Mercredi, la préparation pour l'Euro 2004 des Bleus débute avec une rencontre en Belgique, qui ne s'est elle pas qualifiée pour le championnat d'Europe. Pour autant, ce match ne sera certainement pas une promenade de santé pour les hommes de Jacques Santini, tant les Diables Rouges ont des choses à prouver.

C'était il y a 100 ans. Le 1er mai 1904, à Bruxelles, la Belgique et la France entamaient leur histoire footbalistique par un match nul 3-3. Depuis, les deux nations voisines ne se sont plus quittées, puisque le Belgique-France de mercredi sera la 70e du nom. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, le bilan est favorable aux Diables Rouges, avec 29 victoires, 17 nuls et 23 succès des Bleus. Mais en dehors de la dimension historique de cette opposition, ce Belgique-France devrait permettre aux deux équipes de se situer. Les Bleus doivent en effet confirmer leur superbe série de 13 victoires consécutives, mais surtout débuter de la meilleure manière possible leur préparation à l'Euro 2004, qui débutera le 10 juin prochain, et qui on l'espère s'achèvera victorieusement le 4 juillet à Lisbonne. Ce match sera également l'occasion pour plusieurs joueurs de faire leur preuve avec les Bleus afin de se faire une place parmi les 23 joueurs que Jacques Santini emmènera au Portugal. Côté belge, l'objectif est plutôt d'entamer la reconstruction après la non-qualification pour l'Euro, avec en point de mire la campagne qualificative pour la Coupe du Monde 2006. Les joueurs d'Aimé Anthuénis, troisièmes (derrière la Bulgarie et la Croatie) de leur groupe qualificatif pour le championnat d'Europe, auront néanmoins à coeur de prouver qu'ils avaient leur place parmi les 16 meilleures formations européennes qui se retrouveront au début de l'été sur les bords de l'Océan Atlantique.

Une rencontre historique pour se situer

Ce 70e match entre la France et la Belgique promet de n'avoir d'amical que le nom, du fait de la motivation des deux équipes, comme le rappelle Jacques Santini : "il ne faut pas s'attendre à un match de préparation mais plutôt à une rencontre de qualification. Les rencontres France-Belgique sortent de l'ordinaire. On pourrait presque parler de derbies. Les Belges ne prendront pas part à l'Euro, mais ils ont retrouvé une dynamique et des joueurs leaders. Ils vont entamer la préparation des éliminatoires pour le Mondial 2006 dans un groupe difficile (Espagne, Bosnie, Lituanie, Serbie, San Marin). Ils veulent réapparaître sur la scène internationale. Ce ne sera pas un match facile, surtout dans un stade plein. Ils vont se servir de ce match pour réapparaître sur la scène internationale." Les Bleus doivent donc se méfier de leurs adversaires, qui restent notamment sur une victoire en mai 2002 au Stade de France (2-1). Un revers que veut effacer le capitaine des Bleus Marcel Desailly, même s'il insiste sur la probable fatigue de certains joueurs : «c'est une remise en route après trois mois d'interruption, certains joueurs sont fatigués parce qu'ils ont joué dimanche, il faudra se méfier. Mais on a deux bonnes raisons de vouloir l'emporter : d'abord parce qu'on reste sur une défaite face à la Belgique, ensuite parce qu'on se doit individuellement d'être performants.» Le milieu monégasque Jérôme Rothen, lui, ne semble pas se faire trop de soucis. «Je ne connais pas vraiment cette équipe, admet-il, quelques noms seulement comme Van Buyten, M'Penza ou encore Deflandre. Dado Prso, mon coéquipier à l'ASM, m'a parlé de cette équipe pour l'avoir affrontée en éliminatoires avec la Croatie. C'est un groupe solide, difficile à gérer sur son terrain. En jouant sur nos valeurs, nous devrions passer.» Et pourquoi pas rééditer la performance de novembre dernier en Allemagne (3-0) ? Le sélectionneur belge Aimé Anthuénis semble craindre une telle prestation des Bleus : «un Belgique-France est plus enrichissant qu'un Belgique-Slovaquie. Évidemment, il y a le danger de recevoir une raclée. J'ai regardé plusieurs fois la cassette d'Allemagne-France et j'ai vu des Français au sommet de leur art (...). Alors, c'est vrai, peut-être que mercredi soir je reverrai mon jugement, mais pour l'instant je suis très heureux de jouer contre la France.»

