Quarante huit matches sans connaître la défaite. Rien ni personne ne semble capable d'arrêter la marche en avant des Gunners. Et comme si les victoires sur le terrain ne suffisaient plus, le club londonien multiplie les initiatives afin de pérenniser une suprématie déjà sans conteste…

Encore une machine à gagner

Certains ont du prier tout l'été pour que l'emblématique capitaine londonien fasse ses valises pour Madrid. D'autres ont sûrement espéré que le recrutement estival juvénile d'Arsenal ne porte pas immédiatement les fruits escomptés par Arsène Wenger. Oui, mais voilà. Il y a des chiffres qui ne trahissent pas. Treize matches toutes compétitions confondues. Onze victoires. Deux nuls. Zéro défaite. Trente et un buts marqués. Neuf buts encaissés. Patrick Vieira et son coach ne s'y sont donc pas trompés. Arsenal est déjà la référence de ce début de saison. Preuve en est par la place de leader de la Premier League (deux points devant Chelsea et déjà neuf devant le rival mancunien), une première place du Groupe E en Ligue des Champions et surtout l'acquisition d'un nouveau trophée, le traditionnel Community Chield (3-1 face à Manchester United). Tout cela grâce à une politique simple : la conservation d'un groupe fort, agrémenté d'un zeste de jeunesse destiné à incarner le futur Arsenal. Wenger s'est donc attelé à conserver tout son monde, et bien lui en a pris. Les statistiques lui donnent en effet raison. Le quatuor qui terrorisait les défenses de Premier League l'année dernière est reparti de plus belle. Il a déjà inscrit la bagatelle de vingt deux buts (soit 70% des buts de leur équipe) grâce aux attaquants Henry et Reyes, sept buts chacun, et aux milieux Ljungberg et Pires, quatre buts chacun. Il convient également d'ajouter le bon début de saison de l'inamovible Dennis Bergkamp (35 ans). Celui qui a rempilé pour une saison cet été s'est déjà permis de trouver trois fois le chemin des filets en huit titularisations. Le Hollandais confiait aujourd'hui au site Internet du club, «je n'exclue pas de repartir pour une saison supplémentaire en 2005 mais j'ai surtout envie, après avoir vu le succès de Marco (Van Basten, sélectionneur des Pays-Bas, ndlr), de goûter au métier d'entraîneur.» . La colonne vertébrale de l'Arsenal version 2003-2004 composée de Campbell, Vieira et Henry n'a pas été modifiée et les schémas préférentiels triangulaires latéraux (A. Cole, Vieira et Pires à gauche, Lauren, Gilberto et Ljungberg à droite) restent les pierres angulaires de la version 2004-2005. Autant dire que l'entraîneur aux trois championnats et trois Cup (dont deux doublés) semble s'être contenté de se reposer sur ses acquis. Et pourtant…

Il serait fou de croire une telle hypothèse possible. Si le coach des Gunners ne s'est pas attelé au recrutement de stars, c'est pour deux raisons majeures. Premièrement, il en compte déjà assez dans son effectif. Deuxièmement, en bon manager général qu'il est, il préfère préparer l'avenir plutôt que d'embellir vulgairement à coup de millions, n'est-ce pas messieurs Abramovitch et Perez, un présent déjà radieux. Après l'arrivée de Gaël Clichy et Philippe Senderos (19 ans tous les deux), respectivement en provenance de Cannes et du Servette Genève, durant l'intersaison 2003, l'Alsacien a choisi de continuer ce recrutement juvénile. Il a ainsi fait venir Mathieu Flamini (20 ans) de Marseille, l'ancien ailier du Feyenoord Rotterdam Robin Van Persie mais surtout le Barcelonais Francesc Fabregas. Celui-ci, malgré ses 17 ans, s'est déjà imposé comme l'un des maîtres du milieu lors de l'absence prolongée de Patrick Vieira. Il totalise déjà sept apparitions (un but) en équipe première, dont cinq fois en tant que titulaire. Les autres jeunes cités n'en sont encore qu'à leurs balbutiements mais sûr qu'ils incarneront l'Arsenal du futur. Arsène Wenger, qui déclarait mardi «s'ennuyer puisque seulement trois joueurs sont à l'entraînement (les autres ayant rejoint leur sélection, ndlr)» , ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Il multiplie ce type de recrutement depuis plusieurs saisons et s'appuie régulièrement sur une «Academy» (centre de formation pour les Anglais) toujours aussi performante. Outre l'intraitable défenseur latéral Ashley Cole (24 ans), vraisemblablement plus belle réussite de la formation des Gunners, Arsenal montre avec l'apparition progressive de Jérémie Aliadière (21 ans mais aucune apparition pour l'instant notamment en raison d'une blessure) et Jermaine Pennant (21 ans et quatre apparitions) que ce calcul sur l'avenir se révèle payant. Kolo Touré (23 ans) en est un autre exemple. Arrivé il y a trois ans du côté d'Highbury pour parfaire sa formation ivoirienne de l'ASEC Mimosa, il s'est déjà imposé comme l'un des meilleurs défenseurs centraux de Premier League. Avec onze titularisations en autant de matches possibles, l'international ivoirien est devenu un homme de base du système Wenger. Autant dire que rien ne semble pouvoir venir enrayer la belle machine à gagner londonienne tant l'avenir semble admirablement préparé du côté d'Highbury…

