Fabuleux. Magnifique. Epoustouflant. La presse internationale ne trouve plus de qualificatifs assez forts pour décrire le jeu du FC Barcelone version 2004-2005. Malgré un milieu défensif décimé par les blessures et un passé douloureux, la formation blaugrana se remet à faire rêver le peuple catalan, y compris l'éternel insatisfait Johan Cruyff.

Du changement et une politique différente

Une dizaine d'entraîneurs. Plus de soixante joueurs passés par la Catalogne. Un déficit avoisinant le milliard d'euros. Zéro titre. Voilà le bilan du Football Club de Barcelone depuis le début du millénaire. D'où l'obligation de réagir. Solution ? Tout changer. Joan Laporta, un avocat de 41 ans, s'installe Avenida Aristides Maillol, siège du club, et choisit le controversé Hollandais Frank Rijkaard pour redonner le souffle de la victoire aux Blaugranas. Le début de saison 2003-2004 sera loin de lui donner raison. Le Barça boucle la huitième journée de la Liga à la 17ème place, synonyme de relégation, et toute la Catalogne demande déjà la démission du nouveau duo. Oui, mais voilà la trêve. Véritable bouffée d'oxygène pour un club au bord de l'asphyxie. Le technicien batave a droit à un joker… Et il va en faire bon usage. Le «pitbull» Edgar Davids, privé de temps de jeu à la Juventus, débarque sur les Ramblas. Mission : apporter la hargne qui fait tant défaut à une équipe pourtant talentueuse. Notamment grâce à un Ronaldinho en folie depuis le début de saison. Frappe de 35 mètres sous la barre pour son premier but au Nou Camp, double contact et passe décisive enchaînée… Le club catalan se relève subitement en enchaînant notamment une série de dix-sept matchs sans défaite. Barcelone finira la saison à la 2ème place, qualificative pour la Ligue des Champions…

L'intersaison 2004 a pour objectif la construction d'un groupe capable d'apporter des titres à un club qui les attend depuis 1999, date de la dernière victoire en Liga. Et cette fois-ci, le Président Laporta, aidé par son adjoint Sandro Rosell au four et au moulin durant ces deux mois d'été, ne se trompe pas. En huit matchs (six en championnat et deux en Coupe d'Europe), le Barça s'est imposé à sept reprises et a concédé un seul nul à Vicente Caldéron contre l'Athletico Madrid. Les Catalans ont donc misé cette année sur des joueurs pas encore élevés au rang de stars internationales, à l'image des Madrilènes Beckham, Zidane, Ronaldo ou Figo, mais qui tendent à devenir les virtuoses de demain. D'ailleurs, l'attaquant camerounais Samuel Eto'o (23 ans) a déjà, l'année dernière, conquis le Ballon d'Or africain devançant l'immense Didier Drogba. La triplette de créateurs que sont Ludovic Giuly (28 ans), Deco (27 ans) et Ronaldinho (23 ans) n'en reste pas moins l'une des meilleures d'Europe, le second remportant même la Ligue des Champions au dépens du premier pendant que le troisième s'adjugeait, deux ans auparavant, la Coupe du Monde 2002. Le lusitano-brésilien Deco avouait même à l'issue de la victoire face à Saragosse (4-1), qu' «ici, il y a beaucoup de qualité et je pense que ça sera plus facile pour gagner qu'à Porto. Je me sens bien et j'ai toujours envie de jouer» . Et même si les dirigeants catalans ont laissé au rival madrilène le recrutement de Ballons d'Or certifiés (quatre en cinq ans avec Figo, Zidane, Ronaldo et dernièrement Owen), sûr que le prochain palmarès établi en décembre par France Football devrait voir les quatre fanfarons de l'attaque barcelonaise bien placés, si ce n'est vainqueur pour l'un d'entre eux.

Quelques inquiétudes et interrogations

Tout va bien dans le meilleur des mondes. Enfin presque. L'effectif réduit ne poserait pas de problème, vu la qualité des joueurs, si une malédiction ne s'abattait pas sur le milieu de terrain barcelonais. Après le départ cet été de Davids pour «incompatibilité salariale» , les indisponibilités pour six mois de Motta et Gabri, tous deux touchés aux ligaments du genou, la blessure de Sylvinho l'écartant des terrains pour un mois minimum, c'est au tour de l'ancien Lyonnais Edmilson de se blesser. En effet, trois minutes après son entrée en jeu dimanche dernier pour le match face à Numancia, le Brésilien s'est mal réceptionné à la suite d'une lutte aérienne. Bilan : entorse du genou gauche avec rupture du ménisque interne et lésion du ligament croisé antérieur. Il a donc été opéré lundi dernier à la clinique San Cugat et sera indisponible six mois également. Frank Rijkaard, serein après la blessure de Motta lors de la seconde journée (victoire contre Séville 2-0), «nous ne prendrons pas de renforts cet hiver. Nous sommes tranquilles puisque nous avons encore des joueurs en suffisance. Je reconnais néanmoins que l'équipe est un peu touchée puisque nous sommes limités par le nombre de joueurs» , se voulait plus alarmiste à l'issue de la difficile victoire face à Numancia, «avec une victoire, nous devrions normalement être contents. Mais mon esprit reste préoccupé par la blessure d'Edmilson» . Joan Laporta n'en restait pas moins «préoccupé» , déclarant mardi soir sur le site officiel du club, «nous devenons faibles au regard des positions occupés par Motta et Edmilson dans l'équipe. Pour y remédier, nous allons d'abord privilégier une solution avec des joueurs de la réserve. Si cela ne fonctionne pas, sans nous précipiter, nous serons attentifs lors du mercato.» Autant dire que la piste menant à une recrue hivernal devient de plus en plus chaude...

