Finie la casquette d'Elie Baup arpentant les travées du stade Lescure, terminée la samba brésilienne des Miranda, Costa et autre Deivid du côté du Haillan… Bordeaux a choisi de changer de direction en donnant définitivement les rênes à un «jeune ancien» de la maison. Michel Pavon, aidé par une défense de fer et un duo d'attaque incisif, se doit ainsi de ramener les Girondins vers les sommets d'antan…

Un nouveau discours

Une frappe aurait pu tout anéantir. Une frappe venue d'ailleurs. Mais pourtant une frappe d'un homme bien connu de la maison girondine. Une frappe pleine lucarne. Une frappe à la 94ème minute du premier match du Championnat. Une frappe dans l'antre du rival marseillais. C'est évident, Laurent Battles aurait pu réduire à néant le travail entrepris par Michel Pavon depuis sa prise de fonction en octobre 2003. Oui, mais là où l'équipe de l'année dernière se serait écroulée, celle de cette année a choisi de se révolter. Et ce sont les malheureux niçois qui en ont fait les frais. 5-1. Un nombre de buts que les Bordelais n'avaient pas atteint depuis près de seize mois et un 6-1 à Ajaccio assorti d'un triplé de Pauleta. Le portugais a désormais quitté le Haillan. C'est donc Marwan Chamack, aidé par Lilian Laslandes et un petit coup du sort (but du gardien Grégorini contre son camp à la 15ème minute) qui a imité l'Aigle des Açores (triplé aux 23ème, 56ème et 72ème) pour replacer dès la semaine suivante et cette victoire 5-1 face à Nice, théâtre de la seconde journée, les Girondins sur le bon chemin. Vraisemblablement le chemin du renouveau. Après un exercice 2003-2004 douloureux, synonyme de 12ème place en Championnat, soit plus mauvaise performance du club aquitain depuis la 16ème place de la bande à Zidane en 1996, et d'élimination piteuse en seizième de finale de Coupe de France face au modeste voisin Bayonne, le FCGB se devait de relancer la machine.

Michel Pavon, parti en tant que joueur en 2000 du côté du Bétis Séville, est donc revenu en octobre 2003 au château du Haillan. Pas facile de gommer d'un seul coup d'un seul les méthodes éprouvées par l'homme à la casquette durant plus de cinq ans. Pas facile non plus de faire comprendre à ses anciens partenaires (Ramé, Jemmali ou Laslandes) que, désormais, il faut le considérer comme le patron. «Hier, je lui faisais la bise. Aujourd'hui, je dois lui serrer la main. Ca fait bizarre» confiait d'ailleurs l'ancien cannois David Jemmali à propos des contacts entretenus avec son coach. Mais l'ancien milieu récupérateur est bel et bien devenu le patron de la maison girondine. Capable de mener d'une main de maître une équipe à la dérive en lui injectant le sang neuf nécessaire. Preuve en est par la titularisation régulière de quatre éléments du centre de formation, Marc Planus, Pablo Francia, Marwan Chamack et Rio Mavuba. Il existe d'ailleurs une petite anecdote à propos de ce dernier. Dès sa nomination, Michel Pavon s'est empressé de demander à ses collaborateurs : «Rio est encore là ? Ce gamin que j'avais déjà remarqué quand j'étais encore joueur aux Girondins. Il ne devait avoir que quinze ou seize ans. Mais déjà il m'impressionnait.» . Capable aussi de défendre corps et âme son équipe, répondant à un journaliste inquiet du manque de jeu produit à l'occasion du 0-0 face à Rennes lors de la 6ème journée qu'il n'est «jamais inquiet. C'est vous qui êtes inquiets. Vous étiez déjà inquiets pour Bordeaux en début de saison.» . Capable encore de passer d'un système de jeu à un autre entre deux matchs. 4-2-3-1 à l'extérieur. 4-1-2-1-2 à la maison. Finalement, seul l'arrière garde reste immuable chez le technicien.

Une défense de fer

A plat. A quatre. Devant l'ex-international Ulrich Ramé. Devant le néo-international Rio Mavuba. Voilà comment qualifier l'arme majeure des Girondins version 2004-2005. Ou beaucoup plus simplement, la défense. Même si le travail défensif n'est jamais l'affaire de quatre ou cinq joueurs mais celui de la totalité d'un groupe, le quartet composant l'arrière garde bordelaise reste le principal artisan d'une défense quasiment hermétique. Quatre buts encaissés en huit rencontres, soit la deuxième meilleure défense de Ligue 1 derrière Lyon, dont la moitié sans conséquences à l'occasion des cartons face à Nice, 5-1, et Bastia, 4-1, davantage signes de déconcentration que de réelles mises en difficulté. 417 minutes d'invincibilité pour Ramé entre le but de Jarjat (65ème minute contre Nice) et celui de Née (32ème à Bastia) soit quatre «blanchissages» face à Lille, Sochaux, Metz et Rennes. David Jemmali, 29 ans, Marc Planus,22 ans, Mihalis Kapsis, 30 ans et Franck Jurietti, 29 ans, sont donc les hommes de cette réussite. Plus de 450 matchs de Ligue 1 à eux quatre sans compter les 300 matchs du Grec dans son championnat national. Autant dire un secteur aguerri aux joutes de la Ligue 1. Rarement pris en défaut en homme à homme, la charnière centrale n'a du baisser pavillon que face aux redoutables joueurs de tête que sont Née (32ème minute du match face à Bastia) ou Moreira (88ème minute et l'égalisation toulousaine samedi dernier à Chaban-Delmas). Ce duo défensif formé par Planus, issu du centre de formation, et Kapsis, transfuge de l'AEK Athènes rappelle étrangement celui formé par le Grec lors de l'Euro portugais. Intraitable au marquage individuel mais pas toujours précis dans la relance. Qu'importe, d'autres sont là pour ça. A commencer par les deux latéraux. L'un est désormais le doyen du club girondin, l'autre a plus bourlingué. Aujourd'hui, ils apportent un plus tant sur le plan défensif, par une couverture parfaite de leurs deux compères du centre, tant sur le plan offensif. Jemmali et Jurietti ont d'ailleurs déjà été passeurs décisifs en faveur de Marwan Chamack cette saison. Le premier à la 72ème du 5-1 contre Nice et le second samedi dernier lors du derby face à Toulouse (1-1).

