L'avènement
du professionnalisme en 1933 ne dessert absolument pas la Coupe de France.
Au contraire, au cours des années trente, sa magie s'accroît
et du nord au sud, se déchaînent toutes les passions dans
la quête du trophée. La finale de 1938 entre Marseille, la
riche, et Metz, la modeste, en est le parfait exemple surtout lorsque le
Parc des Princes prend des allures de stade espagnol en fin de rencontre.
1938 : Olympique de Marseille
- FC Metz 2-1 (a.p.)
Buts : Kohut (49ème), Aznar
(118ème) pour Marseille, Rohrbacher (84ème) pour Metz
Olympique de Marseille : Vasconcellos
- Ben Bouali, Conchy Bastien, Bruhin, Gonzalès Zermani,
Olej, Zatelli, Aznar, Kohut
FC Metz : Kappé
Zehren, Nock - Marchal, Fosset, Hibst Rohrbacher, Hess, Muller, Ignace,
Lauer.
Le Parc des Princes accueille sa
première finale en ce 8 mai 1938, le stade de Colombes étant
en réfection pour la Coupe du Monde, toute proche. Ils sont 33044
spectateurs à assister à une finale inédite mettant
aux prises deux équipes que tout oppose. D'un côté,
le grand Olympique de Marseille, déjà quatre fois vainqueurs
de la Coupe mais qui n'a malheureusement pas pu conserver son titre de
champion de France acquis en 1937, le rival sochalien ayant dominé
la saison. Pourtant, les Phocéens du président Blanc s'appuient
sur la même ossature qu'en 1937. L'effectif a un fort accent "pied
noir" avec six joueurs venus d'Algérie, Ben Bouali, Bastien, Gonzalès,
Zarmani et surtout les deux avants-centres de classe que sont Zatelli surnommé
le beau Mario et Aznar. Dans les buts, le Brésilien Vasconcellos,
el jaguar, fait le spectacle tout comme le puissant attaquant hongrois,
Kohut. Les Provencaux Conchy, Olej et le Suisse Bruhin complètent
une équipe bâtie à grand renfort d'argent.
En face, le FC Metz s'impose enfin
comme le club leader d'une ville aux multiples formations. Le président,
Raymond Helory, l'un des plus pittoresques du football français,
construit son équipe avec seulement 228000 francs. Certes, il a
cassé sa tirelire pour l'extraordinaire Hollandais, Bakhuys, pour
le Fivois Lauer ou le Marseillais, Ignace. Pour le reste, il a misé
sur le vivier lorrain (Kappé, Zehren) ou sur les jeunes talents
du club (Hibst, Rohrbacher, Marchal, Fosset). Les "prolétaires"
du football voyagent uniquement en troisième classe mais font parler
la poudre en éliminant successivement deux formations supérieures
Cannes (3-0) et Fives (1-0) pour atteindre la finale.
Les Marseillais sont, au coup d'envoi,
largement favoris surtout qu'ils ont reporté tous leurs espoirs
de la saison sur la Coupe et pourtant ils connaissent les pires difficultés
au cours de la première période en ne prenant pas l'ascendant
sur les Messins. Pire même, à la 37ème minute, l'arbitre,
M. Munsch, sanctionne une main de Ben Bouali par un penalty. Marseille
souffre, conteste et l'arbitre revient sur sa décision en donnant
balle à terre. Les 3000 Messins qui ont fait le déplacement
commencent à s'agiter dans les tribunes. En début de deuxième
période, Kohut, le canonier magyar, confirme le statut des
Olympiens à la 49ème minute. Le public se rallie alors définitivement
à la cause messine. Portés par les nombreux encouragements,
les Lorrains réalisent l'impensable en égalisant par Rohrbacher
à la 84ème minute. Tout semble désormais possible
en prolongations.
Il faut attendre la 118ème
minute de jeu pour voir le Marseillais, Manu Aznar expédier le ballon
dans le but messin d'un coup de tête magistral, Marseille exulte
lorsque Fosset, le demi-centre messin, plonge et sauve sur sa ligne. M.
Munsch valide le but, le Parc des Princes est pris de folie. Les Messins
sont applaudis à tout rompre et les Marseillais voient leur tour
d'honneur salué par des sifflets et par des jets de coussins rouges,
comme en Espagne, qui permettent normalement un meilleur confort aux spectateurs.
La tribune officielle est évacuée, Albert Lebrun, le Président
de la République, totalement dépité, prend congé
du Président de la FFFA, Jules Rimet, en lui lançant : "Au
revoir Monsieur le Maire".
Dans la cohue générale,
l'Olympique de Marseille remporte sa cinquième Coupe de France et
devient recordman de victoires.
Les autres finales :
1931 : Club Français -
SO Montpellier 3-0
Le succès du Club Français
est particulièrement anachronique. Fondé en 1890, il prône
l'amateurisme au moment de la percée du professionnalisme. Trois
ans plus tard, le Club Français disparaîtra.
1932 : AS Cannes - RC Roubaix
1-0
Ce premier duel Nord/Sud voit la
victoire de l'AS Cannes sur un but de son capitaine Clerc alors que les
Cannois sont diminués par la blessure de deux des leurs.
1933 : Excelsior Roubaix - RC
Roubaix 3-1
La seule finale de l'histoire entre
deux clubs d'une même ville de province marque le triomphe du football
roubaisien puisque vainqueurs et vaincus communient ensemble au retour
à Roubaix. La Coupe se dirige enfin vers le Nord.
1934 : FC Sète - Olympique
de Marseille 2-1
Sète est le premier club
à réaliser le doublé coupe-championnat au terme d'un
match âpre. L'arbitre, M. Baert, refuse un but à l'OM
ce qui provoque l'envahissement du terrain par les supporters marseillais.
Il faut 250 policiers pour rétablir l'ordre.
1935 : Olympique de Marseille
- Stade Rennais 3-0
Marseille obtient aisément
son quatrième trophée grâce à un but de son
Hongrois, Kohut, le spécialiste des barres transversales brisées
et des filets transpercés sous la violence de ses frappes.
1936 : RC Paris - FCO Charleville
1-0
Equipe de D2, Charleville emmené
par son célèbre gardien Darui et son défenseur, Herrera,
futur inventeur du "catenaccio", rate l'exploit de peu face au RC Paris
qui assure le doublé.
1937 : FC Sochaux - RC Strasbourg
2-1
Pris de vitesse en début
de match, les Sochaliens, favoris, ne s'en sortent qu'à deux minutes
de la fin sur un but de Williams. En récompense, chaque joueur reçoit
un Coupé Peugeot 201.
1939 : RC Paris - Olympique Lillois
3-1
Les Pingouins, surnom des Racingmen,
s'accaparent le trophée dans le sillage du "cerveau", Emile Veinante,
et de sa mascotte, un pingouin vivant, venant du zoo de Vincennes.
1940 : RC Paris - Olympique de
Marseille 2-1
Cinq jours avant l'invasion du Benelux
par les troupes d'Hitler, le Racing remporte sa troisième Coupe.
Pour améliorer le spectacle, la plupart des joueurs ont été
démobilisés.
Vainqueurs de guerre
1941 : Girondins ASP, 1942 : Red
Star, 1943 : Olympique de Marseille, 1944 : Nancy-Lorraine
Vivian Massiaux