Après
la seconde guerre mondiale, le football professionnel français se
modernise sous la gestion du Groupement (future Ligue Nationale). Le Lille
Olympique Sporting Club incarne parfaitement ce nouveau professionnalisme
avec du beau jeu, le doublé coupe-championnat en 1946, mais aussi
des querelles entre joueurs et dirigeants. Retour sur l'aventure du "Géant
des Flandres", véritable machine à gagner.
1945-46 : Lille Olympique Sporting
Club
Bilan : 34mj, 19v, 7n, 8d,
89bp, 44bc
Equipe-type : Hatz - Jadrezak,
Prévost, Sommerlynck - Bourbotte, Carré - Baratte, Tempowski
- Vandooren, Bihel, Lechantre
Effectif : Baratte(30), Bigot(10),
Bihel(26), Bourbotte(34), Carré(21), Dietrich(1), Dubreucq(3), Grimonpont(7),
Hatz(21), Jadrezak(26), Kretschmar(8), Lacaze(5), Lechantre(33), Mathieu(2),
Meresse(6), Prévost(31), Sommerlynck(26), Stepaniak(13), Teixier(23),
Tempowski(21), Vandooren (12), Walter(2), Witkowski(13)
Meilleurs buteurs : Bihel
28 buts (1er D1), Baratte 19 buts (6ème D1)
Avant la seconde guerre mondial,
l’Olympique Lillois (champion en 1933) et le SC Fives font partie de l’élite
du football français et en tant que proches voisins, la rivalité
entre les deux clubs est exacerbée. Pourtant, en 1943, sous l’impulsion
d’Henri Kretzchmar, président de l’Olympique Lillois, des tractations
s’engagent pour un rapprochement entre les frères ennemis. Il s’ensuit
une année de mariage forcé sous le nom de Lille-Flandres,
pour cause d’équipes fédérales voulues par le Colonel
Pascot qui gère le sport sous le régime de Vichy. Le 23 septembre
1944, la fusion devient effective dans l’allégresse de la Libération.
Le club se nomme d’abord Stade Lillois et devient Lille Olympique Sporting
Club en novembre 1944. Il est géré par Louis Henno, ancien
président de Fives. L’effectif est impressionnant puisqu’il regroupe
les joueurs de deux des meilleurs équipes de France, le tout est
dirigé par l’ancien entraîneur de Fives, l’Anglais, George
Berry. La première saison, 1944-45, Lille termine cinquième
du groupe Nord dans un championnat non réunifié et s’incline
en finale de Coupe de France. Le potentiel est là, il ne manque
que le liant entre les joueurs venant des deux clubs.
La saison 1945-46 marque le retour
à un véritable championnat national sous l’autorité
du Groupement des clubs autorisés (devenu Ligue Nationale de Football
en 1982). Du côté de Lille, les affaires débutent
mal avec le transfert de Darui, l’un des plus grands gardiens français
de tous les temps, vers le rival roubaisien. Cependant, Lille s’affirme
rapidement comme l’équipe des grands rendez-vous. Le championnat
est particulièrement serré, Lille et Saint-Etienne luttent
au coude à coude mais Lille sait faire la différence à
trois moments importants. Tout d’abord, les Lillois écrasent leurs
futurs dauphins stéphanois sur le score de huit buts à deux.
Le 17 février 1946, le derby Lille-Lens attire 18000 spectateurs
dans le stade Victor-Boucquey, même les toits des tribunes servent
d’accessits. Le drame se produit, sous le poids, une des toitures s’effondrent.
Cinquante-trois blessés sont à déplorer mais heureusement,
aucun mort. Malgré la catastrophe, le match reprend et Lille s’impose
par trois buts à un. L’avant-dernière journée met
aux prises Lille et le Red Star. Trois semaines auparavant, Lille avait
déjà vaincu les Audoniens en finale de la Coupe de France.
Il en est de même dans cette partie décisive, Lille se débarrasse
du Red Star par trois buts à un et s’adjuge un doublé largement
mérité. Au soir du titre, les rues de Lille voient la foule
chanter le succès du LOSC sur l’air du « P’tit Quinquin ».
A l’instar du de l’Olympique Lillois
en 1933, l’équipe est composée de huit purs nordistes. Les
héros s’appellent François Bourbotte, l’enfant de Fives,
qui a trente-quatre ans et après quatorze années de professionnalisme,
remporte enfin un titre ou encore, Jean-Marie Prévost, prisonnier
de guerre, qui a refait l’unanimité dès son retour. Le meilleur
d’entre eux s’appelle Jean Baratte. Par sa combativité, son courage,
il incarne parfaitement les vertus nordistes, ce qui le conduira au sommet
du football français pendant presque dix ans. L’apport de Marceau
Sommerlynck, futur recordman des victoires en Coupe de France, ou de Jean
Lechantre est tout aussi essentiel ; ce sont de bons joueurs, totalement
dévoués au collectif. Le gardien de but parisien, Georges
Hatz, sort enfin de l’ombre de Darui dont il fut la doublure au Red Star
et à Lille. Le meilleur buteur du club et du championnat est le
Normand René Bihel dont la réussite au cours de la saison
1945-46 est faramineuse. La victoire de Lille est d’autant plus belle qu’elle
est à 100% française alors que le nombre d’étrangers
en championnat est à son apogée.
Après le premier titre, beaucoup
d’observateurs s’accordent à dire que la dynastie du LOSC ne fait
que commencer. En 1946, l’entraîneur Berry, en désaccord avec
le président Henno, le buteur Bihel et le capitaine Bourbotte quittent
le club. Ces départs sont à l’image de la gestion du LOSC
sous l’ère de Louis Henno. Celui-ci règne en despote d’où
son surnom de Louis XIX. Les caisses sont pleines mais il limite les primes
et hésite à acheter des joueurs. Le LOSC fait désormais
autant parler de lui pour ses querelles intestines que pour ses bons résultats.
Bénéficiant de l’allant et de l’ossature de l’équipe
de 1945-46, les Lillois se maintiennent au sommet de la hiérarchie
française jusqu’en 1955 sans jamais totalement dominer comme ils
auraient dû le faire. Il faut attendre 1954 pour un nouveau titre
de champions après quatre places de seconds entre 1948 et 1951.
La Coupe de France leur sourit plus avec quatre autres victoires en 1947,
1948, 1953 et 1955.
L’ère du « Géant
des Flandres » s’arrête en 1956 avec la descente en D2. Depuis,
les dirigeants lillois successifs courent après la splendeur passée
sans parvenir à l’atteindre…
Vivian Massiaux