Pour certains, c'est maintenant ou jamais

Même si le Pays-Bas-France du 31 mars sera probablement l'occasion d'effectuer d'ultimes essais en vue du championnat d'Europe, certains joueurs de l'équipe de France jouent gros au stade du roi Baudouin. Pour Saha, Luyindula, Govou, Marlet, Kapo, Rothen et Mexès, une bonne prestation est en effet indispensable s'ils espèrent faire partie des 23 élus qui défendront le titre obtenu en 2000. Les six premiers nommés, qui évoluent dans un registre offensif, ont beaucoup à gagner de l'absence des Trezeguet, Henry, Cissé, Anelka, Wiltord et autres Giuly. «C'est une chance extraordinaire de pouvoir jouer, ne serait-ce qu'une mi-temps» se réjouit le petit nouveau Louis Saha, qui ne se met pas de pression : «jouer gros ? Non. Il y a une semaine, je n'étais même pas dans le groupe...» L'autre «bleu des Bleus» , le buteur lyonnais Peguy Luyindula, assure n'avoir besoin de rien d'autre que son talent pour faire sa place. «Si j'ai une place à prendre, je me la ferai moi-même, assure-t-il. Je ne suis pas du genre à forcer les événements en poussant des coups de gueule dans la presse, mais plutôt en prouvant des choses sur le terrain. Je forcerai le destin quoiqu'il arrive, mais sur le terrain.» Viserait-il un certain Nicolas A. ? En tout cas, les deux novices semblent avant tout heureux d'être là, alors qu'Olivier Kapo voit plus loin : «il reste peu de matches avant l'Euro pour faire ses preuves. Je suis prêt.» Voilà qui est dit. Etant donné que les absents ont toujours tort (adage vérifié depuis que Santini a pris les commandes des Bleus), la lutte s'annonce rude entre les attaquants français, et Luyindula a trouvé le meilleur moyen de plaire au sélectionneur : «un but pèse toujours lourd dans la balance. Mais il ne faudrait pas passer à côté du match et inscrire un but de raccroc.» Jacques Santini, lui, ne s'est pas gardé de mettre un peu de pression sur ceux qui pourraient n'être que des "intérimaires" . «Chaque minute passée sur le terrain sera intégrée dans une analyse. On le sait, une mauvaise minute pénalise le joueur.» A eux de jouer désormais ! Sur un plan plus général, les Bleus devront entamer 2004 mieux qu'ils avaient débuté 2003 (0-2 face à la République Tchèque), même si la suite fut très glorieuse, avec une qualification pour l'Euro sans perdre un seul point, une victoire en Coupe des Confédérations et cette formidable série de 13 victoires consécutives. Et Jacques Santini, même s'il admet qu' «il y aura toujours des minutes de tâtonnement (...), d'autant plus que ce match n'est pas facile à préparer après une coupure de trois mois» , attendra certainement de ses joueurs un combat de tous les instants, car l'échéance se rapproche et l'équipe de France, autant sur le plan collectif qu'individuel (on pense à Marcel Desailly, qui n'a plus joué depuis un mois), se doit de montrer sa compétitivité dès aujourd'hui.

Les Belges, quant à eux, entament ce mercredi leur "opération qualification" pour le Mondial 2006 en Allemagne. C'est en effet une équipe très rajeunie par rapport à la Coupe du Monde 2002 qui se dresse devant les Français, avec notamment les départs de Gert Verheyen, Johan Walem et surtout Marc Wilmots, sans compter la blessure du capitaine Bart Goor. Le joueur le plus expérimenté du groupe est ainsi le défenseur lyonnais Eric Deflandre, avec 48 sélections. Mais pas question pour autant de faire de la figuration face à l'une des meilleures équipes du monde. «Même si nous sommes conscients d'affronter la France et non l'Albanie, nous débuterons la partie avec l'intention d'accrocher un résultat positif en y mettant la manière, a déclaré Aimé Anthuénis. J'aimerais voir une équipe équilibrée capable de marquer un ou plusieurs buts face à une des meilleures formations du monde.» Les meilleurs exemples de la nouvelle vague belge sont le buteur de l'Ajax Amsterdam Wesley Sonck (12 buts en 21 sélections), soulier d'or européen en 2002 et le défenseur de Manchester City (prêté par l'OM) Daniel van Buyten, courtisé par les plus grands clubs européens depuis près de deux ans. Déçus par leur non-qualification pour l'Euro, les Diables Rouges voudront donc entamer leur nouvelle campagne par une performance notable, et quel meilleur adversaire que l'équipe en forme du moment pour réaliser un exploit qui les lancerait vers le Mondial 2006 ?

