Avec
six titres en quatorze ans, le Stade de Reims domine le football français
des années 50. Ses performances au cours des premières Coupes
d'Europe renforcent son hégémonie. En 1959, Kopa, de retour
du Real de Madrid, conduit l'attaque rémoise au cours d'une saison
1959-60 particulièrement offensive.
1959-60 : Stade de Reims
Bilan : 38mj, 26v, 8n, 4d, 109bp,
46bc, +63 (record)
Equipe-type : Colonna - Wendling,
Jonquet, Rodzik - Leblond, Siatka - Fontaine, Muller, Kopa, Piantoni, Vincent.
Entr. : Batteux
Effectif : Azhar(1), Baratto(9),
Bérard(21), Biernat(6), Colonna(32), Dubaele(3), Fontaine(28), Giraudo(7),
Jacquet(6), Jonquet(34), Kopa(36), Leblond(34), Muller(38), Piantoni(26),
Rodzik(31), Siatka(35), Vincent(37), Wendling(34)
Meilleurs buteurs : Fontaine 28 buts
(1er), Piantoni 18 buts (9ème), Kopa, Vincent 14 buts, Muller 13
buts
L'histoire du Stade de Reims va de
pair avec celle du fameux nectar de sa région, le champagne. Sa
naissance, elle l'a doit au marquis de Polignac, propriétaire des
champagnes Pommery qui crée la Société du parc Pommery
en 1911. Le Stade de Reims naît de cette société et
gagne son indépendance en 1931. En 1935, Reims s'attaque au professionnalisme
en D2.
Un premier tournant intervient en
1938 lorsque le Stade de Reims fusionne avec le Sporting Club de Reims.
Henri Germain, négociant en champagne, en devient le président.
C'est au moment où la guerre détruit la ville que M. Germain
débute la construction d'un grand club. L'après-guerre conduit
Reims dans le gotha du football français. Flammion, Marche, Penverne
et Batteux donnent le premier titre aux Champenois en 1949 et une Coupe
de France en 1950. L'ère Batteux joueur s'achève, l'ère
Batteux entraîneur peut débuter. Avec le directeur sportif,
Pierre Perchat, Albert Batteux recrute un petit prodige nordiste en provenance
d'Angers, Raymond Kopa, en 1951. Le second tournant s'est produit. Batteux
veille sur son joueur et l'entente entre les deux hommes est parfaite.
Reims en profite rapidement avec deux titres de champion en 1953 et 1955.
Malgré la qualité de ses joueurs - Kopa, Penverne, Jonquet,
Glovacki, Appel, Bliard - le jeu du Stade de Reims est critiqué.
Les dirigeants multiplient les matches amicaux, particulièrement
lucratifs, ce qui nuit au rendement de l'équipe en championnat.
Kopa quitte alors la France pour le Real de Madrid juste après la
première finale de Coupe d'Europe perdue en 1956. Une saison de
transition suffit aux Rémois pour repartir vers les sommets. En
1957-58, Reims réalise le doublé Coupe-Championnat sans Kopa,
bien sûr, mais avec de nouveaux talents - Fontaine, Piantoni, Vincent.
Cette équipe confirme l'année suivante en se hissant en finale
de Coupe d'Europe, une nouvelle fois perdue face au Real.
L'intersaison s'engage mal, Batteux
décide de se débarrasser d'un des joueurs mythiques du club,
Penverne, qui est envoyé contre son gré au Red Star. L'ambiance
s'apaise, lorsque, coup de tonnerre, Kopa annonce son retour à Reims.
L'ayant programmé pour 1960, Kopa rentre dès la saison 1959-1960
sur les injonctions de Santiago Bernabeu, président du Real, déçu
par le comportement du Français. Un monceau d'argent échappe
à Kopa, mais le principal était pour lui de revenir en France
et de redevenir prophète en son pays. Le Stade de Reims fait peur
à l'entame de la saison, les dirigeants ont réussi à
reconstituer la triplette de l'équipe de France en Suède,
Kopa - Fontaine - Piantoni, à laquelle il faut associer l'ailier
gauche virevoltant, Vincent, et les solides recrues alsaciennes, Wendling
et Muller. Les Rémois dominent le championnat dès les premières
rencontres, Kopa se fond dans un collectif bien rodé comme s'il
n'avait jamais quitté la Marne. Le 3 octobre 1959, Reims atomise
Bordeaux (8-2), Piantoni et Fontaine inscrivent chacun un quadruplé.
Les malheurs s'abattent alors sur les Champenois. Piantoni est victime
d'un tacle assassin d'un Bulgare lors d'un match avec l'équipe de
France le 11 octobre. Le 1er mars, Fontaine, taclé par un Sochalien,
ne se relève pas, une double fracture tibia-péroné
est diagnostiquée, elle l'obligera à pratiquement mettre
un terme à sa carrière. Reims ne baisse pas de régime,
des victoires par trois, quatre voire cinq buts d'écart sont à
mettre à son crédit. Reims prend une option sur le titre
en s'imposant chez son dauphin, Nîmes. Trois buts de Biernat, Piantoni
(revenu après sa blessure) et Kopa, ajoutés à une
véritable leçon de virtuosité prouvent que Reims est
bel et bien la meilleure équipe de l'hexagone. Quelques semaines
plus tard, la messe est dite, Le Havre est battu par 8 buts à 2,
Reims est champion de France. Le bilan est éloquent avec 60 points
inscrits, 109 buts au compteur (2ème derrière le RC Paris
118 buts), et surtout une différence de buts extraordinaire de +63.
Le grand Reims est donc de retour
à la grande fierté de son mentor, Albert Batteux. Kopa est
ravi, il trouve que le football français est moins violent qu'en
1956 à son départ, il a pu s'exprimer beaucoup plus aisément.
Fontaine, meilleur buteur de 1ère division, termine la saison la
jambe dans le plâtre mais Piantoni et lui ont prouvé qu'ils
étaient les parfaits compléments de Kopa. Il ne faut pas
oublier d'associer Muller et Vincent, de véritables poisons en attaque.
L'équipe est, en fait, très complète puisque, derrière,
Jonquet, Wendling et le gardien Colonna ont parfaitement rempli leur rôle
comme à leur habitude.
Le Stade de Reims vit ses dernières
heures de gloire avec le titre de champion en 1962. En 1963, Batteux s'en
va, Kopa qui lutte pour les droits des footballeurs français, se
fait suspendre et Reims descend en D2. La splendeur champenoise s'est envolée,
un parcours chaotique entre D1 et D2 s'engage. Comme un dernier hommage
à son fantastique président depuis trente ans, Henri Germain,
Reims dispute et perd sa dernière finale de Coupe de France en 1977
face à Saint-Etienne. Henri Germain quitte le club, passe la main
au Dr Serge Bazelaire, le club vivote en D2 jusqu'à la descente
aux enfers due au dépôt de bilan en 1991. Aujourd'hui en National,
le nouveau Stade de Reims rêve de rattraper son passé.
Vivian Massiaux