Tout va bien dans le meilleur des mondes. Enfin, pour l'instant. Le géant barcelonais ne s'est en effet pour l'instant frotté qu'aux «petites équipes» de son championnat et n'a pas eu à livrer de chocs en Ligue des Champions. Sur ses cinq victoires en championnat, trois ont été acquises face à des formations dans la zone de relégation ou en passe d'y entrer (Santander, 15ème, Numancia, 18ème et Majorque, dernier). En Coupe d'Europe, le club blaugrana attend également son premier grand match se contentant pour le moment d'écarter facilement les sparring-partners de ce groupe F que sont le Celtic Glasgow (3-1) et le Chakhtior Donetsk (3-0). Mais Barcelone va bientôt pouvoir prouver sa vraie valeur. A l'issue de cette mini trêve internationale, les Catalans enchaîneront une série de huit matchs conclue par la réception du sempiternel rival madrilène. Entre temps, outre la double confrontation face au Milan AC, la bande à Giuly se sera mesuré à l'éternel voisin de l'Espanyol, aux Basques de Bilbao ou encore au Deportivo La Corogne. Joli programme.

Une nouvelle équipe est née

Reste que la formation barcelonaise produit, selon beaucoup d'observateurs, sûrement le plus beau jeu d'Europe. L'impression d'être revenu au Barça de Cruyff, le même qui après avoir critiqué la trop grande présence de Brésiliens (Barcelone en compte quatre avec Belletti, Sylvinho, Edmilson et Ronaldinho plus deux joueurs d'origine auriverde avec Deco et Motta), s'émerveille aujourd'hui du jeu instauré par Frank Rijkaard, «le Barça joue enfin comme une vraie équipe de football» . La construction d'une équipe d'une homogénéité surprenante à ce niveau là ne doit pas être étrangère à ce beau jeu. Barcelone compte en effet un effectif plus qualitatif que quantitatif. Seuls vingt joueurs sont à ce jour sous contrat. Quatorze d'entre eux ont un âge compris entre 24 et 28 ans d'où une moyenne générale de 25 ans et demi, plutôt jeune pour un club de cette envergure. Mais l'homogénéité du groupe ne s'arrête pas là. Si l'on enlève les trois lutins que sont Xavi, Giuly et Iniesta, la totalité des joueurs ont une taille comprise entre 1m75 et 1m85. Le résultat sur le terrain est effarant, notamment dans le secteur offensif. Le mouvement est perpétuel et chaque élément semble capable d'occuper le poste de son coéquipier. Les cinq larrons du secteur offensif que sont Deco, Ronaldinho, Giuly, Eto'o et Larsson possèdent d'ailleurs la statistique étonnante de totaliser au minimum un but et une passe décisive chacun. Le Camerounais est, à ce titre, meilleur buteur de la Liga avec déjà cinq réalisations. Pour sa part, l'international français s'en sort plutôt bien avec sept titularisations assorties de trois buts et une passe décisive, prouvant que la terre catalane n'est pas maudite pour les joueurs de l'hexagone. L'ancien monégasque s'en amusait même dans un entretien accordé à l'Equipe lundi dernier, «comme je suis le seul français qui réussira au Barça, j'ai gardé la maison des Français» . Plus sérieusement, el ««rato loco» (le rat fou) comme le surnomme la presse catalane dit «se sentir libre» et s'enthousiasme du «délire permanent» qui entoure son club.

Mais la réussite de ce FC Barcelone n'est pas uniquement l'affaire de ce fabuleux secteur offensif. L'arrière garde catalane a acquis cette année une stabilité déconcertante. Les statistiques ne s'y trompent d'ailleurs pas. Barcelone est la meilleure défense de ce championnat (3 buts en six matchs) et n'a jamais encaissé plus d'un but par match. En Ligue des Champions, c'est du même acabit. En deux matchs, seul Sutton du Celtic Glasgow a réussi à faire trembler les filets de Victor Valdes. Cette étonnante réussite provient sûrement de l'efficacité du duo Puyol (26 ans), Marquez (25 ans) mais aussi de la capacité à Barcelone à garder le ballon. Et, à ce titre, le milieu relayeur Xavi (24 ans) doit en être l'un des plus grands artisans. Le Catalan de toujours est en effet éblouissant depuis le début de saison et incarne l'avenir du club au même titre que Carles Puyol, élu capitaine par ses pairs à la veille de la reprise, comme le veut la tradition. La présence de Belletti et «Gio» (anciennement Giovanni Van Bronckhorst) apporte aussi un gage de sécurité à Frank Rijkaard et un zeste de génie, en témoigne la frappe sous la barre du Hollandais face à Saragosse. Rajoutons la hargne des 100% Catalans que sont Gerard, Oleguer et Iniesta, qui déclarait après sa sublime passe décisive à Eto'o contre Donetsk (un dribble éliminant deux joueurs suivi d'une passe caviar vers le Camerounais), «le mérite revient à toute l'équipe. La bonne ambiance qui régne en dehors du terrain se retrouve sur la pelouse» , sûr que cette équipe a tout d'une très grande. Voir, à l'image de l'équipe venue mettre le feu à la Catalogne en 1992 et emmené par Michael Jordan, idole d'un certain Ludovic Giuly, une «Dream Team» .

Même si le FC Barcelone semble être l'équipe de ce début de saison, rien ne dit qu'ils seront toujours là dans la période décisive pour l'obtention de titres. Reste néanmoins que le jeu pratiqué par les Catalans redonne à tous la passion du football. Leurs futures sorties font d'ailleurs saliver d'avance…

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