Toujours des projets

Ou plutôt du côté de l'Emirates Stadium. Car comme si les victoires sur le terrain ne suffisaient plus, Arsenal s'est mis en tête de bâtir un empire intouchable. A commencer par la construction d'un nouveau stade. Ashburton Grove a donc été choisi pour accueillir la nouvelle enceinte de 60 000 places voulue par le comité directeur des Gunners et dont le coût de construction est estimé à 500 millions d'euros. Et comme si un bonheur ne pouvait jamais venir seul, le leader de la Premier League a signé avec la compagnie aérienne Fly Emirates ce que les experts d'outre-Manche n'hésitent pas à qualifier de deal du siècle. L'actuel sponsor de Chelsea (le contrat avec le club d'Abramovitch arrivera à échéance en juin prochain) a proposé 150 millions d'euros à Arsenal pour, non seulement choisir le nom de la future enceinte pour une période de quinze ans, mais aussi afin d'occuper une place de choix sur le maillot des Gunners à partir de 2005. Et même si une frange de détracteurs pense qu'Arsenal a vendu son âme au diable ( «sell his soul to the Devil» en anglais afin de faire allusion à l'ennemi mancunien couramment appelé Red Devil), le capitaine Vieira se montre moins réticent, confiant récemment «je suis impatient de mener l'équipe là-bas, devant 60 000 supporters d'Arsenal. Ce sera formidable. Le stade et le club avancent dans une direction positive et c'est pour cela que je veux rester.» Et une déclaration d'amour de plus. Une…

Mais Arsenal n'est pas dupe. Même s'il convient de construire pour grandir, il est également nécessaire de s'appuyer sur des bases solides pour pérenniser un club en plein essor. David Dein et Peter Hill-Wood, respectivement vice-président et président du club, ne s'y sont donc pas trompés. Arsène Wenger s'est donc chargé lui-même d'annoncer son attachement officiel au club, précisant en marge de l'annonce du nouveau partenariat «j'ai dit à plusieurs reprises que j'étais attaché à Arsenal. Et il s'agit juste d'une question de jours avant qu'une prolongation de mon contrat ne soit annoncée. La prolongation sera de quelques années. Je n'y vois aucun problème.» Bilan des courses. La prolongation de contrat a été confirmée. L'Alsacien sera bien le grand patron d'Arsenal au moins jusqu'en 2008. Grand patron au-delà du terrain comme le montrent ses fréquentes visites sur le chantier d'Ashburton Grove. Mais surtout grand patron du domaine sportif. La récente altercation entre Vieira et Lauren dans le car les ramenant de leur match face à Rosenborg en Ligue des Champions a montré le pouvoir de Wenger. Le coach des Gunners a ainsi choisi de minimiser l'affaire, «c'est une affaire comme il en existe tant d'autres» , demandant aux deux protagonistes de ne pas éventer leur désaccord à la presse. Pourtant, l'ancien Monégasque n'est pas dupe. Il sait pertinemment que l'un des deux va devoir rapidement faire ses valises pour éviter de gangrener le groupe. Et vu les efforts consentis par Arsenal pour retenir son capitaine à l'heure de partir pour Madrid, il semble que Lauren, frustré de n'avoir jamais pu occuper son poste de prédilection au milieu de terrain et malgré ses onze titularisations en autant de matches, soit devenu le nouveau banni. Hatem Trabelsi, défenseur latéral droit de l'Ajax et de la Tunisie, aurait d'ailleurs déjà été contacté pour débarquer à Highbury dès le 1er janvier 2005. En attendant de dénicher les nouvelles perles de demain…

Arsenal reste donc le club à abattre en ce début de saison. Son insolente réussite commence à irriter certains de ses vassaux fâchés de voir leur leader incontesté signer les contrats les plus juteux et faire tomber un à un les records les plus fous. Une question persiste tout de même. Le Roi d'Angleterre sera-t-il enfin capable, cette année, de conquérir un empire européen qui lui résiste toujours ?

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