Mais quelle erreur de considérer que seuls ces quatre hommes seraient responsables d'une telle performance. Il convient d'ajouter l'inamovible Ulrich Ramé, 32 ans. Un temps prêt à quitter le navire bordelais pour l'Espanyol Barcelone, le Nantais d'origine a finalement choisi de prolonger le bail. Bien lui en a pris. Malgré la sévère notation de France Football, 18ème au classement des gardiens, le champion de France 99 dirige d'une main de maître cette défense, s'imposant comme l'un des meilleurs portiers sur sa ligne. L'autre élément déterminant de ce secteur défensif est beaucoup plus jeune. 20 ans. Né sur un bateau au large de l'Angola. Nationalité française depuis le 24 septembre dernier. Rio Mavuba est l'espoir le plus convaincant du groupe bordelais. Celui dont la technique n'est pas sans rappeler celle de Giresse s'impose comme le maître du milieu bordelais. Le meilleur joueur du dernier Festival de Toulon impressionne par son nombre de ballons récupérés et sa capacité à alterner sa relance. Passe courte, longue transversale, accélération balle au pied, frappe de loin… Tout y passe. Lancé à la Mosson en janvier dernier, le n° 24 étonne par sa maturité et sa fulgurante ascension. Malgré à peine 20 matchs en Ligue 1, il a déjà vécu les joies d'une titularisation chez les Bleus.

Un duo d'attaque

Bizarrement, ce n'est pas la complémentarité ni la ressemblance du duo qui fait son efficacité. L'un a 20 ans, le teint mat, une accélération et une conduite de balle à toute épreuve. Il est l'image de la jeune génération bordelaise. L'autre a 32 ans, les cheveux blonds, un sens du placement et une efficacité devant le but à faire frémir n'importe quel gardien de L1. Il incarne le passé glorieux d'Elie Baup et ses troupes. Marwan Chamack et Lilian Laslandes n'ont joué que 362 minutes ensemble sur les 720 possibles depuis le début du championnat, soit environ 50% du temps. La faute aux choix tactiques de Pavon, un seul attaquant de pointe à l'extérieur, ou aux nerfs de l'ancien Auxerrois, expulsé dès la 21ème minute à Metz pour un coup de pied sur Caillet. Reste que ce duo représente à lui seul 3/4 des buts de son équipe (5 pour Chamack, 4 pour Laslandes sur les 12 buts marqués par Bordeaux). Ce grand nombre de buts qui les placent respectivement aux première et troisième places des buteurs tient surtout à leur réussite dans un match. Contre Nice pour le Marocain, auteur d'un triplé. Face à Bastia pour l'ancien Auxerrois grâce à un doublé.

Mais, à l'image d'une défense qui n'est pas l'affaire de quatre joueurs seulement, la réussite offensive bordelaise ne repose pas uniquement sur ces deux hommes. Certes, ce sont Rool et Faubert qui ont inscrit les deux buts délaissés par le duo d'attaque, mais c'est surtout l'abattage de Camel Meriem qu'il faut retenir. Encore muet cette saison et auteur d'une seule passe décisive (à destination de Rool pour l'ouverture du score contre Sochaux), l'ancien Marseillais est pourtant le déclencheur du milieu de terrain. Capable de venir porter secours à son compère Mavuba, il reste, grâce à une technique extraordinaire des deux pieds, qui n'est pas sans rappeler celle d'un certain Zidane, capable des gestes les plus fous. A sa droite sur le terrain, se trouve l'un des autres grands espoirs du club. Auteur de sept buts en 2003-2004, soit le meilleur total bordelais de l'année dernière, Pablo Francia, 20 ans, amène un plus indéniable à cette formation. Par ses dribbles côté droit, il parvient à créer des décalages, pas toujours pris en compte par les statistiques (le Franco-argentin voit son compteur but bloqué à zéro et n'a réalisé qu'une seule passe décisive), mais indispensable pour les accélérations de son ami Chamack.. Si on ajoute à ces deux hommes la vivacité du Nigérian Uche, transfuge du Wisla Cracovie pas encore dans le rythme comme en témoigne son expulsion face à Rennes à la 84ème minute pour un tacle un peu trop appuyé sur Dudu Cearense, l'efficacité du convalescent Darcheville ou encore l'accélération de Hervé Bugnet, sûr que l'attaque bordelaise a de beaux jours devant elle…

Auteurs d'un début de saison satisfaisant, les Bordelais se doivent désormais de confirmer. En forme de test, les Girondins vont devoir se mesurer successivement aux trois promus. Reste à savoir si la défense tiendra le choc et si l'attaque se montrera toujours aussi efficace. Réponse dès samedi au stade Michel-d'Ornano à Caen…

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