Le
FC Nantes est le club le plus régulier et le plus performant de
l'histoire de la première division. Son jeu vif et spectaculaire
a toujours véhiculé le bonheur dans tous les stades de France.
Le plus beau titre et sûrement le plus inattendu arrive en 1995.
Une jeune génération de joueurs pétris de talent réalisent
un parcours quasi parfait.
1994-95 : FC Nantes-Atlantique
Bilan : 38mj, 21v, 16n, 1d, 71bp,
34bc, +37
Equipe-type : Casagrande(Marraud)
- Le Dizet, Decroix, Pignol, Karembeu(Capron) - Ferri, Makélélé,
N'Doram, Pédros - Loko, Ouedec. Entr. : Suaudeau
Effectif : Capron(30), Casagrande(20),
Cauet(25), Decroix(35), Ferri(33), Garcia(1), Garcion(3), Guyot(15), Karembeu(34),
Le Dizet(37), Loko(37), Loussouarn(5), Makélélé(36),
Marraud(14), Moreau(9), N'Doram(32), Ouédec(34), Pedros(32), Pignol(30),
Renou(11), Siasia(14)
Meilleurs buteurs : Loko 22 buts
(1er), Ouédec 18 buts (3ème), N'Doram 12 buts (11ème)
La guerre fait rage lorsque le FC
Nantes voit le jour en 1943 sous l'initiative de Marcel Saupin qui a réussi
à grouper plusieurs clubs de la ville. Dès 1945, Nantes adopte
le professionnalisme et s'attaque à la deuxième division.
Les dix premières années sont sans histoires, le club est
présent dans le haut du tableau puis viennent quelques saisons plus
délicates. José Arribas est embauché comme entraîneur
en 1959. Cet Espagnol, qui a fui le franquisme ,change alors le destin
du FC Nantes. Il met en place un jeu basé sur la vitesse, les passes
courtes, la qualité technique, cette tactique spectaculaire, efficace
et immuablement utilisée porte, aujourd'hui, le label de jeu "à
la Nantaise". En 1963, Arribas conduit les siens en première division,
le FC Nantes ne va plus jamais la quitter et va impressionner par la stabilité
de ses structures et la continuité de ses performances.
Les chiffres sont éloquents.
De 1963 à 1986, le FC Nantes gagne six championnats, termine sept
fois second et ne descend jamais en dessous de la dixième place.
Aucun autre club ne peut se targuer d'avoir fait la course en tête
pendant vingt-trois saisons consécutives. La stabilité est
incarné par José Arribas, le maître d'œuvre reste aux
commandes de 1959 à 1976. Les glorieuses générations
de joueurs se succèdent. En 1965 (un an après la montée)
et 1966, les Canaris s'adjugent leurs deux premiers titres grâce
à Eon, Budzinski, Suaudeau, Blanchet ou Muller. Deux grands attaquants,
Simon et Gondet, font régulièrement trembler les filets adverses,
Gondet est même, à ce jour, le meilleur buteur français
sur une saison avec trente-six buts en 1966. Le FC Nantes, en retrait pendant
les années stéphanoises et marseillaises, gagne son troisième
titre en 1973, c'est aussi le dernier pour Arribas. La grande épopée
de Saint-Etienne passe, Jean Vincent prend en douceur la suite de José
Arribas de 1976 à 1982. 1976 et 1980 voient les Nantais ajouter
deux nouvelles couronnes nationales à leur palmarès et enfin
une Coupe de France en 1979. Bertrand-Demanes, Henri Michel (symbole de
la grandeur nantaise) et Rampillon, tous champions en 1973, sont rejoints
par les premiers bijoux du merveilleux centre de formation, Bossis, Rio,
Tusseau, Baronchelli, Pécout et Amisse. Suaudeau arrive en 1982,
Nantes est à nouveau sur la première marche du podium en
1983 avec Touré, Adonkor, Bibard ou Ayache comme vedettes formées
au club.
Une nouvelle ère s'ouvre dans
le football hexagonal en 1986, celle de la course à l'argent. Le
FC Nantes, pillé de ses meilleurs jeunes, ne peut plus rivaliser
et pire même, connaît de graves ennuis financiers qui le plongent
virtuellement en D2 suite à un contrôle de la DNCG en 1992.
Le club se sauve de justesse mais l'interdiction de recrutement pousse
une jeune génération vers l'élite plus rapidement
que prévu. Suaudeau, revenu à la formation pendant les années
Blazevic, reprend du service pour conduire ses jeunes pousses vers les
sommets.
