malgré son jeune âge, Jean-Michel Larqué est le patron
de l'équipe. Il est bien aidé dans l'entrejeu par l'infatigable
Aimé Jacquet. L'attaque est la meilleure du pays. Hervé Revelli
et Georges Béréta sont inarrêtables alors qu'ils n'en
sont qu'au début de leur carrière. Mekloufi s'est retiré
en 1968, le jeune Malien Salif Keita le remplace poste pour poste et la
magie perdure.
Alors que faire en 1969 face aux
triples champions en titre? Rien ne peut décontenancer le groupe.
Keita, encore amateur, s'estime sous-payé, Anderlecht veut l'engager.
Finalement, Roger Rocher fait le voyage à Bamako et réussit
à garder sa vedette montante. L'ASSE n'en reste pas là, l'effectif
est complété par l'arrivée de l'espoir, José
Broissart, et de l'international Yougoslave Samardzic. Saint-Étienne
s'impose d'entrée de championnat. En août, un déplacement
périlleux à Marseille va rester dans les mémoires.
Devant 45000 spectateurs, les Verts sont bousculés, menés
deux fois au score. Pourtant, ils s'extirpent du piège lorsque Keita
donne l'avantage aux siens (3-2). L'arbitre, M. Mâchin, refuse un
but aux Marseillais pour hors-jeu, la pelouse est envahie, Saint-Étienne
gagne le match sur tapis vert. Le mois d'octobre est exceptionnel. Le premier
exploit en Coupe d'Europe se matérialise par l'élimination
du Bayern de Beckenbauer. Quelques jours plus tard, les Stéphanois
ridiculisent les voisins et ennemis lyonnais par sept buts à un
(idem au retour 6-0). Le chemin vers le titre est alors dégagé.
L'AS Saint-Étienne ne perd que trois matches dans la saison dont
deux lors des deux dernières journées. Une écrasante
victoire par cinq buts à zéro en Coupe face à Nantes
permet de réussir un deuxième doublé en trois ans.
Cette équipe 1969-70 est peut-être la plus belle de l'histoire
du championnat. Saint-Étienne termine avec onze points d'avance
sur son dauphin, Marseille. Les titres honorifiques de meilleure attaque,
meilleure défense et meilleur buteur (H.Revelli) viennent confirmer
la nette supériorité stéphanoise. Quant à Batteux,
il entre au panthéon des entraîneurs mythiques avec huit titres
à son palmarès (5 à Reims, 3 à St-Etienne)
et surtout trois doublés.
Le succès pèse alors
sur Saint-Étienne, l'équipe implose, en 1970-71, au moment
où Carnus et Bosquier annoncent leur départ pour Marseille.
Il faut reconstruire. Roger Rocher sait le faire et une nouvelle génération
glorieuse va voir le jour du côté du stade Geoffroy-Guichard.
Vivian Massiaux