Une défense inédite face à une attaque inédite

La composition de l'équipe de Belgique ne devrait pas proposer de grandes surprises, excepté en défense. En effet, deux des titulaires pressentis, Daniel van Buyten et Olivier Deschacht sont blessés et très incertains. Ils pourraient être remplacés par Jelle van Damme (Ajax) et par la future star du football belge, le défenseur d'Anderlecht Vincent Kompany, 17 ans, qui ne compte encore aucune sélection à son actif. A son sujet, van Buyten s'est montré confiant : «il a pas mal de qualités. Il lui manque l'expérience, certes, mais il a toutes les qualités du défenseur central.» Le milieu de terrain devrait être mené par Walter Baseggio (25 ans, Anderlecht), présenté comme le potentiel successeur de Marc Wilmots. Les jeunes mais expérimentés Wesley Sonck (25 ans, Ajax) et Emile M'Penza (25 ans, Standard Liège) devraient être les fers de lance de l'attaque des Diables Rouges. D'autre part, on notera que seuls deux joueurs évoluent hors de Belgique et des Pays-Bas : Eric Deflandre (Lyon) et Daniel van Buyten (Manchester City). Mais ce qui pourrait être considéré comme une faiblesse est compensé par le fait que la plupart des joueurs de la sélection évoluent dans les plus grands clubs des "plats pays" , le FC Bruges (4 joueurs), Anderlecht (3) ou encore l'Ajax Amsterdam (3). Une sélection qui manque donc d'expérience internationale, mais qui fera preuve face aux Bleus d'une détermination sans faille, tant ils ont à se faire pardonner.

Du côté de l'équipe de France, la principale question est de savoir qui débutera le match à la pointe de l'attaque, après les forfaits de Thierry Henry et de David Trezeguet. «Ces deux hommes faisaient partie du groupe de base et tout entraîneur préfère avoir ses meilleurs éléments, regrettait Santini mardi. Mais c'est à l'entraîneur de s'adapter et puis cette situation va permettre d'offrir plus de temps de jeu à certains.» Le sélectionneur est ensuite resté évasif sur le duo qui débutera la rencontre. Plusieurs solutions se dégagent néanmoins : Govou-Marlet (associés à Lyon jusqu'en 2001), Saha-Marlet (ensemble à Fulham jusqu'en 2003) et Govou-Luyindula (partenaires à l'OL). Mais Santini n'a pas écarté la possibilité d'associer les deux novices Saha et Luyindula, suspense donc... Le deuxième interrogation se situe au niveau de la défense centrale, puisque si Marcel Desailly, qui n'a plus joué depuis le 19 janvier avec Chelsea, est assuré depuis mardi de débuter la rencontre ( «Certains joueurs, dont Marcel, ont besoin de repères et le sélectionneur a aussi besoin de repères. Marcel fera donc partie du onze de départ» a indiqué Santini), son éventuel partenaire (Gallas ? Silvestre ? Boumsong ? Mexès ?) est loin d'être connu. Le forfait de Willy Sagnol a en tout cas écarté la possibilité de faire glisser Lilian Thuram dans l'axe, comme Santini l'avait fait en Allemagne. Et si l'association Gallas-Desailly portait ses fruits l'an passé, 2004 pourrait enfin permettre à Mickaël Silvestre de s'épanouir en équipe de France, comme l'a prouvé sa prestation sans faute en novembre dernier face à la Nationalmannschaft. La compétition devrait donc se situer entre Gallas et Silvestre. Le reste du terrain devrait être occupé par les tauliers de l'équipe, Barthez, Thuram, Lizarazu, Vieira, Makelele, Pires et Zidane, sauf volonté du sélectionneur d'effectuer quelques tests. Hormis en attaque, les Bleus devraient donc se présenter face aux Diables Rouges avec leur équipe type et probablement définitive à quelques mois du début de l'Euro.

Faire leurs preuves. C'est sans doute ce que doivent se répéter les Bleus non assurés de faire partie de la liste définitive de Jacques Santini, ainsi que tous les joueurs belges, pleins de volonté afin d'effacer leur élimination pour l'Euro 2004. D'ailleurs, pour Eric Deflandre, «ce sera aux Diables Rouges d'être à la hauteur pour qu'il y ait un belle rencontre. Si nous continuons à jouer comme nous l'avons fait lors de nos dernières sorties, ce sera un bon match.» Tous les ingrédients semblent en tout cas réunis pour fêter dignement ce 100e anniversaire.