Cinquièmes en 1993 puis en
1994, les Nantais, bien dirigés par Suaudeau, font des miracles.
A l'orée de la saison 1994-95, l'effectif de joueurs âgés
en moyenne de vingt-trois à vingt-cinq ans ne semble pas arriver
à maturité et la présence de seulement trois éléments
d'expérience (Marraud, Le Dizet et N'Doram) ne donne aux Canaris
qu'un rôle d'outsiders. Nantes surprend en début de championnat,
gagne à Auxerre à la deuxième journée ce qui
fait penser à Suaudeau que son équipe peut réaliser
quelque chose de grand. La confirmation ne tarde pas, une nouvelle victoire
à l'extérieur pour la quatrième journée à
Lille et une victoire (1-0) à domicile sur le champion en titre
et grandissime favori, le PSG. Au bout de cinq journées, les Nantais
occupent la tête du classement. Par la suite, l'écart sur
son dauphin dépasse rarement six points, le FC Nantes termine d'ailleurs
champion d'automne avec six points d'avance sur le PSG. Mais une chose
est importante, les Nantais ne perdent pas et les jeunes font preuve d'un
sang-froid incroyable en ramenant de superbes nuls de Montpellier ou de
Monaco. La différence est finalement faite en plein hiver, là
où d'habitude, les équipes surprises s'écroulent.
Les quatre victoires de rang sont rehaussées par une extraordinaire
victoire au Parc des Princes (3-0), la leçon est nantaise et l'avance
passe à dix points. A la vingt-sixième journée, le
record d'invincibilité du PSG, version 1985-86, est battu. Dès
lors, Nantes est sur la voie royale du titre et la seule question est de
savoir quand la magnifique série s'arrêtera. Malheureusement,
la fin est programmée à Strasbourg lors de la trente-troisième
journée, c'est la première et l'unique de la saison. Avec
trente-deux matches sans défaite et un seul perdu, les jeunes Canaris
viennent de faire tomber deux records. Le titre, le septième du
club, est fêté au soir de la trente-sixième journée
suite à un bon match nul, à l'image de la saison, arraché
à Bastia.
Suaudeau peut être fier de
tous ces jeunes qu'il a formés et qu'il a amenés à
maturité avec ce somptueux championnat. Un vent de fraîcheur
souffle sur le football qui cherchait à se sortir de l'ère
Tapie et de la catastrophique élimination de la Coupe du Monde 1994.
Aimé Jacquet, nouveau sélectionneur de l'équipe de
France, a même fait confiance à quelques uns des élèves
de Suaudeau pour reconstruire. En cours de saison, il a fait appel à
Ferri, le capitaine exemplaire, à Pedros, le passeur de génie,
à Karembeu, le travailleur infatigable. Mais les révélations
sont les deux attaquants, Loko et Ouédec, premier et troisième
du classement des buteurs, associés en attaque sous les couleurs
tricolores. Ils sont l'avenir d'une France qui pense avoir trouvé
des remplaçants à Papin et Cantona.
A l'exception du superbe milieu offensif
Tchadien, N'Doram, grand frère de tous ces jeunes, le reste du groupe
est moins connu mais fait preuve de professionnalisme. Dans les buts, ils
sont quatre à avoir garder le temple. L'inamovible Marraud, blessé,
a vu un inconnu, Casagrande, débarqué de Muret, prendre sa
place de fort belle manière. La défense est articulée
autour de Decroix, bonne recrue en provenance de Lille, et de l'athlétique
Capron. Aux ailes, Le Dizet et Pignol ont fait leur part du travail sans
bruit. En milieu de terrain, Cauet, venu de Caen, a bien rempli son rôle
de joker et Makélélé, le plus jeune d'entre tous,
explose à vingt et un an grâce à un sens du jeu aiguisé.
Une petite ombre plane puisque le fulgurant succès aurait révélé
de grandes dissensions dans le groupe.
Un groupe qui va exploser peu à
peu, Nantes ne peut retenir ses meilleurs joueurs. L'année suivante,
Karembeu part en Italie, son avenir sera doré et les Canaris ne
confirment pas malgré une place en demi-finale de Ligue des Champions.
Loko, Pédros, Ouédec partent tour à tour. Loin de
Nantes, ils se perdront. Denoueix, seulement le cinquième entraîneur
en quarante ans, prend la place de Suaudeau, une nouvelle génération
se révèle. Landreau, Savinaud, Carrière, Monterrubio
s'offrent deux Coupes de France mais le FC Nantes a perdu de sa superbe
et de sa régularité légendaire en championnat sauf
en cette saison 2000-2001.
Vivian Massiaux